Intervention de Frédéric Valletoux

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France :

Les consultations avancées sont bien entendu utiles, nécessaires et opportunes. Il en existe déjà, mais des freins réglementaires subsistent qu'il faut lever, notamment au sujet de la rémunération des praticiens. Je citerai l'exemple de Belle-Île-en-Mer : si les médecins de l'hôpital de Vannes ne s'étaient pas retroussé les manches, ils n'auraient pas permis d'irriguer à nouveau l'offre médicale dans une île où vivent 5 000 habitants l'hiver et où ne restait qu'un médecin libéral. Les consultations avancées évitent aux Bellilois d'aller sur le continent et la pratique mixte ville-hôpital a rendu l'installation plus attractive pour les médecins généralistes libéraux, si bien que Belle-Île n'est plus le désert médical qu'elle était il y a quelques années. C'est un exemple parmi beaucoup d'autres. Raisonner sur l'offre de santé d'un territoire permet de déceler les besoins de consultations ici ou là. En dépit des freins réglementaires qui subsistent en matière de rémunération, cette pratique utile va se développer.

Que l'Occitanie soit une belle région et qu'elle compte deux facultés de médecine n'empêche pas qu'elle soit confrontée comme toutes les autres à la vacance des emplois hospitaliers, dans la proportion que j'ai dite et qui doublera dans les cinq ans, ce qui est un sujet d'inquiétude, Mesdames et messieurs les députés, n'oubliez pas, au moment de rédiger vos recommandations, que les déserts médicaux concernent aussi les hôpitaux !

Je suis favorable sans réserve à ce que tout établissement pratique les urgences s'il a les forces médicales adéquates et s'il en a le désir. Toutefois, répondre aux urgences signifie que l'on respecte la notion de service public et ce que cela implique en termes de droits et de devoirs : droits parce que cette activité fait l'objet de financements particuliers, devoirs parce qu'il n'y a pas de discrimination à l'entrée des urgences, que l'on participe pleinement aux obligations de service public et que l'on répond à la demande 24 heures sur 24. Or, de nombreuses informations remontent des territoires selon lesquelles des établissements privés limitent leurs activités d'urgence – et l'affichent. J'ai ainsi sous les yeux un courrier envoyé à l'ARS par des chirurgiens orthopédistes exerçant dans une grande capitale régionale à l'Est de la France. « Notre objectif », expliquent-ils, « est de participer à l'accueil des urgences orthopédiques en tenant compte de nos spécificités de structure, d'organisation et de compétence. Et donc ainsi, nous limitons la prise en charge des patients adultes ne relevant pas d'un délai de prise en charge de moins de six heures, excluant d'entrée de jeu les pathologies suivantes : les polytraumatisés, les polyfracturés, la traumatologie du rachis, les fractures ouvertes… ». Une liste complète de pathologies refusées est donc envoyée à l'ARS, à laquelle on explique en bref que l'on veut bien participer aux urgences mais pas à toutes, au soin de certaines pathologies mais pas de toutes… Je sais que la FHP condamne ces pratiques, mais telle est parfois la réalité. Encore une fois, si l'on participe à l'organisation du service d'urgence, c'est à la condition de souscrire pleinement aux obligations que cela entraîne : la non-sélection et l'entière participation à la permanence des soins à toute heure, tous les jours.

Effectivement, les gens se rendent dans les services d'urgence plutôt que dans les maisons de santé. C'est que si l'accès aux soins est de plus en plus difficile sur le plan géographique, il l'est aussi sur le plan économique. Il n'en existe sans doute pas de mesure précise, mais si l'on prenait le temps d'étudier l'évolution du taux de renoncement aux soins, on s'apercevrait certainement qu'il va croissant. Des gens ne se font pas soigner ou espacent les consultations, et entrent finalement dans le système de soins alors qu'ils sont malades depuis longtemps sans que leur pathologie ait été décelée quand il l'aurait fallu, ce qui pose évidemment d'autres problèmes économiques à la collectivité.

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