Intervention de Gérard Collomb

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Je comprends les problématiques qui sont les vôtres et le cas de conscience auquel chacun est confronté. J'avais annoncé que je ne parlerais pas des débats en Conseil des ministres, que nous avons toujours, sur le problème des mineurs non accompagnés. Sachez seulement que nous nous sommes demandés s'il fallait que la question soit gérée par le ministère de l'intérieur ou par le ministère des affaires sociales. Devions-nous considérer le mineur non accompagné en tant que mineur ou en tant qu'étranger ? J'ai plaidé, et je pense que cette solution sera retenue, pour qu'il soit d'abord considéré comme un mineur. C'est dans cette direction que nous chercherons un certain nombre de solutions.

Pour revenir aux amendements, comprenez bien que, si nous excluions systématiquement l'éloignement des familles avec enfant, nous ne pourrions plus jamais éloigner qui que ce soit. C'en serait fini de la politique que nous mettons en place, qui vise à répondre aux demandeurs d'asile en six mois pour que les déboutés puissent retourner dans leur pays dignement, et que les autres puissent s'insérer en France.

Nous sommes aussi confrontés à des cas particuliers qui deviendront explosifs si nous ne parvenons pas à les gérer. Durant le mois qui vient de s'écouler, j'ai dû m'occuper de la situation à Mayotte. Croyez-moi, il n'a pas été si facile d'éviter que l'on en vienne à des affrontements graves, à la pire violence. J'ai envoyé sur place de nombreuses unités mobiles et de nombreux fonctionnaires. La situation reste aujourd'hui extrêmement compliquée. Il faut aussi gérer notre relation avec les Comores. Le ministre des affaires étrangères s'entretient en ce moment presque tous les jours avec son homologue comorien.

Les pays dont les ressortissants peuvent venir en France sans visa posent un autre problème. Cette possibilité constitue pour eux une espérance, l'engagement d'un dialogue avec l'Europe et une promesse de développement. Mais, même s'ils ont fait des efforts – des agences gèrent les départs en direction de la France –, la procédure est détournée par certains. Le problème, c'est lorsque 20 % des places du dispositif d'asile sont occupées par des Albanais : il est engorgé, ce qui a des conséquences pour les centres d'hébergement d'urgence qui sont à leur tour embolisés. Finalement, si vous composez le 115, ce numéro d'urgence destiné à ceux qui n'ont pas d'hébergement ne répond plus. Voilà ce qui est en jeu.

Je vous demande, en conséquence, de bien réfléchir. La loi ne s'appliquera qu'au mois de novembre prochain. Je veux bien m'engager devant vous à faire en sorte que, dans les centres qui accueillent des familles – tous les CRA ne sont pas concernés –, on travaille dès aujourd'hui à proposer des conditions d'hébergement dignes. Je rappelle aussi que les familles n'ont pas vocation à rester dans ces lieux très longtemps. Théoriquement, elles n'y demeurent que pendant un très bref délai puisque leur pays est prêt à les accueillir.

Il reste que, si nous ne les accueillons pas quelques jours dans ces centres, le risque de fuite est important. Renoncer à le faire reviendrait à se vouer à l'impuissance. Or, je pense que, dans ce domaine, nous devons montrer notre capacité à agir, dans la dignité, mais à agir. Il n'est rien de pire que l'impuissance. On finit toujours par vous la reprocher. Il ne faut pas dire : « C'est une fatalité ; on n'y peut rien ! » Trop de gens ont cette attitude. On peut toujours quelque chose ; on peut toujours changer le destin. C'est pourquoi je soutiens Mme la rapporteure, même si elle n'en a pas besoin, en émettant un avis défavorable à tous les amendements en discussion commune.

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