Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je vous remercie pour vos riches interventions, qui témoignent de l'intérêt que vous portez à la construction de ce projet de loi et de votre volonté de le rendre plus robuste encore. Cependant, je ne peux pas laisser dire que celui-ci est d'inspiration libérale : une telle affirmation ne peut qu'étonner ceux qui me connaissent. On ne peut pas dire non plus qu'il ne comporte que de simples mesures techniques, car il marque un véritable changement de paradigme, qu'il s'agisse de l'inversion de la construction du prix ou de la transformation de nos modèles agricoles pour les rendre plus compétitifs. Je ne considère pas, pour ma part, que la compétitivité soit un gros mot. Comme toutes les entreprises, une exploitation agricole doit être compétitive pour pouvoir innover, investir et voir ainsi l'avenir en plus grand, embaucher, créer de l'emploi, bref : faire vivre les territoires.

J'aborde le débat avec l'ensemble des groupes dans un état d'esprit très constructif. Nos discussions vont porter sur l'agriculture et l'alimentation. Or, chacun, ici, mange au moins trois fois par jour et a ainsi la possibilité de servir l'agriculture française par ses choix. Ce texte traduit des choix ; il est pragmatique et tiendra compte des trajectoires nécessaires pour faire évoluer notre agriculture. Les débats qui se sont déroulés au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire étaient intéressants – je le sais pour y avoir participé. Nous continuerons, en commission des affaires économiques, puis en séance publique, de discuter de notre vision de l'agriculture. Mais tout est une question de trajectoire : comment accompagne-t-on notre agriculture pour qu'elle ne soit pas impuissante face à la concurrence et qu'elle ne se trouve pas empêchée d'investir ou de faire des progrès à cause d'une sur-transposition ou de verrous inutiles. Car l'ensemble des organisations syndicales le disent : l'agriculture n'a plus besoin de verrous. Nous devons donc déverrouiller nos modèles agricoles pour que nos agriculteurs, demain, puissent créer des produits de meilleure qualité, soigner le capital santé des individus et notre environnement.

Ne nous trompons pas de débat. Je partage les propos de M. Thierry Benoit : ce texte vise d'abord et avant tout à rétablir l'équilibre des relations commerciales. Le terme de moralisation me convient, à cet égard, car la course aux prix les plus bas a abouti à des productions qui ne correspondaient pas aux besoins des consommateurs et ne contribuaient pas à une alimentation saine, sûre et durable. Je souhaite donc que, sur la question du revenu agricole comme sur celle de la répartition et de la qualité alimentaire, nous ne lâchions rien et que nous soyons exigeants afin que ce texte ait une réelle portée et que, comme le disent les agriculteurs, chez moi, en Normandie, le revenu revienne dans la cour de la ferme.

Certes, l'examen du texte a été retardé, mais je veux rassurer M. Jérôme Nury : le calendrier n'a pas été modifié au Sénat et nous serons prêts pour les futures négociations commerciales. Le texte sera voté en temps et en heure pour que les interprofessions et les agriculteurs puissent l'utiliser dans le cadre des discussions sur la question du revenu.

Je salue le pragmatisme du groupe MODEM. Vous l'avez dit, Monsieur Nicolas Turquois, vous avez déposé peu d'amendements, mais ils sont de qualité. Je suis plutôt favorable à l'ouverture d'un débat sur ce que vous appelez le cartel de la grande distribution. Nous devons en effet trouver les moyens qui permettront, demain, aux agriculteurs de se défendre face à la concentration de ce secteur. La question s'inscrit dans le cadre de la moralisation des relations commerciales. Nous serons vigilants.

Certains amendements portent sur les sanctions, la transparence, les indicateurs de prix. Beaucoup souhaitent, ai-je cru comprendre, que ceux-ci soient publics. Mais l'ensemble des acteurs doivent prendre leurs responsabilités ; nous ne sommes pas dans une économie administrée. Les indicateurs de prix doivent donc être travaillés par les interprofessions et les filières, aidées en cela par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont nous devons renforcer les moyens et les compétences, et par le médiateur des relations agricoles, dont il faut renforcer également le pouvoir de saisine et qui doit travailler au service des agriculteurs et favoriser des relations commerciales modernisées et plus vertueuses. Ces indicateurs de prix doivent être déterminés par celles et ceux qui font l'agriculture. L'État, ici, ne peut en aucun cas se substituer aux acteurs privés. S'il fixait les prix du pain, du lait, du kilo de carottes, comme il a pu le faire il y a bien longtemps,…

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