Intervention de Éric Woerth

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président :

Madame de Montchalin, nous avons en effet sur le plateau de Saclay un centre de R&D qui s'est installé depuis peu de temps, et qui marche très bien. Les priorités de la R&D sont de trouver des solutions innovantes qui nous permettront de faire mieux dans les domaines qui sont les nôtres.

Plus précisément, cette R&D est conduite majoritairement en fonction des besoins des métiers d'EDF, qui sont nombreux et complexes : il est difficile d'établir une priorité entre eux. Nous travaillons à la fois sur des sujets qui sont liés aux nouveaux matériaux, pour le nucléaire ou pour le solaire ; à des logiciels qui vont optimiser le réseau ; sur des batteries qui vont nous permettre de mieux stocker et restituer l'énergie ; à des simulations, par exemple dans le domaine de l'hydroélectricité chère à Mme Battistel. Nous avons d'ailleurs une filiale, issue de notre R&D, basée en Savoie, qui vend dans le monde entier des prestations destinées à optimiser les systèmes hydroélectriques. Le panorama est donc vaste.

Nous sommes également très impliqués dans l'écosystème, pas simplement autour du plateau de Saclay, mais d'une façon générale en France. Nous travaillons à créer des entreprises issues de notre R&D, telle Zinium, qui essaie de trouver des solutions innovantes utilisant le zinc, un métal beaucoup plus disponible que le lithium, pour la fabrication des batteries. Mais nous avons aussi créé Store & Forecast, qui vend dans le monde entier des prestations liées à l'optimisation des systèmes de stockage à partir d'algorithmes de prévision : il s'agit d'utiliser au mieux les batteries qui sont installées dans les réseaux, soit au moment de la charge, soit au moment de la décharge. Je pourrais multiplier les exemples. Tout cela pour dire que notre R&D est vraiment très industrielle.

Parallèlement, un tiers du financement des équipes de R&D, soit environ 200 millions par an, n'a pas de relation directe avec les métiers, parce que nous estimons que pour anticiper un avenir à plus long terme, il faut que de l'argent soit piloté au siège d'EDF, et pas simplement dans des applications commerciales de court et moyen termes. Voilà pourquoi nous nous consacrons à des études plus en amont, par exemple sur les réacteurs nucléaires qui permettront de ne plus produire de déchets, projet qui prend évidemment du temps, et auquel nous travaillons étroitement avec Orano et le CEA. Voilà un autre exemple d'une priorité de notre R&D – laquelle est toutefois financée sur fonds propres.

J'en viens à l'utilisation de Linky et des réseaux intelligents, sujet évidemment très important. Nous avons d'ores et déjà lancé des offres qui sont disponibles, enrichies, pour les 10 millions de Français équipés de Linky – voire plus, parce que 10 millions, c'était le nombre atteint dans les premiers jours d'avril, et que nous installons 30 000 ou 35 000 compteurs chaque jour.

Nous avons d'ores et déjà lancé des offres qui permettent au consommateur d'être plus efficace en matière de consommation d'électricité : d'abord, en fin année dernière, Vert Électrique et Vert Électrique Week-end ; ensuite E.quilibre, logiciel gratuitement disponible sur les ordinateurs et les smartphones, qui permet, notamment à partir des informations de Linky, de connaître sa consommation en direct, avec un renouvellement fréquent. Cela ne concerne évidemment que celui qui le souhaite – il n'y aura d'intrusion sans acquiescement très clair de la part du consommateur.

Toujours à propos de Linky, vous avez évoqué un déficit d'information. C'est possible. Bien que nous fassions le maximum pour apporter aux Français une information exacte, honnête, scientifiquement démontrée, et qui s'appuie sur de véritables expertises, il y aurait parmi eux 1 % de réticents.

Dans les autres pays du monde, c'est la même chose. J'ai récemment discuté avec mon homologue de Californie qui a implanté des compteurs numériques à la place des compteurs analogiques : il se heurte aussi à des réticences, et aux craintes des personnes qui supportent mal les ondes électromagnétiques.

Par ailleurs, nous prenons les remarques de la Cour des comptes telles qu'elles sont. Je rappellerai toutefois que ce n'est pas Enedis qui finance Linky, mais EDF, ce qui peut paraître assez curieux ; je l'ai découvert à mon arrivée.

Le paiement différé fait partie du pacte autour de Linky, tel qu'il a été voté au Parlement. Les Français ne commenceront à payer le coût de son déploiement que lorsque tous les Français seront équipés. C'est une décision qui a été prise, et nous devons vivre avec. Nous travaillons sur ces sujets avec la Commission de régulation de l'énergie.

J'ajoute que pour la collectivité, le bénéfice de Linky, sera indiscutable, malgré son coût de fabrication et d'installation. Ce nouveau compteur permettra aux Français de faire des économies d'énergie, d'être mieux informés, plus régulièrement, et de recevoir des factures plus fiables.

Mais j'ai remarqué que vous vous étonniez de ma façon de présenter les choses. De fait, dès lors que je parle de Linky, il me faut être extrêmement précautionneux : ce n'est pas EDF, mais sa filiale régulée Enedis qui met Linky en service, qui gère ce produit et ce programme. Je dois donc en permanence faire attention à ne pas laisser entendre aux Français qui nous suivent que c'est EDF, alors que c'est Enedis. J'ai peut-être été un peu timide pour expliquer pourquoi EDF allait bénéficier d'Enedis. Mais je sais que la Commission de régulation de l'énergie va expertiser jusqu'au dernier adjectif que j'utiliserai.

Monsieur Laurent, nous allons répondre à tous les appels d'offres en matière d'hydro-électricité. C'est pour nous une évidence, dès lors que nous en aurons le droit. Je voudrais rappeler que l'hydro-électricité bénéficie d'investissements importants chaque année : un peu plus de 400 millions d'euros, bien que ce ne soit pas pour EDF une source de profit. De très nombreux barrages sont déficitaires. Une importante péréquation est effectuée entre les grands barrages, que tout le monde connait ou voit quand il va faire du ski, et les petits barrages que l'on ne connaît pas mais qui ne rapportent pas d'argent, loin de là. La menace dont nous avons parlé avec Mme Battistel – dont je salue le travail – n'est d'ailleurs pas vaine : le fait de s'attaquer aux concessions les plus riches en eau risque de nuire à celles qui bénéficient de la péréquation.

Par ailleurs, nous sommes très attachés à la boîte à outils et à faire en sorte d'aider les entreprises électro-intensives à préparer leurs propres investissements, en leur offrant, sous l'autorité de l'État et de la Commission européenne, les contrats à moyen terme les meilleurs possibles.

Monsieur Mathiasin, nous accompagnons évidemment l'évolution du mix énergétique outre-mer. Une programmation pluriannuelle de l'énergie sera adoptée en Guadeloupe. Nous avons la volonté d'augmenter la part des énergies renouvelables, et d'assurer la sécurité d'approvisionnement.

Je voudrais en profiter pour insister sur le rôle que nous avons à jouer – et que nous avons joué – outre-mer au moment des cyclones. J'étais moi-même sur place, dans les semaines qui ont suivi les cyclones Irma et Maria, en particulier dans les îles du Nord. Je voudrais souligner la fierté que nous avons eue à rétablir le courant dans des délais aussi rapides, compte tenu de la désolation et de la dévastation qui y régnaient.

Nous avons vocation à déployer nos grands programmes nationaux dans l'ensemble du territoire, c'est-à-dire aussi bien en outre-mer qu'en métropole, qu'il s'agisse du plan solaire ou de nos efforts en matière de stockage de l'électricité, nous l'avons annoncé la semaine dernière. Je dirai même qu'assez souvent, nos territoires insulaires sont des lieux où nous pouvons intégrer des solutions innovantes, des solutions nouvelles comme les réseaux intelligents. Nous l'avons fait à plusieurs reprises. C'est vrai à la Guyane, c'est vrai à La Réunion. Ce doit être vrai en Guadeloupe aussi.

Madame Crouzet, nous sommes un acteur majeur de l'intelligence artificielle dans l'industrie, et nous sommes un acteur majeur de l'intelligence artificielle quand il s'agit d'aider nos clients à utiliser les outils que nous leur proposons. Nous avons lancé la semaine dernière cette nouvelle société, Metroscope, qui va se déployer petit à petit dans l'ensemble de nos centrales nucléaires, et que nous avons vocation à vendre à d'autres producteurs, ou à d'autres gestionnaires d'usines importantes comme le sont nos centrales nucléaires. Il est un peu tôt pour dire quel sera le bilan, mais nous y croyons suffisamment pour y avoir mis de l'argent et pour avoir commencé à nouer des contacts commerciaux avec des partenaires.

Vous m'avez parlé des problèmes liés à la gestion des barrages, et je n'ignore pas qu'il faudra trouver un équilibre entre la gestion optimisée de l'eau, et l'écosystème qui est autour, que ce soit en matière d'irrigation, de biodiversité ou de gestion des activités touristiques. Dans chaque territoire, nous avons passé des conventions. Je ne connais pas les endroits où il faudrait apporter des améliorations, je suis évidemment prêt à les étudier dans le respect des parties concernées. Je suis sûr que pour des sujets plus précis, nous pourrons trouver des solutions.

Ensuite, nous n'allons pas nous désengager de l'éolien. Certes, de l'avis général, l'éolien à terre n'est pas facile à faire accepter en France. J'en veux pour preuve le délai qu'il faut pour passer d'un projet à une construction définitive, la multiplication des recours et le rejet qu'expriment certains élus qui s'opposent à ces installations pour des raisons de bruit ou d'atteinte au paysage. Ainsi, dans certains endroits l'éolien se développe, alors que dans d'autres il se développe moins bien. Voilà pourquoi nous estimons qu'à l'avenir, l'essentiel de la croissance se fera dans le solaire.

Cela étant dit, nous pensons qu'il y aura de la croissance dans l'éolien, mais qu'il serait hasardeux de miser sur un engouement fort des Français pour l'éolien comme on le voit en Espagne, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Nous allons miser essentiellement sur le solaire, tout en faisant malgré tout un maximum d'éolien, y compris de l'éolien offshore – si le Gouvernement veut bien débloquer des dossiers qui ne l'ont pas encore été pour l'instant.

La rentabilité de ces installations dépend très largement des conditions de vent et de soleil. Il ne faut pas dire que les prix que nous sommes capables de proposer dans des pays désertiques comme l'Arabie saoudite, par exemple, sont transposables dans les régions de notre métropole, un peu moins ensoleillées. Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable. Disons simplement que le prix des énergies renouvelables se rapproche progressivement de celui des autres énergies ; cela dépend bien sûr des zones de pluies, de vent et d'ensoleillement. Par ailleurs, le problème de l'intermittence n'est pas réglé aujourd'hui. On ne peut pas faire le pari qu'il se réglera, mais on peut y travailler. Tout cela explique la stratégie que nous avons retenue : faire en sorte, au moment où le kilowattheure renouvelable se rapprochera du kilowattheure nucléaire et au moment où le prix du stockage baissera, d'avoir toutes les cordes à notre arc pour gérer l'intermittence, au mieux de l'intérêt de l'entreprise EDF et sans doute de notre pays.

Pour M. Di Filippo, nous aurions une vision assez timide de l'évolution de la consommation d'électricité en France. Je partage en partie ses interrogations. Pourquoi, compte tenu du développement du véhicule électrique, du volume de gaz que nous utilisons dans nos logements, et du fait que ce gaz produit beaucoup d'effets de serre, ne pas être un peu plus allants sur les prévisions de consommation d'électricité ? Pourquoi RTE n'a-t-il pas retenu de scénario dans lequel la consommation de l'électricité augmente ? Il n'y a pas, en effet, de scénario prévoyant la substitution du véhicule électrique au véhicule à essence, ou la substitution des pompes à chaleur aux chaudières à gaz. Pourquoi se limiter à l'étude de scénarios de stabilité ou de légère décroissance de l'électricité ? On peut s'en étonner.

Monsieur Saint-Martin, dès que l'accident de Fukushima a été connu, nous avons travaillé étroitement avec l'ASN pour en comprendre les raisons. Des programmes d'investissement ont été décidés dans les années 2011 et 2012, pour améliorer encore la sûreté du parc français – même si nous savons bien que les perspectives d'un tsunami sur quelque partie du territoire que ce soit ne sont pas envisageables. Nous avons pris des précautions supplémentaires, et un programme dit post-Fukushima a été lancé. Il est aujourd'hui inclus dans le programme du grand carénage. Il s'agit d'améliorer le niveau de sûreté des centrales nucléaires, avec divers équipements qui viennent d'ajouter au parc qui été construit il y a une trentaine d'années. Et cela se fait bien sûr avec l'ASN.

Par ailleurs, quels sont les investissements de renouvellement et la hausse des prix à attendre ? En étant très prudent, je dirais que beaucoup d'experts estiment que les prix de gros actuels, qui sont très bas, ne sont pas soutenables dans la durée, et qu'ils vont évoluer à la hausse lorsque les producteurs d'électricité à base de charbon, en particulier en Allemagne, utiliseront moins de charbon. Et cela aura vraisemblablement un effet sur les prix de détail. À quel moment ? Je n'ai pas de boule de cristal. Aujourd'hui en Europe, la capacité disponible est importante, dans la mesure où l'on a déjà construit beaucoup de renouvelable, et où l'énergie fossile qui va disparaître est encore très présente. Mais quand cette énergie fossile disparaîtra, les prix de gros augmenteront, et les prix de détail aussi.

Madame Ménard, nous essayons en permanence d'optimiser nos réponses aux appels d'offres lancés dans les différents territoires européens où nous opérons. C'est la compétitivité de nos offres qui nous permet de les remporter ou non, en France mais aussi en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et dans les autres pays.

L'installation de Colombiers, à quelque quinze ou vingt kilomètres de Béziers, a vocation à desservir l'ensemble du territoire européen. La part de la France est d'ailleurs minoritaire dans ses activités. Nous devons donc optimiser en permanence nos coûts. Vous dites, madame la députée, que nous sommes une entreprise publique, mais nous sommes surtout une entreprise en concurrence. C'est donc par appel d'offres que nous devons remporter la totalité des affaires nouvelles. Rien ne nous est donné ni directement attribué, et quelquefois la différence entre celui qui gagne et celui qui perd l'appel d'offres est de moins d'un centième.

De ce point de vue, nous avons effectivement engagé l'étude d'un projet qui consiste à regrouper plusieurs entités au sein du même département de l'Hérault. Je comprends que cela pose des problèmes dans le Biterrois. Comme M. Cahuzac vous l'a dit, nous sommes prêts à étudier des solutions qui permettraient, sans nuire à notre compétitivité, de ne pas poser ces problèmes dont vous vous êtes fait l'écho. Je maintiens ce que M. Cahuzac vous a dit : nous sommes prêts à examiner des solutions, dès lors qu'elles sont compétitives – parce que nous ne pouvons tabler sur aucune certitude, sans un maximum de compétitivité.

Madame Melchior, vous avez tout à fait raison. Je l'ai dit tout à l'heure : la disparition potentielle de la production d'électricité à Cordemais devrait tous nous soucier. Ce n'est peut-être pas à EDF de le dire, mais EDF se doit de rappeler que la centrale de Cordemais joue un rôle très important pour l'alimentation en électricité de la Bretagne. Certes, une unité – de capacité beaucoup plus faible – est en cours de construction dans votre circonscription, à Landivisiau, mais je ne puis vous parler de ce projet qui n'est pas le fait d'EDF. Je peux simplement vous dire que nous soutenons tout ce qui permettra un meilleur équilibre entre la consommation et la production dans la région. À ce titre, nous soutenons l'idée que les éoliennes offshore lancées il y a maintenant sept ans, attribuées il y a maintenant six ans puissent contribuer à ce rééquilibrage que nous appelons de nos voeux.

En ce qui concerne le mix énergétique, faut-il, madame Bessot Ballot, développer l'éolien, tout en construisant des centrales au charbon, comme les Allemands, ou faut-il des EPR ? Je crois que vous connaissez la réponse d'EDF : il faut mettre de l'éolien et développer du nucléaire pour ne pas avoir à reconstruire des centrales au charbon. Nous ne sommes pas partisans de ce que l'Allemagne a fait : construire de nouvelles centrales au charbon pour accompagner la croissance forte des énergies renouvelables. Le mix qui nous paraît le meilleur, sur lequel nous fondons notre stratégie d'entreprise et notre participation au débat autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie, concilie le nucléaire – compétitif, décarboné, fournisseur de très nombreux emplois très qualifiés et exportateur – et les différentes filières d'énergies renouvelables, l'éolien, notamment offshore, le solaire, sur lequel nous misons beaucoup, mais aussi d'autres énergies renouvelables dont nous avons peu parlé, comme la biomasse et la géothermie. Voilà ce dont nous assurons la promotion sous le contrôle du Gouvernement qui, lui, est en charge, vous le savez, de la définition du mix énergétique.

J'espère avoir répondu à presque toutes les questions.

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