Pour avoir travaillé à plusieurs reprises sur cette thématique, au titre de présidente de Femmes au Centre mais également dans le cadre du groupe de travail sur l'outrage sexiste et le harcèlement de rue, puis en tant que corapporteure d'un rapport sur les crimes sexuels avec Mme Marie-Pierre Rixain, j'ai eu l'occasion de mesurer, lors de nombreuses auditions et visites sur le terrain, combien ce sujet devait être transpartisan pour être efficace.
Je considère que le présent texte a le mérite d'exister, mais que nous devons aller beaucoup plus loin. Nos débats doivent l'enrichir afin de faire cesser l'inacceptable et de combattre comme il se doit les violences invisibles, indicibles, que nul ne devrait connaître. Rappelons que le viol est le crime le plus répandu en France et en même temps le plus impuni.
Les articles 1er et 2 tendent vers une meilleure protection des mineurs – or la moitié des victimes d'agressions sexuelles dans notre pays sont mineures. Le temps de prescription est rallongé à trente ans, ce qui à mes yeux n'est pas encore satisfaisant : c'est mon seul point de désaccord avec Mme Marie-Pierre Rixain, dans les vingt-quatre propositions de notre rapport. Je considère que ce crime doit être, quand la victime est mineure, imprescriptible. Des enfants qui vivent sous l'ascendant de majeurs auteurs de ces crimes n'osent pas avouer les faits dont ils ont été victimes. Or très souvent, les criminels en questions sont de véritables prédateurs qui se sont attaqués à un certain nombre de jeunes mineurs : il faut que leurs victimes, même après trente ou quarante ans, puissent ensemble apporter un témoignage qui permette de les condamner. Une limite d'âge de quarante-huit ans ne me paraît pas satisfaisante : nous devons rendre ce crime imprescriptible. Nos enfants sont l'humanité et nous devons mieux les protéger.
Quant à l'article 2, sur le même sujet, il est trop timide. Il faut poser un interdit clair : tout acte sexuel, avec ou sans pénétration, sur mineur de treize ans est un viol ou une agression.
Sur l'article 4 et le délit d'outrage sexiste, il faudrait le coupler avec un travail pédagogique de l'éducation nationale. Il n'est qu'à voir comment les enfants se comportent aujourd'hui : ils ont perdu le sens du respect et du consentement dans la relation à l'autre, qu'elle soit verbale, tactile, intime. Il faut également une campagne nationale d'information et de sensibilisation, en portant une attention particulière au harcèlement. Il me semble indispensable d'accompagner le dispositif proposé par des mesures préventives et éducationnelles.
Les contenus pornographiques et l'image de la femme sur internet sont absents du projet et je le regrette. Un enfant sur deux a eu accès avant dix ans à des images pornographiques. L'âge moyen de premier visionnage d'un film pornographique est de quatorze ans. Je ne sais pas si vous avez vu des films pornographiques ; j'en ai vu dans le cadre du rapport avec Mme Marie-Pierre Rixain. La découverte de la sexualité dans ce cadre-là n'est pas acceptable. Nous avons testé l'accès à un site pornographique : à l'entrée, le site demande à l'internaute s'il est majeur. Si vous répondez non, l'accès vous est interdit. Mais il suffit de revenir sur la page en répondant cette fois que vous êtes majeur, avec le même ordinateur, la même adresse IP, pour qu'il vous soit immédiatement autorisé ! La facilité avec laquelle les enfants reçoivent les messages sexuels à travers ces sites n'est pas tolérable.
J'ai oublié d'évoquer l'article 3 et le harcèlement sexuel et moral sur internet. Cet article permet d'incriminer chaque personne ayant participé à un « raid numérique ». Il est nécessaire d'adapter notre arsenal législatif à l'ère numérique, et cet article est un progrès. Beaucoup d'innovations sont nécessaires, mais relèvent du domaine réglementaire : j'en appelle à l'autorité de Mme la secrétaire d'État pour que des mesures cohérentes soient mises en oeuvre rapidement, ce qui ne me semble pas évident au vu du texte tel qu'il nous est proposé. Pour mieux protéger les victimes, il est urgent d'envoyer un signal fort et un message non équivoque de tolérance zéro pour les crimes sexuels. Le Président de la République s'y était engagé lorsqu'il a organisé, au mois de novembre, la conférence sur la lutte contre les violences faites contre les femmes érigée en grande cause du quinquennat ; or je ne retrouve pas forcément cet engagement dans le texte.