C'est un lieu de résistance, emblématique de l'ouverture culturelle. Ce projet est fondé sur la conviction des autorités locales de l'importance de l'éducation et de la culture pour le monde de demain. Ce type de discours fait du bien !
Madame Lenne, vous posez des questions complexes concernant les jeunes frontaliers. Le Pass culture est effectivement une des propositions phares du programme du Président Macron. Nous l'avons imaginé comme un instrument essentiel de l'accès à la culture pour tous et partout.
On en revient à la thématique de l'irrigation culturelle : l'offre culturelle est d'une richesse exceptionnelle en France. Nous sommes un pays de cocagne – il suffit de voyager à l'étranger pour se rendre compte de ce dont on dispose et de ce qu'on représente. Pour autant, tout le monde n'a pas accès à la culture, pour des questions géographiques, économiques, sociologiques ou psychologiques. Le Pass culture sera un outil extraordinaire pour lutter contre cela à tous les niveaux.
Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé qu'avec mon collègue de l'éducation nationale, nous travaillons main dans la main – une telle complicité n'était pas commune dans les précédents gouvernements – afin de faire en sorte que la pratique artistique et culturelle soit présente à l'école dès le plus jeune âge, mais également en dehors du temps scolaire – avec le fameux « Plan mercredi » et l'ouverture des lieux culturels. Cela peut changer la donne en matière d'éducation artistique et culturelle, a foritori si le jeune entre dans l'âge adulte avec un passeport culturel, mais également des moyens, en toute autonomie de choix.
Comme a-t-on imaginé ce Pass ? Nous avons travaillé en prenant le contre-pied de ce qui avait été fait jusqu'à présent. On nous a expliqué en effet que le dispositif n'avait pas fonctionné en Italie. Nous ne voulions pas non plus distribuer une énième carte d'achat de biens culturels, sans aucune précaution. Nous avons donc créé une start-up d'État dépendant du ministère de la culture. Cette dernière a conçu une application mobile géolocalisée et éditorialisée, 95 % des jeunes disposant d'un smartphone. Pour les 5 % restants, l'accès se fera par un site internet classique.
Cette application mobile doit permettre à l'utilisateur de connaître l'offre culturelle disponible à proximité – pratiques, spectacles, achats de biens culturels – sans l'intermédiation des institutions culturelles. Tout le monde pourra télécharger cette application. Certes, dix-huit ans est l'âge symbolique d'entrée dans la citoyenneté. Mais la culture doit être aussi proposée aux jeunes en amont, quand ils sont au collège par exemple.
Vous avez raison, il serait sans doute intéressant que cette initiative sortent des frontières, notamment pour les jeunes frontaliers. La question se posera clairement pour le Bas-Rhin.
Nous avons travaillé dans le cadre de laboratoires ouverts (Open Labs) sur quatre territoires expérimentaux très différents : l'Hérault, le Bas-Rhin, la Seine-Saint-Denis et la Guyane où j'ai pu constater, alors que 50 % de la population a moins de 25 ans, un désir très fort de culture. Ils vont s'emparer de ce nouvel outil avec une énergie formidable !
Par ailleurs, nous avons également pris en compte la problématique de la mobilité, car il faut que les jeunes puissent se déplacer quand ils habitent dans des lieux très retirés. Il faudra imaginer des dispositifs de covoiturage ou des accords avec la SNCF.
Tous ces sujets sont traités par un comité d'orientation, composé d'élus, d'artistes, de jeunes et de représentants d'institutions. M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale y participe. Je vais y porter la question des frontaliers et de la conversion euro-franc suisse.
Vous évoquiez les voyages culturels. C'est amusant car de nombreux jeunes membres des Open Labs ont également lancé cette idée. Ils sont curieux et veulent voyager et découvrir d'autres cultures. Pourquoi pas ? Nous devons voir dans quelle mesure c'est envisageable avec cinq cents euros. En outre, il importe de ne pas perdre de vue que l'idée à l'origine était la découverte de la culture sur notre territoire. En tout cas, la plupart des jeunes souhaitent le faire ensemble, de façon solidaire.
Monsieur Mbaye, vous m'interpellez sur la place de la femme dans l'espace créatif : effectivement, on n'y est pas encore… La révolution des consciences est en cours mais une révolution doit maintenant intervenir en actes. Le ministère de la culture a un devoir d'exemplarité. C'est pourquoi nous avons mis en place un programme très volontariste disposant d'une enveloppe importante – un demi-million d'euros sur le quinquennat. Ce programme vise au rattrapage des inégalités salariales entre les femmes et les hommes – estimées à 10 % au sein du ministère.
De même, seul un tiers des institutions culturelles est dirigé par des femmes. Nous devons faire preuve de plus de volontarisme pour penser systématiquement « femmes » et amener des femmes à la tête des établissements. Enfin, ce changement des mentalités passe par la rédaction de chartes dans les écoles.