Intervention de Frédéric Valletoux

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France :

La Fédération hospitalière de France (FHF) est pleinement concernée par le problème des déserts médicaux, qui a une incidence sur l'hôpital. Quelque 26 % des postes de praticiens hospitaliers à temps plein ne sont pas pourvus, et 46 % des postes de praticiens hospitaliers à temps partiel. Le taux de vacance statutaire est donc très important, de manière constante depuis quelques années, et il ne diminue pas. Les déserts médicaux s'observent donc aussi à l'intérieur des établissements, avec de grandes disparités selon les spécialités et les régions. Il ressortait ainsi d'une enquête sur les besoins médicaux dans les établissements de la région Occitanie, menée au mois de mars par les hôpitaux d'Occitanie, que 450 postes y sont vacants, la perspective étant que le besoin doublera d'ici 2023 – en cinq ans, donc. Le sujet, prégnant, n'apparaît peut-être pas assez dans le plan pour renforcer l'accès aux soins récemment lancé par le Gouvernement.

Pour remédier à ce problème interne aux hôpitaux, nous formulons cinq propositions. La première est d'engager, en se fondant sur une gestion prévisionnelle des métiers et des compétences à l'échelle territoriale et nationale, et à la suite d'une phase de concertation, la révision sinon la suppression du numerus clausus. Le contingentement a montré toutes ses limites. Il est temps de partir des besoins des territoires pour ajuster les formations et la coopération entre les coordonnateurs de spécialités des services hospitaliers, voire les médecins spécialistes libéraux, et structurer l'offre de formation initiale à cette échelle. Le maillage des groupements hospitaliers de territoire (GHT) pourrait être un échelon intéressant dans le dialogue avec l'Université et la structuration d'une offre de formation permettant aussi de mieux articuler les stages d'internat dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et en ambulatoire. Ainsi assurerait-on une meilleure visibilité, dès les études, de toutes les pratiques professionnelles possibles.

La deuxième proposition est de recentrer les médecins sur le coeur de leur métier, en développant de manière un peu plus volontariste les coopérations entre professionnels de santé et en valorisant les compétences des professionnels paramédicaux par l'exercice en pratique avancée.

La troisième proposition consiste à développer des modalités d'exercice innovantes et attractives, tel l'exercice mixte ville-hôpital. Le docteur Jean-Pierre Jardry, élu local et médecin généraliste libéral, a rendu il y a un mois un rapport dans lequel il avance dix-sept propositions visant à améliorer les liens entre médecine de ville et médecine hospitalière. La FHF souhaite faire évoluer le statut, le mode de rémunération et les perspectives de carrière des médecins qui ont choisi l'exercice mixte, pour mieux valoriser les hôpitaux de proximité en tant qu'échelons structurants de l'offre de soins dans des territoires où elle est lacunaire. Il convient à cette fin de valoriser l'expérience acquise en libéral pour faciliter l'accès au statut de praticien hospitalier à temps plein ou à temps partiel. On intéresserait davantage les médecins qui choisiraient de pratiquer à l'hôpital en prenant en compte les années pendant lesquelles ils ont exercé en qualité de médecin de ville. Aujourd'hui, les dispositions statutaires et réglementaires ne le permettent pas, ce qui rend cette perspective moins attractive.

La quatrième proposition est d'organiser l'offre de soins à l'échelle territoriale, en partenariat avec les collectivités. Le rapport du docteur Jardry est nourri de nombreux exemples d'initiatives qui montrent l'investissement des collectivités locales ; elles prennent souvent le parti de mieux s'adosser aux hôpitaux de proximité, considérant qu'ils peuvent être des hubs de premier recours dans de nombreux territoires.

Notre cinquième proposition est de compléter l'arsenal juridique pour soutenir l'effort d'attractivité des établissements de santé ; c'est capital au regard de la pénurie de praticiens hospitaliers dont j'ai fait état. C'est un sujet de préoccupation majeur pour nous que celui des médecins intérimaires, sinon mercenaires, et nous souhaitons très vivement le renforcement des contrôles du Conseil de l'Ordre. Nous l'avons saisi plusieurs fois à propos du comportement non déontologique de certains médecins qui appellent au boycott des établissements respectant « trop » les grilles de rémunérations. Il circule des listes d'hôpitaux que l'on incite à éviter quand ils proposent des missions d'intérim, parce qu'ils veulent appliquer la tarification réglementaire. Cette « course au tarif » pénalise les établissements en portant atteinte à leur santé financière. Nous appelons à des sanctions beaucoup plus fortes à ce sujet, afin qu'une régulation effective du recours à l'intérim voie le jour.

Ainsi se pose la problématique pour les établissements publics.

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