Intervention de Delphine Ernotte-Cunci

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions :

Monsieur Roussel, vous avez fait allusion au conflit qui oppose Canal + et les sociétés d'auteurs, dont nous sommes nous-mêmes de grands partenaires : nous leur versons quelque 130 millions d'euros chaque année et nous en sommes heureux, parce qu'il n'est pas de création sans créateurs. Nous souhaitons protéger le principe d'une juste rémunération de la création, dont découle la possibilité que des auteurs français de talent écrivent et réalisent des séries : nous savons tous que ce sont les grands auteurs américains qui ont fait la réputation des séries américaines. C'est en cultivant le terreau favorable permettant aux auteurs de travailler agréablement en France que l'on maintiendra la création française. Autant dire que se mettre en conflit avec les auteurs serait pour nous une absurdité.

Cependant, le système de rémunération des auteurs est en contradiction avec la nécessité d'être plus forts au niveau européen. D'un côté, nous avons intérêt à défendre le principe de la territorialité des droits, faute de quoi ni les producteurs ni les auteurs n'y trouveront leur compte. Céder trop vite serait faire le jeu des plateformes : elles en profiteraient pour acheter des droits monde et des droits Europe, nous privant de l'accès à un certain marché. Comme nous ne sommes pas organisés en grands acteurs européens capables de rivaliser avec ces plateformes, cette évolution ne profiterait pas aux acteurs européens. Par ailleurs, cela pourrait en effet mettre à mal la rémunération des auteurs. Il y a donc là un danger. D'un autre côté, on ne peut en rester à des réglementations nationales car cela nous empêche de construire un opérateur européen. Nous nous trouvons donc confrontés à une double contrainte et nous n'avons pas trouvé la martingale, cette voie du milieu qui permettrait de respecter les auteurs tout en créant de la valeur pour les opérateurs européens.

Dans ce contexte, la portabilité des droits pour un ressortissant français qui passe quinze jours à l'étranger s'entend tout à fait, car cela inclut la rémunération des auteurs. Nous avons tout intérêt à rendre ce service à nos téléspectateurs et j'y suis favorable. Mais faire disparaître purement et simplement la notion de territorialité et permettre le libre accès à tous les contenus, c'est exactement ce qui se passe déjà, d'une certaine façon, avec le piratage : aux États-Unis, on a accès aux chaînes françaises. Du coup, nous ne pouvons même pas commercialiser des contenus français, puisqu'ils sont déjà totalement disponibles grâce au piratage… Il nous faut résoudre cette équation qui, si elle n'est pas totalement simple, ne pourra pas se faire au détriment des créateurs.

Madame Genevard, je ne renie pas cette phrase qui m'a un peu échappé et qui est toujours juste. Mais je n'ai jamais dit que je ne recruterai pas d'hommes de plus de cinquante ans : j'en veux pour preuve l'arrivée de Laurent Bignolas à Télématin. Il ne s'agit pas d'exclure les hommes mais d'inclure plus de femmes, et plus de femmes et d'hommes d'origines diverses, car on n'y parvient pas en laissant faire. C'est vrai, on pourrait faire un annuaire global. Il se trouve que nous avons déjà réalisé un annuaire pour les expertes, parce qu'il était nécessaire de convaincre les journalistes qu'il existait des expertes médecins, scientifiques, économistes compétentes pour s'exprimer à la télévision. Nous avons souhaité faire la même chose avec le club du XXIe siècle pour les expertes d'origines diverses. Le but n'est pas de catégoriser, mais trouver normal de voir des experts de toutes origines à l'écran ; or les téléspectateurs nous reprochent encore de ne pas retrouver totalement à l'écran le reflet de la société française. C'est pour cela que nous réalisons ces guides d'expertes, ce qui ne nous empêche pas de travailler sur d'autres représentations de la diversité, dans les fictions, les documentaires. Ce n'est pas la seule action que nous menons en matière de diversité.

Madame le Grip, je n'ai pas connaissance d'un arrêt de l'émission Avenue de l'Europe. Les contrats vont de septembre à septembre : vous retrouverez en tout cas Avenue de l'Europe à la rentrée.

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