Madame Elimas, nous travaillons en étroite collaboration avec Sophie Cluzel et, une fois les concertations terminées, dans quelques semaines, nous communiquerons ensemble sur les points importants de ce projet de loi concernant le handicap.
Vous avez raison, il y a une méconnaissance très profonde de la diversité des handicaps, le cas des autistes l'illustre. Nombre d'employeurs ne pensent qu'aux personnes dont la mobilité est réduite, c'est-à-dire à 2 % des situations de travail, pour estimer que les caractéristiques de leur métier les empêchent d'employer des personnes handicapées. En outre, il y existe des tas de manières d'aménager un emploi pour le rendre accessible à une personne à mobilité réduite.
Les autistes souffrent beaucoup de cette image floue. L'un de nos objectifs est de changer de regard et nous pouvons nous appuyer sur des expériences extrêmement réussies. Certaines entreprises ont recruté des salariés autistes, c'est-à-dire des personnes qui possèdent des qualités différentes et qui ont bien d'autres choses à apporter qu'un handicap. L'un de nos objectifs est de valoriser l'apport des travailleurs handicapés, de mettre l'accent sur ce qu'ils ont au lieu de se focaliser sur ce qu'ils n'ont pas. Pour faire ce travail à la fois législatif et culturel, toutes les propositions seront les bienvenues.
Vous l'avez dit, monsieur Delatte, les jeunes décrocheurs représentent un problème majeur, même si, depuis quelques années, leur nombre est passé de 150 000 à 100 000 par an. Pour une cohorte de 750 000 jeunes d'une classe d'âge, ce nombre de 100 000 est énorme. En cumulé, nous avons 1,3 million de jeunes qui ne se projettent pas dans l'avenir.
Pour remédier à cette situation, nous allons mener diverses actions dont l'une concerne l'apprentissage. Nous constatons que beaucoup de ces jeunes n'accèdent pas à l'apprentissage parce qu'ils n'ont pas les codes sociaux et la manière de faire pour y parvenir. Dans les CFA, nous allons financer des prépas apprentissage à travers le plan d'investissement dans les compétences, afin de permettre aux jeunes de découvrir des métiers pendant deux ou trois mois, en reprenant une expérience très intéressante qui avait été conduite dans les Hauts-de-France.
Le plan d'investissement dans les compétences comportera aussi des formations qualifiantes et tout un programme d'innovations pédagogiques sur les compétences douces ou comportementales – les soft skills – qui consistent à maîtriser des savoirs de base, transversaux, et les codes sociaux. Une partie importante de ces jeunes ne pourra acquérir la compétence technique qu'une fois développées d'autres connaissances en matière de relations sociales, d'expression, de respect, de travail en équipe.
Madame Biémouret, pour créer le parcours emploi compétences à destination des seniors, qui repose sur le triptyque emploi-formation-accompagnement, nous avons en effet utilisé le socle juridique du contrat aidé. En revanche, il est faux de considérer que les seniors ne devraient pas avoir accès à la formation. Premièrement, on est senior longtemps. Deuxièmement, une formation peut être utile ne serait-ce que pour adapter une personne à un poste de travail. Le parcours emploi compétences est une formule limitée à neuf mois. Les seniors peuvent aussi évoluer et ils sont l'une des priorités des parcours emploi compétences confiés aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et à Pôle emploi.
Des craintes ont été exprimées concernant les CFA. Les diplômes et les titres professionnels nationaux sont conservés. Les partenaires sociaux qui, aujourd'hui, ne peuvent élaborer que des certificats de qualification professionnelle, pourront travailler au contenu professionnel des diplômes. Je rappelle aussi que le répertoire national des qualifications et des certifications ne comprend qu'une partie des qualifications de branche. Tous les certificats de qualification professionnelle n'appartiennent pas au répertoire. En clair, contrairement à vos craintes, les partenaires sociaux auront des responsabilités augmentées qui s'exerceront en amont sur les diplômes. Par ailleurs, nous prévoyons des dispositions relatives aux diplômes transversaux et nous assurerons leur financement.
Avec la reprise de la croissance, un certain nombre de nos concitoyens au RSA qui n'avaient plus d'espoir retrouvent celui de reprendre le chemin du travail. Dans cet état d'esprit, le travail n'est pas seulement une rémunération pour une activité, mais aussi du lien social. On se rend compte à quel point le chômage ou le RSA sont souvent « désocialisants ». Travailler est une fierté par rapport à ses enfants, à soi-même et à sa valeur sociale. Le travail reste la priorité à chaque fois que c'est possible, pour le plus grand nombre possible. Nous commençons à nouer des partenariats innovants avec les départements. Le plan d'investissement dans les compétences s'adresse aux plus vulnérables, donc nécessairement à des allocataires du RSA. Les partenariats avec les régions et les départements peuvent être des pistes intéressantes.
La question qui m'a été posée sur M. Quirante est un peu hors sujet, mais elle me donne l'occasion de rappeler les faits. En 2011, après une séquestration de cadres de la Poste qui avait eu lieu l'année précédente, onze personnes, dont M. Quirante, ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Nanterre. En 2013, la condamnation de M. Quirante a été confirmée par la cour d'appel de Versailles, avec deux autres des onze condamnations de 2011. Avant que la justice ne se prononce, l'inspection du travail et le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, avaient successivement refusé le licenciement de M. Quirante, demandé par son employeur. J'insiste sur le fait que, depuis, la justice a condamné M. Quirante au pénal à deux reprises, en première instance et en appel. Il s'agit d'une condamnation lourde qui n'est pas fréquente.
Une fois les faits établis par la justice, en avril 2017, la cour administrative d'appel a annulé la décision de l'inspection du travail et du ministre. Dès lors, refuser à nouveau ce licenciement aurait constitué un déni de justice : ce serait s'asseoir sur l'autorité de la chose jugée, principe fondamental de notre droit. Je ne considère pas qu'une décision ministérielle l'emporte sur une décision judiciaire. À partir du moment où la justice pénale et la justice administrative se sont prononcées, il est clair que la ministre que je suis doit respecter leurs décisions et autoriser le licenciement. Il s'agit d'un acte totalement corrélé à une décision de justice.