Intervention de Olivier Andrault

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 14h40
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Olivier Andrault, chargé de mission alimentaire et agriculture de l'UFC-Que Choisir :

Je voudrais donner quelques éléments de réponse, si vous le permettez, concernant le parallèle que l'on tente d'établir entre productions industrielles, donc non alimentaires, et productions alimentaires. La volonté de faire évoluer la réglementation européenne sur l'hygiène vers une délégation de service des contrôles officiels existe depuis de nombreuses années. Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), basé à Bruxelles, nous alerte régulièrement sur cette volonté de la Commission européenne de faire évoluer certains contrôles, qui aujourd'hui doivent obligatoirement être réalisés par les contrôleurs de l'État, vers une délégation à des services indépendants, à la demande notamment des États du Nord de l'Europe, plus particulièrement de l'Angleterre. L'origine de cette demande officielle est intéressante.

Peut-on imaginer une évolution vers ce type de contrôles, puisqu'une production industrielle, alimentaire ou pas, est toujours une production industrielle ?

Selon notre analyse, cela serait difficile, tout d'abord parce que le substrat même des produits alimentaires est un substrat vivant, donc évolutif et extrêmement complexe dans ses interactions, à la différence de beaucoup de substrats industriels. C'est particulièrement vrai des produits laitiers, qui sont des produits aqueux et constituent de ce fait un substrat idéal pour le développement bactériologique. Ils évoluent dans le temps – chose normale pour des produits alimentaires, à la différence de produits industriels –, et même dans un temps extrêmement court : le délai qui précède leur date limite de consommation n'est fréquemment que de quelques semaines.

Il y a d'autre part, pour des raisons historiques, une dérogation aux exigences réglementaires européennes en matière d'hygiène au bénéfice des petits fabricants, à cause de la complexité de l'analyse et de l'appréciation des risques, que Mme Jacquemart évoquait à l'instant. Les exigences de la réglementation européenne sont très complexes, mais on ne ferme pas pour autant les petits ateliers de fabrication sous prétexte qu'ils n'arrivent pas à digérer et à appliquer correctement la réglementation européenne. Ce déficit de connaissances était suppléé par les services de l'État au niveau local.

Autre exemple de dérogation : à la différence d'autres États européens, il n'est pas obligatoire ici d'avoir un haut niveau de formation en hygiène pour ouvrir un restaurant. Une toute nouvelle obligation réglementaire française sur l'eau vient d'entrer en application. Elle accroîtra le niveau de formation à l'hygiène, mais il suffira qu'un seul des membres du personnel d'un restaurant ait reçu cette formation pour que l'on considère que l'établissement est en conformité avec la réglementation.

Il y a donc des raisons technologiques et historiques qui font de la fabrication et de la fourniture de produits alimentaires un domaine malheureusement assez complexe, un peu sensible, et qui justifient que les services de l'État suppléent de possibles défauts d'expertise.

Parmi les nombreuses thématiques que nous n'avons pas eu le temps de traiter en détail, celle des procédures de retrait a fait l'objet d'une question explicite. Le groupe de travail du CNC vient de commencer ses travaux et devrait normalement, selon l'agenda prévu, les achever à la fin de ce semestre. Il serait donc très intéressant, si votre calendrier vous le permet, d'examiner ce qui sera proposé à ce moment-là. On peut cependant indiquer d'ores et déjà que, sur la question des codes-barres, qui aujourd'hui ne permettent pas d'identifier un lot mais uniquement une référence, il est prévu d'auditionner l'entreprise qui génère ces codes. Car il semble y avoir des pistes pour les faire évoluer de manière à ce qu'ils identifient désormais les lots. Tels sont les éléments évoqués à ce stade. Ce serait une piste très importante.

Un deuxième axe de travail du CNC concerne les modalités d'information du consommateur, tout d'abord sur les lieux de vente. Il s'agit en effet de trouver le moyen d'identifier les consommateurs qui ont probablement encore dans leurs placards ou leurs réfrigérateurs ces produits potentiellement dangereux. Les lieux de vente sont pour cela un endroit fondamental. Or il n'existe pas, à ce stade, d'obligation formelle quant aux modalités d'information du consommateur. Elle peut très bien être assurée, comme le font certaines enseignes de manière extrêmement proactive, au moyen de grands placards placés à l'entrée du magasin, voire dans le rayon lui-même, puisque l'on sait que c'est aussi un moyen d'attirer le consommateur. Dans d'autres cas, c'est tout simplement un bordereau qui est scotché quelque part. Il est donc nécessaire d'instaurer une obligation de moyens, et non plus de résultat, qui s'applique de la même manière à toutes les enseignes.

Il faut enfin créer, comme on l'a évoqué rapidement, un site d'information unique pour les consommateurs, au niveau national, afin qu'ils n'hésitent plus entre le site du ministère de l'agriculture et celui du ministère de la santé – c'est, on l'a dit, un problème récurrent.

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