On voit à quel point on est dans l'incertitude sur le sujet de l'emploi. On passe, quasiment du jour au lendemain, d'une vision extrême à l'autre, d'une situation où l'on manque de médecins avec le risque de déserts médicaux à une situation où l'on s'inquiète que trop de médecins puissent être remplacés par des machines. De fait, il y aura beaucoup de discussions sur l'évolution du nombre et du rôle des médecins.
La médecine est typiquement un domaine que l'IA peut aider. Elle fait appel à beaucoup de paramètres ; on a besoin de personnalisation, de prédiction, d'analyse fine et aussi d'une grande quantité de connaissances. L'IA peut aider à renforcer la fiabilité du diagnostic, à donner des orientations aux médecins, des idées de traitement, dans certains cas à déterminer dans quelle catégorie on va ranger telle ou telle pathologie.
Ce n'est pas un hasard si le colloque AI for Humanity a invité Ran Balicer, l'un des grands noms, en Israël, de l'alliance entre IA et médecine. Ce dernier a insisté sur le fait que beaucoup de décès dans le monde sont imputables à des erreurs médicales, erreurs de prescription, erreurs d'orientations, etc.
On peut travailler à les réduire de façon substantielle. Aux États-Unis, on signale déjà des cas dans lesquels des patients doivent la vie à un algorithme d'IA qui a su détecter quelque chose de suspect dans l'imagerie médicale, là où le médecin n'y avait vu que du feu, et c'est normal. En cancérologie, les analyses des algorithmes d'IA sont à peu près au même niveau de fiabilité que celles des humains sur des cas de tests bien étudiés. Si l'on combine les deux, on obtient des taux de fiabilité proches de 100 %. La coopération est une piste probante.
Enfin, si l'IA peut permettre aux médecins de diminuer la durée des études, ou du moins la partie la plus fastidieuse des études, ils pourront alors peut-être se concentrer aux soins sur le terrain plus tôt. Cela peut être une évolution importante.
Il reste la question de la médecine prédictive. On a cherché à identifier des prédispositions, en particulier à travers l'analyse génétique. Pour l'instant, les résultats sont très en deçà des attentes qui étaient formulées il y a quelques années. Il est possible que cela vienne un jour. Certains médecins pensent qu'un patient trop bien informé sur les risques qu'il encourt peut devenir obsédé par son possible avenir. Dans ce domaine, le rôle de l'humain sera important, avec le droit à l'information ou à la non-information. Cela renforcera certainement d'autant plus le travail humain du médecin, dans une démarche tant psychologique et empathique que scientifique. La question qui se pose alors est celle de savoir comment travailler sur l'interaction avec le patient.