Le présent projet de loi, fruit d'un long travail mené depuis maintenant près de deux ans, est la traduction des engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale. Il s'était en effet engagé à allonger le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineurs et à verbaliser le harcèlement de rue. En faisant de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat, le Président de la République a, dans un discours prononcé le 25 novembre 2017 à l'Élysée, complété ses engagements de campagne par d'autres propositions pour mieux lutter contre les violences sexistes et sexuelles ; certaines d'entre elles sont venues enrichir ce texte qui constitue en outre une réponse aux attentes exprimées par les citoyens que nous avons écoutés lors du tour de France de l'égalité femmes-hommes, qui s'est déroulé au cours de ces derniers mois sur l'ensemble du territoire, avec plus de 55 000 participants en métropole et outre-mer – ce qui, en nombre, en fait la plus grande consultation « citoyenne » jamais organisée par un gouvernement.
Le projet de loi s'inspire des travaux de nombreux experts, à commencer par les recommandations de la mission de consensus menée sous la précédente législature par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes sur la prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineurs. Il se fonde aussi sur les travaux de parlementaires – je pense au rapport de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, rédigé par sa présidente, Mme Marie-Pierre Rixain, et par Mme Sophie Auconie, mais aussi aux préconisations du groupe de travail des députés sur la verbalisation du harcèlement de rue. Enfin, le Premier ministre a installé une mission pluridisciplinaire d'experts sur les infractions sexuelles à l'encontre des mineurs, dont les conclusions très claires et consensuelles ont permis d'éclairer le Gouvernement lors de la préparation du texte.
Agir contre les violences sexistes et sexuelles, c'est la première des priorités de la grande cause du quinquennat du Président de la République ; ce projet de loi apparaît comme un outil majeur, essentiel à la réalisation de cette ambition affirmée. L'objectif principal est de mieux condamner les violences sexistes et sexuelles. Trop peu d'agresseurs sont poursuivis et donc trop peu sont sanctionnés pour leurs actes : seules 10 % des victimes de violences sexuelles portent plainte et seules 10 % des plaintes déposées aboutissent à des condamnations – ces chiffres sont tirés de l'Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol, remis en 2016 par le Haut Conseil à l'égalité des femmes et des hommes. On peut en déduire que seulement 1 % des violeurs sont effectivement condamnés. Or le but de notre action, c'est de permettre aux victimes de voir leur agresseur véritablement sanctionné.
Le 25 novembre 2017, à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination des violences envers les femmes, le Président de la République a lancé la grande cause de son quinquennat et a pris des engagements forts. Il a présenté un plan d'action ambitieux pour faire reculer les violences sexistes et sexuelles, qui s'articule autour de trois axes principaux : mieux prévenir les violences, mieux accompagner les victimes, mieux sanctionner les agresseurs.
De nombreuses mesures sont d'ores et déjà appliquées par le Gouvernement : ainsi l'ouverture, dans le courant de l'année, à titre expérimental, de dix centres de soins du psycho-traumatisme pour les victimes de violences sexistes et sexuelles, ce qui permettra de les accompagner dans les soins au-delà desdites violences et en marge de la condamnation de l'auteur des violences ; le lancement, le mois prochain, d'une plateforme de signalement en ligne administrée par les forces de l'ordre, sous l'égide directe du ministère de l'intérieur, pour pouvoir informer et orienter les victimes des violences, afin qu'elles soient accompagnées de la meilleure manière dans la judiciarisation qui commence par le dépôt de plainte ; la mise en place d'un grand plan de formation initiale et continue de tous les professionnels du secteur public, personnels de santé, forces de l'ordre mais aussi magistrats, sous l'égide notamment de la mission interministérielle de protection des femmes (MIPROF) ; enfin une série de mesures élaborées en concertation avec les partenaires sociaux et les organisations patronales pour mieux lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail – mesures que je présenterai cet après-midi en compagnie de la ministre du travail, et qui participent à l'objectif que s'est fixé collectivement le Gouvernement : ne rien laisser passer et donc agir partout, tout le temps, contre les violences sexistes et sexuelles.
En faisant de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat, le Gouvernement a décidé d'y allouer les moyens nécessaires. Ainsi, 4 millions d'euros seront consacrés à la diffusion, en septembre prochain, d'une campagne de communication de grande ampleur visant à sensibiliser et à responsabiliser l'ensemble de la société – nous serons, je crois, tous d'accord pour considérer que, au-delà des lois, au-delà de la sanction, la communication est importante, la pédagogie est importante : c'est un combat culturel que nous devons mener ; il faut donc interpeller la société tout entière.
Comme je l'ai annoncé hier, nous lançons par ailleurs un appel à projets d'un montant de 1 million d'euros pour soutenir les initiatives locales de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail. Nous avons pour cela choisi l'échelle régionale – en métropole et outre-mer – afin que les réponses soient apportées au plus près de la vie des femmes victimes, au plus près de leur quotidien.
J'ajoute enfin que, contrairement à ce qui est dit et répété ici ou là, nous n'avons pas diminué d'un seul centime les subventions allouées aux associations nationales qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles. Je le répète : pas un seul centime. Certaines de ces subventions nationales ont même été augmentées dans un double objectif d'efficacité et de transparence. J'ai en revanche souhaité modifier la procédure d'attribution de ces subventions en la confiant à une commission spécifique chargée d'évaluer les dossiers en toute indépendance et formuler des préconisations afin, précisément, que les décisions soient prises de manière collégiale et éclairée.
Le présent projet de loi vise en outre à combler les insuffisances du droit positif et à mieux sanctionner les agresseurs. Comptant quatre dispositions, il est volontairement court, condensé, de manière à garder le cap sur notre objectif : renforcer la condamnation des auteurs de violences sexistes et sexuelles.
Le premier article a ainsi pour objet d'allonger de dix ans le délai de prescription applicable aux crimes commis sur mineurs en le portant à trente ans à compter de la majorité de la victime qui pourra donc, après promulgation du texte – si vous le votez –, porter plainte jusqu'à l'âge de quarante-huit ans. Cette évolution correspond à la nécessité de mieux prendre en compte la difficulté des victimes à signaler les faits, difficulté d'autant plus importante lorsque la victime est jeune, et d'autant plus forte lorsque les crimes ont été commis dans la sphère proche, familiale, dans l'entourage du mineur.
Cette évolution correspond également à une meilleure prise en compte d'un phénomène que l'on méconnaissait il y a encore quelques années mais qu'on comprend désormais mieux grâce à la recherche : l'amnésie traumatique. Des progrès ont été réalisés dans les techniques de recueil, de conservation et d'exploitation des preuves qui nous semblent en corrélation avec l'objectif que nous poursuivons. Par ailleurs, l'allongement du délai de prescription donnera davantage de temps à la victime pour surmonter son traumatisme avant d'engager une action en justice, et permettra d'augmenter le nombre de dépôts de plaintes et donc, nous l'espérons, de condamnations.
C'est donc la traduction concrète des conclusions de la mission de consensus présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, que le Président de la République s'était engagé à mettre en oeuvre. Néanmoins, afin d'assurer une plus grande protection des victimes mineures, nous avons souhaité aller plus loin que les préconisations de la mission en proposant d'étendre cet allongement du délai de prescription à l'ensemble des crimes commis sur des mineurs, au-delà des seuls crimes sexuels. Cette évolution se fonde sur la reconnaissance de la gravité et de la spécificité des crimes commis sur les mineurs que la réforme récente avait effacée en portant à vingt ans le délai de prescription applicable en matière criminelle. Le présent projet de loi prévoit donc de rétablir la différence de délai de dix ans qui existait avant la loi du 27 février 2017 votée à l'initiative de MM. Tourret et Fenech.
Allongé de dix ans, le délai de prescription applicable aux crimes commis sur les mineurs ne portera atteinte ni à la lisibilité ni à la cohérence de l'architecture actuelle du droit de la prescription qui prévoit déjà, pour certains crimes particulièrement graves, un délai de prescription de l'action publique de trente ans : je pense aux actes de terrorisme et infractions connexes, trafic de stupéfiants, infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive, crimes de guerre, etc.
L'article 2 vise à renforcer la pénalisation des abus sexuels commis sur les mineurs de moins de quinze ans. C'est la disposition qui aura probablement suscité le plus de débats au sein de votre commission mais aussi dans l'opinion publique parce que c'est un sujet particulièrement sensible et délicat, y compris sur le plan technique. Je me réjouis donc de pouvoir apporter plusieurs éléments de clarification.
D'abord, pour ce qui est du seuil d'âge en dessous duquel un mineur sera présumé ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un majeur, conformément aux recommandations de la mission pluridisciplinaire qui a rendu son avis le 1er mars dernier, nous avons décidé collectivement de retenir l'âge de 15 ans qui constitue déjà une référence en matière de protection pénale des mineurs puisque c'est notamment l'âge de la « majorité sexuelle ». Je l'affirme nettement : nous avons retenu l'âge de 15 ans pour ne pas abaisser le niveau de protection des mineurs en vigueur. Plus encore, nous renforçons cette protection en prenant en compte la vulnérabilité particulière des jeunes adolescents, des enfants, d'un point de vue psychique et physique puisqu'il a été attesté scientifiquement que le développement du cerveau et le niveau de maturité sont très variables jusqu'à l'âge de quinze ou de seize ans.
Deuxième sujet de débat, l'institution d'une présomption de non-consentement. Le fait d'affirmer qu'un mineur en dessous d'un certain âge est présumé ne pas avoir consenti à un acte sexuel avec un majeur – c'est la philosophie dont procède la démarche du Gouvernement – fait également débat. Il s'agit d'un enjeu de civilisation et l'article 2 en est la traduction juridique, dans des termes qui respectent l'architecture du droit et les principes constitutionnels.
Comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis rendu le 15 mars, la notion de présomption n'existe qu'en matière contraventionnelle – comme pour les infractions au code de la route –, mais elle ne peut être admise qu'à titre très exceptionnel en matière délictuelle. Cette notion est encore plus forte en matière criminelle, compte tenu de la gravité de l'enjeu pour le « présumé coupable ». L'institution d'une présomption légale en matière criminelle serait donc contraire aux exigences constitutionnelles de respect de la présomption d'innocence, et c'est pour cela que le Gouvernement a retenu la solution paraissant juridiquement la plus efficace et la plus correcte pour améliorer la lutte contre les infractions sexuelles commises sur des mineurs. Cette solution consiste, d'une part, à préciser la notion de contrainte morale ou de surprise lorsqu'une atteinte sexuelle est commise sur un mineur de moins de quinze ans pour favoriser, dans cette hypothèse, le recours à la qualification de viol ou d'agression sexuelle, et, d'autre part, à aggraver la répression des pénétrations sexuelles sur des mineurs, même lorsque celles-ci ne constituent pas un viol. Et, j'y insiste, c'est cela qui nous permet de poser cet interdit de civilisation : l'interdit du rapport sexuel entre un adulte et un enfant de moins de quinze ans, que celui-ci ait manifesté ou non son consentement.
Il s'agit donc, premièrement, de mieux prendre en compte la vulnérabilité particulière des mineurs de quinze ans grâce aux précisions apportées par les nouvelles dispositions ; il n'y aura plus d'ambiguïté sur les capacités de discernement ou le consentement du mineur à un acte sexuel. Nous proposons ainsi de ne retenir que deux des éléments constitutifs du viol : la contrainte morale et la surprise, qui peuvent résulter « de l'abus d'ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité et du discernement nécessaire pour consentir à ces actes de manière éclairée ». La force de cette proposition réside aussi dans son applicabilité immédiate sitôt la loi promulguée. Nous avons donc visé l'efficacité afin de permettre aux magistrats de s'en saisir rapidement, y compris, et c'est une précision très importante, pour les affaires en cours. L'article 2 apporte les précisions nécessaires en indiquant très clairement la limite de quinze ans et donne au juge des éléments d'appréciation complémentaires lui permettant de déduire de l'âge la contrainte ou la surprise qui rattachent l'acte au viol tel que défini par les textes en vigueur, et ainsi de poursuivre immédiatement pour viol. Il s'agit de poser un cadre clair qui permette au juge de caractériser l'infraction en identifiant ces éléments constitutifs sur la base de critères très précis.
Deuxièmement, cet article permet de mieux sanctionner le délit d'atteinte sexuelle en portant la peine de cinq à dix ans d'emprisonnement lorsque l'atteinte comporte une pénétration sexuelle. Là encore, je tiens à lever les interrogations que cette disposition a pu susciter, et que je comprends dans la mesure où nous touchons à des sujets particulièrement techniques sur lesquels il convient par conséquent d'être le plus précis possible.
Non seulement cette disposition ne va pas conduire à la déqualification des viols commis sur les mineurs de moins de quinze ans, mais, bien au contraire, elle vise à et elle aura pour effet d'éviter le recours à la correctionnalisation. Nous entendons en effet, la garde des Sceaux et moi-même, éviter le recours à la correctionnalisation grâce à la facilitation de l'établissement de la contrainte ou de la surprise par le nouvel article 222-22-1 du code pénal, et au principe de la question subsidiaire obligatoire sur la qualification d'atteintes sexuelles prévue par l'article 351 du code de procédure pénale : au cours d'un procès pour viol aggravé, s'il n'a pas été possible d'établir l'existence des éléments constitutifs de l'infraction – menace, violence, contrainte, surprise –, le juge devra désormais poser la question de la requalification en atteinte sexuelle afin d'éviter un acquittement : très concrètement, nous aurons ou une condamnation pour viol, y compris lorsque l'on soutient que l'enfant ne s'est pas débattu, car avoir moins de quinze ans, c'est constitutif de la définition du viol, ou, lorsque le juge ne peut pas aller dans ce sens, qualifier l'acte d'atteinte sexuelle pour éviter, je le répète, un acquittement. Nous avons vraiment à coeur, en effet, de ne laisser aucune atteinte, aucun viol, aucune agression sexuelle sans réponse et sans condamnation. L'article 2 répond donc bien au double objectif que nous nous sommes assignés : renforcer l'interdit des relations sexuelles entre un adulte et un mineur de quinze ans et renforcer les sanctions à l'égard des auteurs de ces infractions sexuelles.
Les ateliers du tour de France de l'égalité femmes-hommes ont massivement montré que les jeunes gens, et notamment les jeunes femmes, sont particulièrement exposés à de nouvelles formes de violences sexistes et sexuelles dans ce qui est devenu un nouvel espace public : internet. Ces violences en ligne sont massives : dans tous les ateliers que nous avons organisés avec des jeunes, quel que soit le lieu où ils vivent, quel que soit le milieu dont ils sont issus, tous nous ont parlé du cyber-harcèlement. Ces violences prennent les mêmes formes dans le cyber-espace que dans le monde réel : insultes, harcèlement moral, harcèlement sexuel, menaces sexistes, menaces de viol, voire de mort ; et ces violences commises dans l'espace virtuel ont les mêmes causes et les mêmes conséquences sur la santé, sur la vie sociale et intime des victimes que celles commises dans le monde réel. Toutes ces formes de violence doivent être prises en considération : c'est le sens de l'article 3.
Il s'agit d'adapter le droit à cette nouvelle configuration et aux nouvelles possibilités qu'internet offre aux agresseurs. Cet article vise donc particulièrement ce que nous avons appelé les « raids numériques », à savoir la publication par plusieurs auteurs de propos sexistes ou violents, proférés une seule fois à l'encontre d'une même cible. Une telle forme de violence n'est pas prévue par les textes en vigueur définissant le harcèlement, lequel est constitué seulement lorsque les propos ou les comportements sont répétés plusieurs fois par une même personne. Nous proposons par conséquent d'adapter cette définition du harcèlement sexuel et moral en prévoyant que la répétition puisse résulter d'une action unique mais concertée de plusieurs personnes à l'encontre d'une même victime. L'article 3 élargit ainsi la définition du harcèlement moral et sexuel, intégrant la notion de harcèlement concerté. Le texte permettra ainsi de sanctionner les agissements concertés de plusieurs personnes à l'égard d'une même personne et ainsi d'écarter la condition de répétition aujourd'hui nécessaire pour retenir et qualifier le délit de harcèlement.
L'évolution que nous proposons facilitera en outre les dépôts de plaintes par les victimes de ces « raids numériques » qui, jusqu'alors impunis, contribuent à faire en sorte qu'internet est trop souvent perçu comme une zone de non-droit. Il ne peut plus l'être et le texte permettra au juge de condamner l'ensemble des auteurs qui auront participé à l'attaque de manière concertée, proportionnellement, évidemment, à la gravité de leurs agissements. Nous voulons envoyer un message très clair aux harceleurs en ligne et à ceux qui les incitent, les relaient ou prennent part à des opérations de déferlement de haine en ligne : la République française ne tolère pas de tels agissements et ceux-ci ne pourront plus rester impunis.
Enfin, la quatrième et dernière disposition a pour objet de sanctionner le harcèlement dit de rue en créant une nouvelle infraction que le groupe de travail des députés a proposé d'appeler « outrage sexiste », proposition que le Gouvernement a retenue. Cette disposition est l'un des engagements forts que le Président de la République a pris dès la campagne présidentielle en évoquant notamment l'insécurité spécifique vécue par les femmes dans l'espace public. Le harcèlement dit de rue est l'un des angles morts de notre droit positif : ces comportements, qui pour l'heure ne sont pas réprimés, entravent pourtant fortement les femmes dans leur liberté et dans leur autonomie.
Alors que huit femmes sur dix déclarent avoir peur de sortir seules le soir dans les rues en France, d'après une étude récente de l'IFOP et de la fondation Jean-Jaurès, le harcèlement de rue est bien une atteinte fondamentale à la liberté de circulation, à la liberté d'aller et de venir des femmes et cette atteinte à leurs droits a des conséquences sur l'ensemble de leur vie. Des femmes qui, dans leur trajet quotidien pour se rendre au travail, doivent avant tout se préoccuper de leur sécurité et élaborer, parfois, des stratégies d'évitement voire, n'ayons pas peur des mots, de survie, ne peuvent avoir l'esprit libre pour assurer leur réussite professionnelle : concrètement, lorsqu'on vient de passer quarante minutes à essayer de trouver le trajet le plus opportun pour ne pas être agressée, harcelée, intimidée, menacée, on ne peut pas arriver sur son lieu de travail avec l'esprit suffisamment disponible pour élaborer ce que les sociologues appellent des stratégies de carrière. De même, les jeunes femmes qui se rendent à l'université ne peuvent pas réussir sereinement leurs examens si, chaque jour, elles doivent consacrer une partie de leur temps de trajet à se préoccuper de leur propre sécurité, notamment dans les transports en commun. Ces stratégies de survie, bien des femmes les connaissent et les ont mises en oeuvre. Le harcèlement de rue affecte ainsi durablement leur vie quotidienne en les poussant parfois, je le répète, à modifier leur trajet, à ne pas sortir trop tard, à envisager des solutions de repli.
Pour mettre un terme à l'impunité des agresseurs et mieux protéger les femmes qui subissent ces attaques quotidiennes, nous proposons donc la création de cette nouvelle infraction d'outrage sexiste. Elle vise à réprimer l'ensemble des propos ou comportements à connotation sexiste ou sexuelle imposés à une personne et qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Ces comportements seront désormais verbalisés d'une amende de la quatrième classe, soit 750 euros maximum, pouvant faire l'objet d'une procédure simplifiée de l'amende forfaitaire, à savoir 90 euros si elle est réglée immédiatement. Si les faits sont commis avec certaines circonstances aggravantes, comme sur un mineur de quinze ans ou dans les transports en commun, le projet de loi prévoit une contravention de la cinquième classe, punie d'une amende maximale de 1 500 euros ou de 3 000 euros en cas de récidive. Par ailleurs, les auteurs des faits pourront être condamnés à plusieurs peines complémentaires, dont l'obligation de suivre un stage contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Ces comportements, facilement identifiables, pourront être verbalisés immédiatement par les forces de police, notamment par la police de la sécurité du quotidien : ainsi que l'a annoncé le ministre d'État, ministre de l'intérieur, M. Gérard Collomb, les 10 000 policiers de la sécurité du quotidien qui seront recrutés seront également formés et équipés pour verbaliser l'outrage sexiste et donc garantir l'efficacité de cette mesure.
L'existence d'une telle infraction dans la loi permettra enfin de poser un interdit social clair en signifiant que ces comportements ne relèvent plus d'une incivilité trop longtemps tolérée, mais bien de la loi pénale : ce faisant, nous affirmerons que la République française ne tolère pas que l'on intimide, que l'on menace les femmes dans l'espace public.
Mesdames et messieurs les députés, l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ne sera pas possible tant que continueront de s'exercer aussi massivement des violences sexistes et sexuelles. Le Gouvernement a donc fait le choix de passer de la fatalité à la responsabilité en s'engageant avec une détermination absolue dans la lutte contre toutes ces formes de violence, notamment lorsqu'elles sont commises à l'encontre de mineurs.
Le projet de loi que je viens de vous présenter constitue une avancée fondamentale pour répondre à cette exigence qui est aussi une urgence. Nos concitoyens et particulièrement, oserai-je dire, nos concitoyennes, nous le rappellent chaque jour : ils – et elles – attendent que nous combattions avec la plus grande fermeté tout ce qui porte atteinte à leur dignité, à leur sécurité, à leur liberté. Nous devons être collectivement à la hauteur de cette attente pour faire avancer la société dans le respect des droits fondamentaux de la République française et c'est tout le sens du texte dont vous allez débattre.