Intervention de Ghislaine Alajouanine

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté :

Je préside le Haut Conseil français de la télésanté. J'ai présidé la Fondation pour la recherche médicale et je suis la vice-présidente de la Société française des technologies pour l'autonomie et de gérontechnologie (SFTAG), sorte de société savante de la silver economy. Je suis accompagnée du docteur Line Kleinebreil, médecin et mathématicienne auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), présidente de l'Université numérique francophone mondiale (UNFM), et par un autre membre du Haut Conseil, le docteur Patrice Cristofini, médecin hospitalier avec une très grande expérience industrielle.

Je souhaite tout d'abord préciser que nous nous inscrivons pleinement dans la lignée du professeur Thierry Moulin. Nous complèterons donc simplement ses propos par des éléments sur la télésanté.

Une nouvelle ère liant numérique et santé s'ouvre devant nous, avec une formidable accélération, mais aussi une nouvelle société – celle du vieillissement. Depuis fin 2015, un plus grand nombre de personnes entre dans les soixante ans que dans les vingt ans. Un senior naît toutes les trente-sept secondes, un junior toutes les quarante-deux secondes. L'apport des nouvelles technologies implique, avec le changement qu'il induit, une transformation dans l'industrie, mais aussi de nouveaux usages, notamment dans le secteur des services, en particulier les services à la personne. C'est une véritable révolution du soin. J'emploie « révolution » au sens de revolvere, c'est-à-dire « retournement ». D'autres diront « rupture » ou même « disruption ». Je préfère signifier qu'il s'agit d'une mutation, d'une métamorphose.

Ce nouveau paradigme nous oblige, si nous voulons avancer, à nous adapter avec des refontes, une reconstruction structurelle à partir des valeurs fondamentales. Soit une idée centrale, avec une ingénierie globale pour effacer les déserts médicaux et sociaux : osons cette révolution pour nos territoires. Cela requiert d'ouvrir un grand chantier à part entière pour la télésanté, qu'il s'agit de déployer au service d'une santé et d'un parcours de soins équitable pour un mieux-vivre et un bien-vieillir de tous nos concitoyens, avec une mise en oeuvre, une mise en ouvrage et une force d'intervention et d'appui à la télésanté. Fiat ! Il faut faire ! Il faut que cela soit ! L'enjeu est de pouvoir, entre autres, répondre à tous et n'importe où à la question angoissante « Qu'ai-je ? » pour le patient, à la question « Que puis-je faire dans ce cas-là ? » pour le praticien. Il s'agit également de permettre à chacun de rester dans le lieu qu'il a choisi, aussi longtemps et dans d'aussi bonnes conditions que possible.

C'est un choix de société. Notre pays le peut et le mérite, en conjuguant notre excellence médicale, notre bienveillance sociale et notre incomparable capacité d'innovation technologique. Une grande avancée technologie, quand elle s'accompagne d'une forte volonté politique, permet une transformation radicale de société. Rappelez-vous l'électricité, le Concorde, le TGV, le spatial. Et pourquoi pas un égal accès aux soins, en permettant le désenclavement des zones isolées et en abolissant les distances ? Cet effet de rapprochement des hommes accélérera la modernité et permettra un mieux-être. C'est donc un enjeu sociétal et économique qui nous concerne tous et se situe au-dessus des clivages politiques.

Il faut aussi répondre à la troisième dimension du développement durable, celle du social, du sociétal. Santé, solidarité, sécurité : ces règles claires correspondent à une démarche de haute sécurité santé (HS2). La labellisation doit être centrée sur la personne. Sortons du « tout hôpital ». Revenons à la personne. Essayons de résoudre ses problèmes, afin de protéger son capital santé. Les dernières politiques publiques sont insuffisantes, mais elles vont dans le bon sens, avec le dispositif d'appui à la coordination et les plateformes territoriales d'appui (PTA). Les statistiques sont connues. La cartographie des déserts médicaux et sociaux est parfaitement identifiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ce sont d'ailleurs les mêmes que les déserts de patients, avec le cas particulier des zones urbaines sensibles. Depuis des années, de nombreux rapports font ressortir les préconisations nécessaires et les outils qui permettraient d'améliorer cette situation désastreuse. La Cour des comptes s'est même prononcée sur le sujet. Elle cite notamment « des initiatives hétérogènes aboutissant à des résultats modestes ». Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a auditionné de nombreux experts, a adopté l'ensemble du projet d'avis sur les déserts médicaux en décembre 2017, par 131 voix sur 167. Il y a donc consensus. La maison brûle !

La boîte à outils est presque complète, avec le pacte territoire santé, les contrats d'engagement de service public (CESP), les praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG), les stages autonomes en soins primaires ambulatoires supervisés (SASPAS) ou encore les médecins correspondants du service d'aide médicale urgente (SAMU). La note que je vous ai transmise les détaille. Mais aucune situation n'est semblable. Aucun endroit ne se ressemble. C'est une mosaïque. Il faut une coordination globale, une couverture numérique minimale, de la continuité et de l'efficience des réseaux, de l'interopérabilité, une base de la protection des données, un cadre tarifaire valable, une constante adaptabilité et de l'évaluation. L'enjeu est dans la mise en oeuvre : qui, quand, comment, pourquoi.

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