Intervention de Karim Tazarourte

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 9h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Karim Tazarourte, vice-président de la Société française de médecine d'urgence :

Tout d'abord, je me permets de reformuler votre première question : il s'agit de connaître, non pas la proportion de patients qui se retrouvent dans un service d'urgence sans avoir rien à y faire, mais la proportion des patients d'un service d'urgence qui souffrent d'une pathologie relevant de la médecine générale – cette proportion varie, mais elle est comprise entre 30 % et 40 %. En effet, ce n'est pas parce que leur pathologie relève de la médecine générale que ces patients n'ont rien à faire aux urgences : il n'y a pas de « tourisme médical » dans les services des urgences. Les gens s'y rendent parce qu'ils sont confrontés à une difficulté d'accès aux soins, que ce soit pour des raisons géographiques, sociologiques ou autre. C'est une véritable question. Cela dit, on peut en effet s'adapter et décider, dans certains territoires, d'inclure une offre de médecine générale dans le service des urgences.

Le véritable problème, me semble-t-il, est le suivant. Le soin non programmé peut être urgent ou non ; or, il est difficile – mais pas impossible – pour les patients d'avoir une idée précise du niveau d'urgence. Prenons l'exemple du parent dont l'enfant a de la fièvre. Il aurait intérêt à avoir rapidement un avis médical. S'il appelle la régulation médicale – ce que vous appelez télérégulation –, le médecin fait un tri rapide. On pourrait imaginer que cet appel non programmé soit reprogrammé : le médecin estime, compte tenu des informations qui lui sont données par téléphone, qu'il n'y a pas de caractère de gravité et propose au parent de le rappeler une heure plus tard pour réaliser une véritable vidéo-consultation. Là, ça change tout ! Nous faisons mieux, nous, pour les membres de notre famille, avec FaceTime ou WhatsApp, que la régulation qui, actuellement, ne bénéficie pas de la vidéo. Cette téléconsultation, avec l'aide de la vidéo, pourrait donner lieu à une téléprescription, faite par un médecin. Allons jusqu'au bout : en l'absence de critères de gravité et d'antécédents, l'enfant pourrait être pris en charge par une puéricultrice, qui pourrait intervenir dans ce cadre. En effet, pour des pathologies a priori bénignes affectant des populations ciblées, nous pourrions déléguer les téléconsultations à des professionnels de santé autres que des médecins. Dans ce cas, le problème de l'envoi d'un effecteur ou de l'adressage à un effecteur ne se pose pas.

La régulation médicale doit être large : outre des urgentistes, elle doit comprendre des généralistes : SOS Médecins y participe, par exemple. Nous sommes vraiment oecuméniques dans ce domaine : il s'agit de fédérer les énergies, et non de les segmenter. Le soin urgent relève du maillage du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) – nous pourrons en reparler, mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe. Le soin non urgent, une fois qu'on a considéré qu'il pouvait être reprogrammé, peut être prodigué soit dans le cadre d'une vidéo-consultation, soit en maison médicale, soit lors d'une visite de type SOS Médecins – il ne faut pas sous-estimer l'importance des visites.

Se pose ensuite la question de savoir où doit s'implanter la maison médicale. À Lyon, où j'exerce, je sais que, pour les personnes qui n'ont pas de véhicules motorisés, il est impossible ou très difficile de se rendre dans certaines maisons médicales. Ces personnes vont donc dans les structures desservies par les transports en commun. Mais il n'existe pas de solution unique. La maison médicale doit être située à l'endroit qui est le plus accessible pour les patients. Ce peut être à côté de l'hôpital ou même dans l'hôpital, à condition qu'une convention assure une étanchéité. Il faut faire preuve de plasticité ; nous y sommes tout à fait prêts.

En ce qui concerne les maisons pluridisciplinaires, des problèmes de reprogrammation de soins se posent : les plages horaires d'ouverture ne correspondent pas aux besoins. La maison médicale est une sorte d'excroissance qui ouvre à certaines heures. On peut imaginer que, dans les maisons pluridisciplinaires, des plages horaires soient consacrées aux soins non programmés aux heures ouvrables et, un peu comme à La Poste, jusqu'à 22 heures. Il existe donc tout un panel de propositions qui peuvent être faites en lien avec le service des urgences, qui représente tout de même une solution. L'un des drames, actuellement, de ces services, c'est qu'ils apparaissent à la population comme une solution mais que celle-ci n'est pas adaptée en termes d'efficience. Certains services des urgences s'adaptent. À Lyon, par exemple, nous sommes en train de recruter un certain nombre de médecins généralistes, faute d'autres moyens, en attendant que les maisons médicales puissent s'implanter dans des endroits qui ne soient pas difficiles d'accès. Quant à SOS Médecins, il nous apporte une aide stratégique. J'ai été un peu long, mais le tableau est protéiforme.

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