Le jeudi 30 novembre 2017, nous avons été informés par le CNR salmonelles de l'apparition de huit cas en huit jours de Salmonella Agona chez des nourrissons. Ces cas groupés dans le temps, présentant un sérotype peu fréquent et touchant une population particulière – les bébés de moins d'un an – constituaient déjà un signal fort.
Dès le lendemain, le vendredi 1er décembre, nous avons commencé les interrogatoires des parents concernés, dont nous avions récupéré les coordonnées téléphoniques par l'intermédiaire des laboratoires ayant envoyé des souches au CNR. Nous avons soumis le même questionnaire à tous les parents, portant sur la date de début des symptômes, le terrain, le recours aux soins, le fait qu'il y ait eu ou non une hospitalisation, ainsi que les consommations alimentaires. Les enfants concernés, d'un âge médian de quatre mois, consommaient exclusivement du lait premier âge, ce qui nous a permis de repérer rapidement que le point commun à tous ces cas était la consommation de lait infantile de la marque Lactalis.
Nous avons aussitôt demandé à la DGS d'organiser une réunion téléphonique associant tous les acteurs habituels dans une alerte de ce type, à savoir la DGS et Santé Publique France, le CNR salmonelles, l'ANSES, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – qui a vocation à ordonner le retrait-rappel des poudres de lait – et la DGAL.
Lors de la réunion téléphonique, nous avons fait un point épidémiologique sur les dates, les faits, les produits impliqués et l'état des victimes – les bébés allaient mieux –, et avons produit notre conclusion, à savoir que le point commun entre tous les bébés touchés était la consommation de lait fabriqué par une même entreprise.
Sur la base de ces premiers éléments, les autres acteurs prenant part à la réunion téléphonique pouvaient prendre le relais. Ainsi, la DGCCRF et la DGS se sont rapidement mises en contact avec la départementale de la protection des populations (DDPP) de Mayenne – ce département étant celui où était implantée l'usine Lactalis concernée – afin de réaliser des inspections et d'essayer d'identifier les numéros de lots incriminés à partir des informations que nous avions obtenues dans le cadre de l'interrogatoire des parents : ceux-ci nous avaient en effet indiqué les dates d'achat, parfois même les numéros de lots eux-mêmes quand les boîtes de lait étaient encore en leur possession.
Cette réunion téléphonique a été la première d'une série de huit, répartie tout au long de la crise : nous avons ainsi consolidé progressivement les premières informations recueillies sur les laits consommés, les dates de début des symptômes et les périodes d'achat, en faisant très régulièrement le point avec l'ensemble des autres acteurs sur l'avancée de nos investigations. La DGCCRF, notamment, était informée en temps réel de toutes les informations de nature à lui permettre d'identifier les numéros de lots et les périodes de fabrication suspects.