Il faut bien distinguer deux choses. D'un côté, un sentiment profond d'humanité que nous partageons tous, des témoignages que nous avons tous entendus et qui nous poussent à souhaiter l'imprescriptibilité des crimes sexuels. Mais de l'autre côté, notre responsabilité politique, notre responsabilité de législateur n'est pas de légiférer avec nos sentiments, mais de garantir la protection effective des victimes et de voter des lois qui auront des effets concrets. Qui plus est, les risques d'une censure du Conseil constitutionnel ne doivent pas être pris à la légère. Nous y exposer inconsidérément reviendrait à rendre vain tout notre travail, autrement dit à réduire à néant toute protection des victimes.
Nous devons donc saluer ce projet de loi, qui correspond à une avancée pour les victimes. En nous fondant sur la parole des experts et des juristes, nous sommes parvenus à un consensus qui va nous permettre de faire évoluer les sanctions et d'améliorer concrètement la protection des victimes, quitte à laisser de côté, c'est vrai, une part d'émotion. Notre rôle ici n'est pas de redéfinir ce qu'est le crime contre l'humanité, qui relève d'un statut international. Cela risquerait de nous revenir « en boomerang » dans la figure.