Intervention de Wendy Si Hassen

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 14h40
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Wendy Si Hassen, chargée de mission alimentation à la CLCV :

Notre plainte remonte à deux mois environ. La première responsabilité, dans cette crise, incombe évidemment à Lactalis. C'est une entreprise bien connue pour sa discrétion, notamment sur ses comptes et dans sa communication. Les problèmes liés à cette affaire remontent à 2005, et malgré de nouvelles interventions des services de contrôle, nombreuses entre 2005 et 2017, et la mise en évidence de salmonelle, Lactalis n'a pas modifié son comportement et n'a pas pris les décisions qui s'imposaient en matière de sécurité sanitaire. Sa communication a été très parcellaire et ses décisions tardives au regard de la fragilité des populations auxquelles ces produits sont destinés. Il a fallu une intervention ferme de l'État et du ministre pour que l'ensemble des lots fabriqués soient rappelés. Il s'agit donc, de la part de Lactalis, de manquements graves. La situation, qui avait débuté en décembre, s'est prolongée jusqu'en janvier. Ces délais ont été bien trop longs pour les consommateurs, d'autant que des vagues d'annonces multiples ont suscité chez eux la confusion, tout en entraînant des difficultés pour les distributeurs qui devaient mettre en oeuvre ces procédures de rappel. Il est pourtant impératif, dans ce dans ce genre d'affaire, d'agir dès le premier doute.

Si Lactalis est évidemment le principal responsable identifié dans cette enquête, des questions se posent sur les autocontrôles et la manière dont ils sont gérés. Leur fiabilité fait problème et leur renforcement paraît nécessaire. Car une forte pression s'exerce sur les laboratoires privés qui réalisent des analyses pour le compte d'entreprises aussi puissantes que Lactalis. La question de leur indépendance financière se pose également, dès lors que ces laboratoires doivent répondre aux demandes de telles entreprises. Il faut donc réfléchir à l'instauration d'un contrôle indépendant. Pour rétablir la confiance des consommateurs – c'en est là, à notre avis, une condition sine qua non –, ce contrôle ne peut être réalisé que par l'État.

La question des autocontrôles positifs de l'environnement se pose également : ils doivent obligatoirement être transmis, ce qui n'a pas été fait dans le cas de l'usine de Craon. Des signalements directs, portant sur l'environnement comme sur les produits, permettraient d'éviter l'apparition de crises comme celle-ci.

Nous participons en outre, comme vous l'avez souligné, au groupe du CNC sur les procédures de retrait-rappel. Notre président est l'un des rapporteurs de ce groupe de travail, qui s'est jusqu'ici réuni trois fois et a, dans un premier temps, émis un rappel sur les autorités compétentes pour les procédures de retrait-rappel. Composé d'un grand panel de professionnels et d'associations de consommateurs, ce groupe de travail a pour l'instant auditionné le groupe Carrefour, le groupe Bel sur ses procédures de retrait-rappel, ainsi que GS1, l'entreprise responsable de la création des codes-barres et des codes QR (quick response), afin de réfléchir à cette question des codes et de l'identification des lots.

Certains points se sont dégagés au cours des trois premières réunions : d'une part, la nécessité d'améliorer les procédures de retrait-rappel, d'identifier par des expériences les points de défaillance et d'y remédier, que ce soit dans les entreprises ou dans les services de l'État ; nous concentrerons nos efforts, d'autre part, sur tout ce qui contribue à l'information du consommateur. En tant qu'association de consommateurs, nous revendiquons la création d'un site unique qui recense toutes les alertes. Les professionnels étaient eux aussi sensibles à ce point. Nous défendons également la nécessité que le consommateur puisse être un lanceur d'alerte et dispose pour cela d'un numéro vert unique lui permettant de signaler les risques qu'il pourrait découvrir dans l'usage de produits alimentaires.

Nous insistons en outre sur l'importance que la transmission des informations s'opère en fonction de la gravité du risque : le niveau d'alerte doit être adapté à la situation, et tous les canaux de médias disponibles doivent être utilisés. L'utilisation des cartes de fidélité, par exemple, a été tentée ; elle pourrait être une solution, même si elle ne permet pas de toucher tous les consommateurs.

Le blocage des produits en caisse est également une piste très importante, même si, à l'heure actuelle, les codes-barres ne permettent pas d'identifier précisément le lot. GS1 nous a fait part de ses recherches actuelles sur la possibilité d'utiliser des codes-barres en deux dimensions, comme les codes QR, qui permettraient de fournir davantage d'informations. La réflexion sur ce sujet est en cours de leur côté.

Il existe aussi un problème d'information du consommateur dans les magasins eux-mêmes : nous avons observé, grâce à différentes enquêtes que nous y avons conduites, que les avis de rappel et de retrait y sont parfois quasiment invisibles, parce qu'ils sont uniquement signalés par un dépliant à l'entrée du magasin, ou écrits en petits caractères, et que le lot n'est pas identifié assez nettement. Le consommateur n'est pas suffisamment guidé pour accéder aux informations nécessaires. Il faut rendre systématique la communication qui lui est destinée.

Quant à l'amélioration des procédures de retrait-rappel, il est indispensable d'accroître la traçabilité des produits et d'améliorer l'information aux consommateurs. La question des lots est vraiment très importante.

Vous nous avez également interrogés sur les réactions des consommateurs à cette affaire. Plusieurs familles nous ont contactés et nous ont signalé la difficulté qu'elles avaient eue à obtenir des remboursements ou des informations claires sur les lots. Elles nous ont aussi fait part de leur étonnement d'avoir pu acheter des produits qui auraient dû être retirés.

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