Mon propos rejoindra largement celui de mon collègue rennais. À Paris, le budget participatif représente également 5 % du budget d'investissement, soit 100 millions d'euros mis à la disposition des Parisiennes et des Parisiens chaque année, confiés en quelque sorte à leur libre arbitre.
L'année dernière, le budget participatif a réuni 98 000 personnes, qui ont pris part au vote, progression notable puisque l'année précédente, en 2016, nous comptions 92 000 participants. D'année en année, la démarche du budget participatif réunit de plus en plus de personnes. Ce sont donc désormais 4 % des Parisiens qui y prennent part. Si nous y ajoutons les enfants qui participent au budget participatif des écoles, ce sont 7 % de l'ensemble des Parisiens et Parisiennes qui ont participé au budget participatif. C'est relativement important. Par exemple, à la dernière élection municipale, avec 58 % de participation parmi les électeurs inscrits, ce sont 33 % des Parisiens qui ont voté ; une participation de 7 % de l'ensemble des Parisiennes et des Parisiens me semble donc assez remarquable.
Autre enseignement important, le budget participatif permet de toucher le public jeune, âgé de moins de quarante ans, qui participe moins aux démarches de démocratie participative habituelles – conseils de quartier, réunions publiques… Le public âgé de moins de quarante ans est particulièrement impliqué dans le budget participatif.
On remarque aussi que les quartiers populaires peuvent participer autant que le reste de la population… pour peu qu'on s'en donne les moyens, notamment grâce à des efforts de communication, d'accompagnement pour le dépôt des projets. Il faut donner aux habitants des quartiers populaires les moyens de s'impliquer.
On note une vraie préférence des Parisiennes et des Parisiens pour les projets qui concernent le cadre de vie, l'environnement et, enfin, la solidarité. Sans doute est-ce très lié à des préoccupations quotidiennes des habitants mais également aux règles du budget participatif qui font que l'on ne peut proposer que des projets d'investissement.
Cette expérience du budget participatif se révèle très pédagogique. Elle permet d'expliquer aux habitants les règles qui sont celles de l'administration, notamment le coût de l'investissement public. Les Parisiennes et les Parisiens sont souvent très étonnés du coût des projets qu'ils déposent. C'est pourtant la réalité. Ils sont aussi étonnés de voir quel temps requiert leur mise en oeuvre. Ce sont là des contraintes avec lesquelles on compose habituellement.
En outre, il ne faut surtout pas sous-estimer le fait que le budget participatif est un véritable outil de conduite du changement de l'administration. Cela remet en quelque sorte en cause l'expertise non seulement des ingénieurs mais de tous les agents publics. Cela peut induire quelques frictions au début ; en tout cas, il est nécessaire de l'accompagner. Le budget participatif oblige également à des visions très transversales. Les Parisiens ne déposent pas des projets susceptibles d'être mis en oeuvre exclusivement par une direction. En général, les projets, très protéiformes, impliquent de nombreuses directions.
Autre enseignement, il est indispensable de bien nouer la démarche numérique à une démarche physique, absolument du début à la fin, de l'émergence des projets jusqu'au vote. Il est absolument indispensable de multiplier les réunions publiques, de mettre à disposition des urnes dans l'espace public, pour que les uns et les autres puissent voter même s'ils n'ont pas d'ordinateur. La ville de Paris déploie plus de 100 urnes dans l'espace public pendant les quinze jours du vote.
Dernier enseignement que l'on tire de cette belle expérience, il est également nécessaire de disposer d'un outil informatique robuste. Il ne s'agit pas de travailler sur des tableurs Excel. Il faut vraiment un outil spécifique qui permette de suivre au long cours les centaines et les centaines de projets déposés au fil de l'eau par les uns et par les autres et d'en rendre compte aux uns et aux autres.