Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Françoise Nyssen, ministre de la Culture :

M. Bouyx a évoqué la tapisserie de Bayeux. À l'occasion du sommet franco-britannique, j'ai fait la connaissance de mon homologue Matt Hancock, jeune, dynamique et très soucieux de partage culturel, et chez qui j'ai constaté une complicité sur les sujets européens que nous défendons à la Commission européenne. Il m'a offert lors de cette rencontre le fac-similé d'un échange entre François Ier et Henri VIII écrit en français, ce dont j'ai été enchantée.

Lors de la restitution de nos échanges, c'est la tapisserie de Bayeux qui a suscité le plus d'intérêt. Il ne s'agit pas seulement de transporter la tapisserie au Royaume-Uni, cela traduit aussi quelque chose de notre histoire commune. C'est, en quelque sorte, la première bande dessinée historique, et nous ne savons pas si elle n'a pas été tissée en Angleterre. Il faut que les conditions de sa conservation soient bien établies. La dernière fois qu'elle a été déplacée, c'était pendant la guerre, pour la préserver ; elle a alors été roulée, ce que nous souhaitons éviter aujourd'hui.

À l'occasion de cet échange, la tapisserie sera documentée : nous allons utiliser tous les moyens du numérique pour raconter son histoire. Le musée de Bayeux devrait rouvrir en 2023 et l'oeuvre sera, avec l'aide des Anglais, restaurée. Je vous remercie d'avoir commencé par cette question, qui est un parfait exemple de coopération.

La protection du patrimoine en péril est vraiment un sujet de partage. En Europe comme dans le monde, il y a une grande mobilisation européenne.

Nous avons décidé qu'une saison culturelle serait organisée, car ce sont là aussi des moments de partage extrêmement forts qui permettent de sensibiliser les citoyens à la culture de l'autre. Nous aurons cette année une saison France-Israël et une saison France-Roumanie est prévue plus tard, une saison culturelle africaine en 2020. Ce sont toujours des moments de grand dialogue.

Vous avez évoqué d'autres aspects d'échange culturel. Pour l'édition, cela se fait par le biais de la traduction, des bureaux du livre, comme le bureau du livre français à Londres, des salons pour les échanges, notamment de droits. S'agissant du jeu vidéo et du cinéma, nous pouvons encore aller plus loin et attirer, notamment grâce au crédit d'impôt, des tournages anglais en France.

La défense du droit d'auteur et la rémunération des auteurs via les plateformes, monsieur Herbillon, sont essentielles dans le cadre de notre diplomatie culturelle et d'influence. La diplomatie culturelle est une grande opportunité pour notre pays, pour faire rayonner sa culture et assurer un dialogue avec les cultures étrangères. Pour avoir passé une journée à l'Institut Pasteur et entendu les règles à suivre pour maintenir un cerveau en bon état, je sais qu'outre le fait d'apprendre des langues étrangères, la première règle, c'est l'émerveillement et donc la confrontation à la culture en permanence, et la cinquième, l'échange.

Cette diplomatie se traduit – elle s'est même longtemps cantonnée à cela – par l'exportation des artistes et des oeuvres : tournée des comédiens, des musiciens, des danseurs, des auteurs, organisation d'expositions, diffusion de notre cinéma… Ce sont aussi des actions de coopération, comme au Cambodge où nous avons soutenu la restauration d'Angkor, ou au Laos, où nous avons soutenu celle de Luang Prabang. L'enseignement du français est également, depuis longtemps, un outil majeur, et ce par le biais de tous les supports, arts visuels, jeux vidéos, design, mode…

Nous vivons aujourd'hui dans une mondialisation accrue dans laquelle la culture est devenue un enjeu majeur à tous les niveaux, où l'idée de soft power est très importante. Il faut vivre les choses de façon multilatérale.

L'idée de saison africaine en 2020 est très ambitieuse, avec l'accueil de la jeune création de l'ensemble du continent africain. En France, nous avons toujours été dans la posture consistant à apporter notre culture et non à comprendre combien on pouvait s'enrichir de la culture des autres. C'est un défaut que j'ai vécu dans l'édition, où j'ai passé quarante ans : dans les librairies, pendant longtemps, il n'y avait pas de rayons par domaine linguistique. Petit à petit, on en est venu à comprendre l'intérêt de la traduction, par le biais de laquelle on découvre la culture de l'autre et qui permet aussi de véhiculer nos propres oeuvres. Il est arrivé que des Prix Nobel aient été attribués à des auteurs parce que des jurés les avaient découverts en français. Ce multilatéralisme est capital. On ne peut pas non plus ne pas évoquer l'enjeu majeur de la francophonie.

En ce qui concerne les relations avec le ministère des finances, il y a par exemple une coopération avec le Centre national du cinéma (CNC) pour attirer les tournages chinois en France, en plus de nos propres opérateurs dans ce secteur, en soutien à l'exportation, UniFrance et les autres. La présence de nos oeuvres sur les plateformes progresse ; je me suis battue pour cela au niveau européen. Pour le financement de la création, il existe déjà les taxes Netflix et YouTube pour le CNC, et la directive sur les services de média audiovisuels (SMA) permettra d'imposer à Netflix des obligations de financement et de diffusion de la création.

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