Intervention de Delphine Ernotte-Cunci

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions :

En ce qui concerne les sports, évoqués par Mme Descamps à qui je n'ai pas répondu tout à l'heure, les jeux paralympiques de Rio ont occupé plus de 100 heures de programmes sur nos différentes antennes. Nous avons diffusé hier soir, avec beaucoup de succès, un match de football féminin : nous nous inquiétions un peu, mais finalement cela marche très bien, et en plus nous avons gagné… En 2016, nous avons couvert environ 140 disciplines et diffusé quelque 6 500 heures de sport, sachant qu'une chaîne de télévision qui émet en permanence représente environ 8 600 heures. Nous avons diffusé également 4 500 heures en région, ce qui est essentiel : les compétitions sportives locales sont souvent peu médiatisées alors qu'elles intéressent les habitants des territoires.

S'agissant des chaînes de France 3, nous avons mené au début de cette année une réforme visant à accentuer fortement leur caractère régional – et ViaStella peut constituer effectivement un exemple. Les différentes directions régionales jouissent désormais d'une autonomie beaucoup plus forte ; les patrons locaux que nous avons mis en place ont tout en main : la direction éditoriale, les finances, les ressources humaines… Certes, ils ne décident pas du budget – pas plus que moi d'ailleurs, puisqu'il dépend de la redevance –, mais ils ont une grande liberté d'action.

Les évolutions comment à se faire sentir. La semaine dernière, je me suis rendue à Nice auprès des équipes de France 3 Côte d'Azur, qui ont réalisé l'émission spéciale de commémoration et d'hommage aux victimes de l'attentat de Nice. Cette émission, dont la portée était nationale, a été diffusée sur l'ensemble du réseau national de France 3. Cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé, et la qualité était vraiment au rendez-vous ; l'émission a été très suivie. La veille, nous avions également diffusé sur le réseau national un documentaire régional, consacré également aux attentats de Nice.

L'autonomie, ce n'est pas que les chaînes régionales travaillent pour les treize régions ! Elles doivent aussi disposer de davantage de moyens pour leur propre région. Mais notre budget est contraint – et, soyons francs, il n'est pas appelé à augmenter. Nous avons donc commencé à diminuer le budget national de France 3 pour augmenter les budgets régionaux.

Les chaînes régionales peuvent également nouer des partenariats. Ainsi, France 3 Nouvelle-Aquitaine est en discussion avec une chaîne basque espagnole afin de nouer des partenariats éditoriaux. Selon les régions, les liens avec le conseil régional sont plus ou moins forts. Parfois, comme en Bretagne, des contrats d'objectifs et de moyens sont signés avec les régions, avec des engagements en termes de programmes – en général, il s'agit de programmes culturels, parfois en langue vernaculaire. Cette évolution est appelée à s'amplifier progressivement. Dès le mois de septembre, une place beaucoup plus importante sera faite aux programmes régionaux ; l'autonomie ainsi que les « prises d'antenne exceptionnelles » – les retransmissions d'événements culturels locaux, par exemple – vont se développer. La tentation de tout centraliser à Paris doit en effet se relâcher.

Pourrons-nous demain avoir d'autres chaînes de plein exercice, à l'image de ViaStella, qui est un vrai succès ? C'est une possibilité, mais ce ne sera pas possible partout au même rythme. Ce sera fonction des partenariats lancés ici ou là : en Nouvelle-Aquitaine, le conseil régional a lancé un appel à intention pour une chaîne de plein exercice ; France 3 a répondu, nous verrons ce qu'il adviendra. Les régions n'ont pas toutes la même identité : chacun doit pouvoir aller à son rythme. Mais la multiplication par deux du temps d'antenne est déjà un engagement fort.

S'agissant de l'interactivité, c'est un sujet important mais compliqué. Normalement, la télévision, c'est tout le contraire : on émet sans savoir comment les émissions sont reçues… Pourtant, nous essayons de développer l'interactivité. D'abord, nous prenons en considération ce qui se dit sur les réseaux sociaux, pendant les émissions elles-mêmes ; ainsi, tout au long de la campagne électorale, nous avions des équipes qui suivaient ce qui se passait sur les réseaux sociaux. Nous pouvions ainsi réagir. Mais cela ne doit pas concerner que les grands débats.

On connaît l'interactivité dans les jeux et divertissements. Pourquoi ne pas aller, en effet, jusqu'à la co-construction ? Pour le moment, nous ne sommes pas aventurés jusque-là. Mais ce sont des tendances que l'on sent poindre. Notre chaîne pour jeunes adultes nous permettra peut-être de faire des expérimentations, puisque la co-construction est par nature numérique. Mais il est vrai que pour une télévision, c'est un peu contre nature : nous avons l'habitude de parler à tous en même temps…

En ce qui concerne le sport et la culture en première partie de soirée, nous avons déjà parlé du match de football féminin hier soir, il y a aussi la Fête de la musique, et nous sommes très contents du Concert de Paris du 14 juillet, qui passe de la musique classique en première partie de soirée et a connu un énorme succès cette année grâce à la publicité effrénée que nous avons faite au moment du Tour de France. Environ 600 premières parties de soirée sur nos antennes sont des spectacles culturels : spectacle vivant, opéra, musique classique… Ce n'est sûrement pas suffisant et nous sentons que, même si nous faisons des choses, nous ne sommes pas perçus comme des passeurs suffisamment actifs dans le domaine culturel. C'est un vrai sujet d'interrogation pour nous et nous avons engagé une réflexion là-dessus.

L'accessibilité est également un sujet très important. Toutes nos applications qui sont en train de se développer à vitesse grand V sont entièrement accessibles. Tout est sous-titré et audio-décrit. Je crois que nous sommes les seuls à le faire en France : France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô ont des grilles 100 % sous-titrées. Là où l'on nous attend encore beaucoup – les associations nous le disent –, c'est sur la langue des signes. Nous avons déployé un réel effort sur la chaîne Franceinfo : grâce à celle-ci, nous avons doublé notre contribution, avec des journaux doublés en langue des signes trois fois par jour. C'est beaucoup plus que nos concurrents, mais c'est encore insuffisant.

S'agissant des questions de méthodologie sur France 3, la chaîne ViaStella, qui connaît un véritable succès et dont nous sommes très contents, a demandé six ans de travail. Cela prend du temps. Je ne sais pas si nous aurons demain treize chaînes de plein exercice. Nous aurons peut-être des chaînes encore plus régionales que ne le prévoit le COM. Nous nous sommes engagés sur une multiplication par deux ; ce sera peut-être bien plus dans certains cas et moins dans d'autres. En tout cas, nous voulons libérer les énergies pour qu'il y ait au niveau local une véritable capacité à innover, de la créativité, de bonnes idées. Avec les treize directeurs et directrices régionaux que nous avons nommés, beaucoup de choses vont éclore à la rentrée ; nous sentons que nous avons regalvanisé les énergies, nous ne sommes pas au bout mais il est très satisfaisant de voir déjà mises en oeuvre les très bonnes idées qu'ils ont eues.

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