- Je rappelle, à titre liminaire, que notre travail répond à une demande de la mission d'information commune créée à l'Assemblée nationale sur « les usages des blockchains et autres technologies de certification de registres », présidée par notre collègue Julien Aubert. Cette note courte sera suivie d'une note plus développée d'ici la fin du mois de mai.
Nous nous sommes répartis cette présentation de la manière suivante : je reviendrai sur les origines des blockchains ou chaînes de blocs, Ronan Le Gleut décrira leur fonctionnement de manière détaillée et Valeria Faure-Muntian abordera, pour conclure, la question de certains enjeux technologiques, à savoir le défi de la capacité des blockchains à monter en charge, les smart contracts ou contrats intelligents, la distinction entre blockchains publiques et blockchains privées et, enfin, la question de leur consommation énergétique.
Pour comprendre ces technologies, nous proposons une définition : les chaînes de blocs ou blockchains sont des technologies de stockage et de transmission d'informations permettant la constitution de registres répliqués et distribués, sans organe central de contrôle, sécurisées grâce à la cryptographie et structurées par des blocs liés les uns aux autres, à intervalles de temps réguliers. Pour comprendre le fonctionnement de ces registres informatiques, utilisés dans des réseaux décentralisés pair à pair (peer to peer), et qui forment les technologies sous-jacentes aux cryptomonnaies, il est nécessaire de revenir à leurs origines. Les cryptomonnaies s'inscrivent dans le sillage du mouvement pour le logiciel libre et de la communauté « cypherpunk ». Le mot-valise « cypherpunk » est formé à partir de l'anglais cipher ou chiffrement et « cyberpunk », lui-même issu des mots cybernétique et punk et renvoyant à des oeuvres de fiction dystopiques basées sur les technologies.
Ces deux communautés, qui peuvent se recouper, étaient depuis longtemps désireuses d'utiliser les technologies de chiffrement pour créer un outil de paiement électronique et garantir des transactions anonymes. Les premières tentatives ont été des échecs. C'était le cas de e-cash et digicash en 1983 et 1990 avec David Chaum, puis en 1998 de b-money avec Wei Dai et, surtout, de bitgold avec Nick Szabo. L'invention de hashcash par Adam Back en 1997 avait pourtant marqué un progrès avec l'idée de valider les transactions par la résolution de fonctions de hachage cryptographiques, appelées « preuves de travail ». L'objectif de ces technologies est de rendre inutile l'existence d'un « tiers de confiance », en recourant à un système de confiance distribuée permettant de constituer une sorte de « grand livre comptable » infalsifiable.
L'obstacle à lever résidait dans le problème de la double dépense, c'est-à-dire le risque qu'une même somme soit dépensée deux fois et, plus généralement, dans celui de la tolérance aux pannes, qu'elles soient accidentelles ou malveillantes : ce qu'on appelle en informatique le problème des généraux byzantins(1).
La réponse à ces difficultés est apportée en 2008 dans un article de Satoshi Nakamoto, pseudonyme du collectif des fondateurs du bitcoin et de la première blockchain. Cet article décrit le fonctionnement d'un protocole infalsifiable utilisant un réseau pair à pair - la blockchain - comme couche technologique d'une nouvelle cryptomonnaie – le bitcoin.