Permettez-moi de commencer par un point d'actualité que beaucoup d'entre vous ont évoqué ; je veux parler de l'EPR de Flamanville. Tout d'abord, je rappelle que nous sommes dans la phase finale de sa construction. Il y a trois ans, EDF a réorganisé la gestion du chantier et s'est fixé pour objectif, d'une part, de consacrer à la totalité du programme un budget de 10,5 milliards d'euros et, d'autre part, de charger le combustible nucléaire dans le réacteur à la fin du quatrième trimestre 2018. Ces informations ont été rendues publiques il y a trois ans, et je vous les confirme aujourd'hui.
Cependant, dans la phase finale de construction, nous procédons à des essais qui incluent une nouvelle visite complète des installations. Parmi ces examens figure la vérification des soudures du circuit primaire et du circuit secondaire, lequel est composé de gros tuyaux qui relient le générateur de vapeur – où la vapeur du circuit primaire est échangée contre celle du circuit secondaire – au turboalternateur. Nous avons ainsi à vérifier environ 150 soudures pour lesquelles de premiers examens ont montré des écarts de qualité par rapport à ce que nous pensions. Or, nous avons pour règle absolue, sur le chantier de Flamanville – en tout cas depuis que je suis responsable d'EDF –, de respecter la transparence. Nous avons donc rendu publique, hier matin, l'existence de ces écarts de qualité. Les contrôles complémentaires vont se poursuivre jusqu'à la fin du mois de mai. Nous pourrons dire alors si un ajustement du planning et du coût est ou non nécessaire. Mais, au moment où je vous parle, nous les maintenons tels qu'ils ont été arrêtés il y a trois ans.
À ce propos, je veux rendre hommage aux milliers de personnes qui travaillent jour et nuit à Flamanville depuis de nombreuses années pour que soit mené à bien ce projet né dans des conditions particulièrement difficiles – on pourra, un jour, revenir sur les raisons qui ont conduit à la décision, que l'on qualifiera d'un peu hâtive, de lancer ce réacteur alors que sa conception n'était pas achevée. Ces équipes font mon admiration, et j'espère qu'elles font celle de beaucoup de Français, car elles sont en première ligne pour porter haut la filière nucléaire, qui emploie 220 000 personnes. J'ajoute que, hier soir, nous avons eu la fierté d'apprendre que l'Autorité de sûreté chinoise avait donné son accord pour que le premier EPR disponible, Taishan 1, reçoive son premier combustible nucléaire. Depuis quelques heures, les équipes chinoises, accompagnées de quelques dizaines de Français appartenant au groupe EDF – qui inclut désormais Framatome –, chargent donc le combustible à l'intérieur du réacteur, de sorte que les premières réactions nucléaires pourront débuter rapidement. Je tenais à partager avec vous cette information extrêmement importante pour la filière nucléaire.
En ce qui concerne le mix électrique, le calendrier de fermeture des réacteurs actuels et le calendrier de construction des réacteurs futurs, sur lesquels portent de nombreuses questions, je vous rappellerai que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui est pilotée par le Gouvernement, se conclura par la publication d'un décret. Bien évidemment, EDF s'inscrira dans le cadre qui sera ainsi défini, sans doute l'été prochain, par le Gouvernement. Cependant, nous avons un point de vue à faire valoir et nous répondrons, en tant qu'acteur de l'énergie en France, à l'invitation qui nous est faite de participer au débat public qui a débuté il y a bientôt un mois et qui se déroulera jusqu'à la fin du mois de juin prochain.
Les éléments sur lesquels nous comptons insister ne sont pas nouveaux, mais il me paraît important de les rappeler devant vous. Tout d'abord, notre parc nucléaire actuel est le socle du système électrique compétitif, décarboné et indépendant des importations étrangères – puisqu'il est même à l'origine d'exportations et créateur d'emplois – que prisent tous les consommateurs français. Il nous faut donc protéger ce parc et, dans la mesure où la sûreté nucléaire le permettra, prolonger sa durée de vie. Nous allons ainsi poursuivre, sur les dix-neuf sites nucléaires que nous exploitons, les travaux du Grand carénage qui a été lancé il y a quatre ans et dont je rappelle qu'il doit se dérouler, pour l'essentiel, entre 2014 et 2025. Le conseil d'administration d'EDF a décidé, en 2016, que le parc nucléaire, pour la totalité des tranches à 900 mégawatts – en dehors de celles de Fessenheim –, sera amorti sur cinquante ans et non pas quarante ans. De premières décisions ont donc été prises dans l'entreprise, avec l'accord de son actionnaire majoritaire, qui a les moyens de faire en sorte que les décisions du conseil d'administration traduisent ses souhaits.
Nous pensons également que, dans un monde décarboné, il n'est pas envisageable – comme l'a déclaré le ministre de la transition écologique et solidaire dans une communication au Conseil des ministres du 7 novembre 2017 – de reconstruire des centrales au gaz, en sus de celles qui existent actuellement en France. Ce serait, en effet, recréer des moyens de production émettant d'importants volumes de gaz à effet de serre aux dépens des moyens nucléaires qui, eux, n'en émettent pas. Ce cadre ayant été fixé par le Conseil des ministres en novembre dernier, nous nous inscrivons dans la perspective de construire de nouvelles centrales nucléaires, de nouveaux EPR, en France. En effet, la décision chinoise de faire fonctionner l'EPR de Taishan contribue à consolider le produit EPR. Il en va de même de la décision prise en présence du Président Macron, par le Premier ministre indien, M. Modi. J'ai du reste signé, le 12 mars dernier, avec la compagnie d'électricité nucléaire indienne, un accord qui n'est pas encore définitif mais qui est déjà très détaillé. L'EPR, on le verra également avec les développements en Finlande et l'achèvement du chantier de Flamanville à la fin de l'année, est le produit adéquat pour notre futur parc, car la France aura besoin, à terme, de beaucoup d'électricité nucléaire.
Nous militerons donc, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, en faveur d'une réduction progressive du parc français – de sorte que les aspects sociaux et industriels ainsi que la gestion du démantèlement soient organisés de façon optimisée – et pour la reconstruction progressive de nouveaux EPR, dans des quantités qui seront fixées par l'État dans les PPE successives. Notre catalogue comprend également un produit de puissance moyenne, l'ATMEA, qui n'a pas encore été commandé. Mais nous n'avons pas besoin, pour le parc français, d'un produit de ce type, qui intéresse cependant un certain nombre de clients étrangers et fait partie des projets de la nouvelle filière française de réacteurs qu'EDF anime depuis que Framatome est devenue l'une de ses filiales.
Par ailleurs, vous aurez certainement relevé le changement de dimension d'EDF dans le domaine des énergies renouvelables. Nous avons en effet la volonté de développer de manière importante le solaire en France et d'accompagner ce développement par un peu de stockage, nécessaire pour compenser l'intermittence de cette énergie. Nous le ferons également hors de France ; nous sommes d'ores et déjà très actifs dans ce domaine.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les concessions hydroélectriques. Vous savez que la directive « concessions », qui a près de vingt ans, impose à la France de mettre progressivement en concurrence les concessions hydroélectriques qui ont expiré, ce qui n'a pas encore été fait. Le gouvernement français est en négociation avec la Commission européenne sur les modalités de cette ouverture à la concurrence.