On imagine le traumatisme profond et spécifique que subit un mineur dont les premières relations sexuelles prennent la forme d'une agression ou d'un viol. Nous devons néanmoins faire très attention : une femme violée à répétition par son mari pendant cinq ans, alors qu'elle a entre vingt et vingt-cinq ans, qui parvient à en réchapper, peut avoir envie d'en parler à quarante-cinq ans. Or cela lui sera impossible alors que, je vous l'assure, le traumatisme peut être tout à fait terrifiant.
Il me semble que la spécificité est plus liée à la mémoire et à la possibilité de parler pour les crimes sexuels qu'au traumatisme lui-même. Je ne sais pas si je me fais comprendre car l'idée ne va pas de soi et peut être débattue dans tous les groupes. Ce n'est pas évident à comprendre. Je me réfère à l'expérience des associations qui accompagnent ces personnes. Le Collectif féministe contre le viol (CFCV) explique, par exemple, qu'une femme de soixante-dix ans peut appeler et raconter, pour la première fois, un viol qu'elle a subi à quinze ou trente ans. Ces personnes peuvent toujours aller déposer une plainte, mais elles s'entendront dire qu'on ne peut rien en faire. C'est évidemment difficile.
Je ne suis pas pour une imprescriptibilité qui pourrait bouleverser l'ensemble du droit. En règle générale, je ne suis d'ailleurs pas pour l'imprescriptibilité. Cela étant, comme on allonge le délai de prescription pour les mineurs, on peut aussi réfléchir à le faire pour les majeurs, au regard de la spécificité de la mémoire et de ces crimes.