Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

S'agissant des démissionnaires, nous nous conformons à l'accord national interprofessionnel. Les partenaires sociaux ont appelé notre attention sur les conditions à respecter pour créer un vrai droit et non un trompe-l'oeil. La pire des situations consisterait à provoquer chez un grand nombre de salariés un raisonnement du type : « Maintenant, j'ai un droit à la démission avec la garantie de bénéficier de deux ans d'assurance chômage. Si j'ai un conflit dans le travail ou que quelque chose ne va pas, je me mets au chômage, et on verra après. » Ce « on verra après » cache un danger terrible, car les démissionnaires risquent de devenir des chômeurs de longue durée. Nous aurions ainsi fait miroiter une démarche dangereuse. En accord avec les partenaires sociaux, nous avons donc retenu la logique du projet. Il peut s'agir de la création d'une entreprise, d'une reconversion, d'un changement de cadre après une mutation, ou encore d'un souhait de changer de secteur. Ça peut être tout cela.

Un conseil en évolution professionnelle sera systématiquement assuré : si quelqu'un veut se reconvertir dans un secteur où il y a plus du tout d'embauche, on lui dira « non », et on lui expliquera que son projet l'emmène dans le mur. En revanche, pour se reconvertir ou créer une entreprise dans un secteur porteur, il pourra bénéficier de la sécurité qu'apporte le dispositif – le compte personnel de formation pourra aussi être utilisé.

Pourra-t-on revenir en arrière ? Pour cela, il faudrait retrouver un emploi. Le conseil en évolution professionnelle appellera l'attention sur le fait que démissionner, c'est renoncer à un CDI. Il faut tout de même bien réfléchir. Cela dit, je pense que pas mal de gens ont un projet personnel. Depuis que le dispositif a été présenté, on me demande souvent dans la rue : « C'est pour quand ? Je voudrais créer mon entreprise. » Plein de gens ont des idées qu'ils pourront mettre en oeuvre grâce aux conseils qui leur seront dispensés.

Ce dispositif donnera le sentiment de ne pas être coincé quelque part pour toute la vie. Une telle situation n'est d'ailleurs pas non plus idéale pour les entreprises : si des salariés restent chez vous parce qu'ils n'ont pas d'autre choix, ce n'est pas la meilleure des configurations en termes d'engagement, d'efficacité et de productivité. Je crois que cette souplesse sera bonne.

Les contrats courts, CDD et intérim, coûtent 8 milliards par an à l'assurance chômage, soit beaucoup plus que les cotisations, sachant que ses dépenses annuelles s'élèvent à 33 milliards, et son déficit à un peu plus de 3 milliards. Le système pérenne d'emploi finance donc le système plus précaire. C'est logique puisqu'un travailleur précaire aura plus souvent recours à l'assurance chômage.

Au sein des mêmes branches, dans les mêmes métiers, on constate toutefois des différences de pratique énormes qui relèvent plutôt de la gestion de ressources humaines que des spécificités d'un métier. Il est par exemple évident que tout le secteur des vendanges est concerné puisqu'il fait appel à un travail saisonnier par nature, mais nous parlons d'autre chose. Les partenaires sociaux ont souhaité que nous les laissions prendre des dispositions au niveau des branches d'ici à la fin de l'année. Nous ne disposons pas d'un chiffrage a priori, mais nous ferons des simulations à partir des résultats de leurs négociations pour voir si les avancées sont suffisamment significatives. La loi prévoit la possibilité d'aller plus loin ou d'étendre les dispositions à d'autres branches par décret.

Nous considérons qu'au moment où la croissance reprend, il n'est pas bon de conserver un déficit d'assurance chômage aussi élevé en même temps qu'une telle précarisation : des personnes restent dans la précarité alors qu'elles pourraient accéder à un emploi plus permanent. Je rappelle que l'emploi permanent donne plus d'autonomie, une capacité d'emprunter, une capacité à se loger… Bref, il s'agit tout de même d'une autre situation. Il existe bien une petite minorité, en général des jeunes, pour laquelle ce n'est pas une priorité, mais la grande majorité des gens cherchent un CDI. En conséquence, si la précarité n'est pas rendue nécessaire par des raisons économiques liées à l'activité d'un secteur, il n'y a pas tellement de raisons de ne pas avancer sur ce dossier.

Madame Ramassamy, je n'ai pas un avis aussi négatif que vous sur Pôle emploi. Tout n'est pas égal partout, mais le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi et celui des entreprises augmentent chaque année pour atteindre 75 %. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'efforts à faire. Il faudra en particulier proposer un accompagnement plus rapide et plus personnalisé. Pôle emploi compte 55 000 agents, ce qui représente une belle force de frappe. Un processus de dématérialisation de nombreux actes administratifs est en cours. Il libérera le temps consacré à ces tâches et permettra d'en prendre davantage pour conseiller les demandeurs d'emploi et les entreprises.

Nous faisons évoluer certains éléments du droit du travail concernant les apprentis car, pour un petit nombre de métiers, il comporte encore des éléments aberrants. Aujourd'hui, les apprentis boulangers ne peuvent, par exemple, pas apprendre à faire le pain car, n'étant pas majeurs, ils ne sont pas autorisés à travailler à l'heure à laquelle on le fabrique. Ils viendront plus tôt et ils partiront plus tôt : nous ne proposons que des modifications de bon sens. Elles ne sont d'ailleurs pas nombreuses. J'ai eu la surprise de constater que beaucoup de choses avaient déjà été réglées, mais que les entreprises n'étaient pas toujours au courant. Nous avons besoin de communiquer. Par exemple s'agissant de la hauteur des échelles sur lesquelles les mineurs peuvent monter, il existe un décret de 2015 qui règle en grande partie le problème, mais qui n'est pas connu des entreprises. Il y a moins de freins que ce que l'on croit.

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