Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 9h40
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

La question du logiciel sera certes, importante. Les algorithmes se partagent dans la communauté mondiale, les logiciels se perfectionnent et, comme dans tout secteur, il y a une compétition aigue. Mais ce n'est pas là aujourd'hui que se trouve la concurrence la plus vive. Réellement, dans le domaine de l'IA, l'essentiel de la valeur ajoutée est apporté par la possibilité d'utiliser les données et de réaliser des expérimentations.

Il y a quelque temps, lors d'une audition, lorsqu'a été évoqué le sujet des traitements thérapeutiques, de l'IA appliquée à la maladie. l'intervenant nous avait montré une étude qui mettait en regard les résultats, en fonction de l'algorithme et de la base de données, Ces résultats dépendaient beaucoup plus de la qualité de la base de données que de la qualité de l'algorithme. Cela illustre bien que c'est là que se trouve la compétition et l'urgence pour l'État à intervenir.Concernant l'industrie, oui, l'IA s'appuie dans toutes ses déclinaisons sur le secteur où elle s'applique et elle a besoin de ce secteur, qui doit lui-même se montrer à la hauteur de l'enjeu.

Prenons l'exemple emblématique de la robotique. On a souvent tendance à confondre les deux dans l'imagerie populaire, IA et robots. En fait, ces deux secteurs sont presque disjoints, l'interface entre les deux étant assez limitée. La robotique moderne est construite beaucoup plus sur une notion de contrôle, de comportements prévus a priori et programmés que sur la notion d'apprentissage. Mais il y a un vrai enjeu à marier les deux, et, pour ce faire, il va falloir s'appuyer sur le secteur robotique existant, le favoriser, pour développer une vraie IA robotique.

L'Europe a une belle industrie robotique, Allemagne en tête. Notre mission conduit à penser qu'il y a lieu de conclure une alliance France-Allemagne-Italie sur la robotique et de prendre appui sur les initiatives des réseaux européens dans ce domaine.

Concernant le chiffrage, nous n'avons délibérément pas mis de montants dans le rapport, même si nous avons fait beaucoup de calculs et demandé beaucoup de sources différentes pour ces calculs. Nous avons fait des évaluations par comparaison internationale, par actions, par secteurs, sur la base de la valeur ajoutée... mais en raison de la grande hétérogénéité des ordres de grandeur des différentes lignes budgétaires correspondantes, nous ne les avons pas indiquées.

Une politique d'IA, c'est aussi une politique de recherche, de développement industriel, d'infrastructures, dans le domaine de l'emploi, du travail et de la formation. Ensuite, c'est une politique d'environnement, de transport, de défense, etc. Les ordres de grandeur sont très différents. En ajoutant, si j'ose dire, « des choux à des carottes », la complexité de cette répartition financière aurait été masquée. Par ailleurs, certaines actions sont plus urgentes que d'autres et les montants peuvent s'étaler dans le temps.

La première urgence, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une partie importante des annonces du Président de la République, est celle du secteur de la recherche, académique et industrielle. Un effort considérable a été annoncé.

Par rapport aux préconisations qui figurent dans le rapport initié par Axelle Lemaire, le Gouvernement a globalement « doublé la mise », si l'on peut ainsi dire. Là où le rapport avait annoncé 1,5 milliard d'euros d'investissement sur une dizaine d'années, l'actuel Gouvernement vient d'annoncer un investissement de 1,5 milliard d'euros sur le seul quinquennat. Encore cet investissement massif se limite-t-il aux secteurs annoncés de la recherche, de la défense, une partie de la R&D de certains secteurs. Cet investissement ne prend pas en compte d'éventuelles annonces supplémentaires, par exemple dans le domaine de la formation. D'autres lignes budgétaires pourraient aussi être abondées par la suite. En particulier, une réflexion a été engagée avec le ministre chargé du travail. À cet égard, je dois dire que nous avons fait le « tour » des ministères et rencontré un très bon écho dans la plupart des cas.

Concernant la place des femmes, notre objectif de 40 % est effectivement ambitieux compte tenu de la réalité du terrain. Mais il faut se donner des objectifs ambitieux, sinon tout va se diluer. Il s'agit surtout de prendre des mesures incitatives, notamment de faire de la publicité ciblée pour les carrières, les filières, la mise en place de bases de données, de portails d'information... Sur ce sujet, le travail personnalisé, de conviction, de mentorat fonctionne beaucoup mieux que les questions beaucoup plus globales de modèle, de culture et de valeurs dont une évolution sensible nécessite un temps considérable.

Je suis moi-même issu d'un domaine scientifique parmi les plus marqués en la matière : les mathématiques, et j'ai pu voir que les pourcentages de femmes reçues dans les promotions à l'École normale supérieure ne sont pas meilleurs aujourd'hui qu'il y a 25 ans, ils sont même plutôt plus faibles encore. De façon générale, on a vu la situation s'aggraver dans les dernières années, en France et un peu partout en Occident. Dans certains pays, ce n'est pas aussi net. En Israël, l'une de mes principales surprises a été de voir que la proportion de femmes dans les milieux « tech », start-up, recherche en informatique, en IA était bien plus élevée qu'en France.

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