Monsieur le ministre d'État, l'écologie n'est pas, vous le savez, un secteur à part : c'est toute l'organisation sociale et économique qui est concernée par la nécessité de la transition écologique.
Aussi voudrais-je pointer la contradiction insoluble qui existe entre les bonnes intentions annoncées dans le Plan Climat et la logique même de la politique économique du Gouvernement. Il n'est pas possible de viser l'accumulation économique infinie sur une planète finie. C'est de ce théorème que doit découler toute politique véritablement écologique. Or c'est tout l'inverse que propose votre Gouvernement : politique de l'offre et dérégulation du marché du travail, encouragement international au libre-échange, privatisation des transports ferroviaires locaux, multiplication des hypercentres commerciaux. C'est la politique de l'accumulation de la richesse pour elle seule qui est poursuivie, celle d'un ancien monde qui n'a pas compris ce qui était à l'oeuvre dans le changement climatique. Pourriez-vous nous éclairer sur votre position quant à cette contradiction entre transition écologique et accumulation sans fin ?
Pour entrer dans le détail, je vous poserai plusieurs questions.
Premièrement, concernant le nucléaire le scénario négaWatt, révisé et approfondi cette année, préconise, arguments sérieux à l'appui, de mettre en oeuvre des politiques publiques permettant de construire le 100 % renouvelable d'ici à 2050. Pourquoi votre gouvernement ne reprend-il pas à son compte ces recommandations expertes et de bon sens ?
Par ailleurs, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a alerté récemment sur des risques d'incendie dans le projet d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure ; que comptez-vous faire sur ce point ?
Deuxièmement, concernant les déchets, au rythme actuel il y aura 12 milliards de tonnes de plastique dans la nature en 2050. La construction de nouveaux projets d'incinérateurs s'inscrit dans des choix contraires aux grands engagements de la COP21 aussi bien qu'aux objectifs de la loi de transition énergétique. Dans ma circonscription, la reconstruction de l'usine d'incinération d'Ivry-Paris XIII coûtera 2 milliards d'euros d'argent public pour un besoin qui n'a pas été démontré. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a d'ailleurs pris position en avril 2017 pour dire que la France avait assez d'incinérateurs et que l'avenir était maintenant à la réduction, au réemploi et au recyclage des déchets. Alors que les solutions alternatives existent, quels engagements prenez-vous sur ces projets d'incinérateurs et sur le traitement des déchets ?
Troisièmement, comptez-vous arrêter les projets de centres commerciaux tels Europacity et Val Tolosa, projets consommateurs de terres agricoles et producteurs de CO2 par l'augmentation de déplacements motorisés ? S'agissant plus précisément de Val Tolosa, demanderez-vous au préfet de respecter la décision de justice ?
Quatrièmement, la croissance du transport international augmente mécaniquement les émissions de gaz à effet de serre. Or ces émissions sont exclues des accords sur le climat. Le grand déménagement du monde n'a pas de sens, il est temps d'établir un protectionnisme solidaire qui permette de recréer des emplois orientés vers la transition écologique dans le pays. Pour la première fois de l'histoire économique, le protectionnisme devient le seul choix coopératif, pour que tout le monde concoure à protéger le bien que nous avons tous en commun : la planète. Allez-vous mettre en place ce protectionnisme solidaire pour éviter que des produits fabriqués dans des pays à faible protection environnementale et sociale ne soient importés en France, en contournant ainsi les obligations définies – je pense aux accords Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) et Transatlantic Free Trade Area (TAFTA) ?
Cinquièmement, pourquoi votre gouvernement a-t-il soutenu une définition restrictive des perturbateurs endocriniens au niveau européen ? Pourquoi ne pas s'engager sur leur interdiction immédiate ?
Enfin concernant les transports, Mme Borne a confirmé la priorité à la lutte contre la saturation des lignes existantes. Pouvez-vous confirmer l'utilisation des gares de triage pour le développement du fret ferroviaire au détriment du fret routier ? Respecterez-vous la directive de 1996 imposant une hauteur maximale de quatre mètres pour les camions pour pouvoir les transporter par le rail du fait des gabarits ferroviaires européens ? Comptez-vous suspendre le partenariat public-privé qu'est le Lyon-Turin qui, selon le promoteur lui-même, drainerait jusqu'à 300 millions de mètres cubes d'eau par an ? Est-ce pour vous écologique alors que la voie existante permet, sans dépenser, de transporter 80 % des camions qui circulent chaque année dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus et que le projet engloutit, selon toute l'administration, l'ensemble des ressources pour le ferroviaire ?