Rennes a une pratique très ancienne en matière de participation, avec de premiers conseils de quartier dès les années quatre-vingt. En 2014 une charte de la démocratie locale a été adoptée qui prévoyait déjà ce budget participatif. Il représente 5 % du budget d'investissement, soit 3,5 millions d'euros. L'idée est que les habitants, les associations, les collectifs puissent proposer des idées sur des thématiques très larges, mais ce sont celles de l'aménagement des espaces publics, de la mobilité et de l'environnement qui reviennent le plus souvent.
Cela se passe assez simplement : les gens déposent les projets sur une plateforme numérique – près de 992 projets ont été déposés dès la première année. Ces projets sont analysés sommairement par les services et évalués financièrement. Ensuite, les comités consultatifs, les conseils de quartier ont l'occasion de s'exprimer via le site de la « fabrique citoyenne » qui est notre plateforme numérique ; ils donnent des avis, font des commentaires et propositions. Puis un comité de suivi composé majoritairement d'habitants se réunit en présence d'élus. C'est lui qui décide de la liste des projets qui seront soumis au vote. Il faut simplement que ce soient des projets d'investissement, qu'ils entrent dans les compétences de la ville et qu'ils ne dépassent pas un plafond, fixé à 500 000 euros la première année et à 400 000 euros la deuxième année.
Les projets sont très variés. Certains sont des projets d'aménagement de proximité, comme des jardins partagés, des bibliothèques de rues, des équipements cyclables ou autres – c'est assez disparate. Il y a aussi de grands projets, structurants, comme un projet innovant de jardins flottants sur la Vilaine, qui traverse la ville. La gouvernance de ce projet est partagée depuis le début, avec un portage politique fort, ce comité de suivi ouvert avec des représentants d'habitants qui ont voix au chapitre et un très important un réseau de référents dans les services techniques, parce qu'il faut donner du sens à la participation. Il ne faut pas avec l'expertise d'usage venir remettre en cause l'expertise technique des habitants ni le bien-fondé de la parole des élus ; en même temps, il faut un comité technique en interne.
Nous en sommes à la troisième saison. La première remonte à 2015. Nous constatons une adhésion des Rennais au dispositif, le nombre de votants étant passé de 7 000 la première année à 16 300 la troisième. Certes, le nombre de projets a diminué, mais nous avons vu les citoyens s'approprier le budget participatif et les projets sont désormais beaucoup plus élaborés. Aujourd'hui, plus de 150 projets sont à l'étude ou ont déjà été livrés.
Quels enseignements en tirer ? L'engouement des habitants est évident. Nous constatons que cela a dynamisé la citoyenneté. Se saisissant de la démarche, les habitants, à qui était donc déléguée une partie des prérogatives des élus, étaient en mesure d'expliquer ce budget participatif et de faire campagne pour leur projet, grâce à tous les moyens mis à leur disposition – réseaux sociaux, moyens de communication traditionnels –, grâce à une présence sur le terrain. Nous avons besoin de cela pour que les habitants comprennent la démarche. Il y a aussi un besoin de communiquer régulièrement : à partir du moment où vous jouez la transparence sur cette partie du budget, il faut communiquer régulièrement sur l'avancée des travaux, ce qui n'est pas forcément évident, car nous n'avons pas forcément cette culture à tous les niveaux.
Quant aux évolutions, nous avons été marqués par certain « décrochement » que nous avons constaté. Quand l'essentiel est fait grâce à une plateforme numérique, la fracture numérique se manifeste dans toute sa réalité. Nous accordons et accorderons donc une attention soutenue aux territoires les plus fragiles et aux publics éloignés. Des moyens humains ont été mobilisés, avec des personnes en service civique qui jouent un rôle d'accompagnement. Par ailleurs, nous avons développé le vote papier. Cela peut paraître étonnant alors que nous avons d'abord prôné le recours au numérique, mais il faut pallier ces difficultés que rencontrent un certain nombre de Français face au numérique. Et, bien sûr, nous allons renforcer notre communication régulière sur les projets.
En résumé, c'est une démarche très positive qui a réveillé une partie des citoyens, qui ne s'intéressaient plus aux affaires locales.