Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, nous avons largement débattu de ce texte qui revient en dernière lecture à l'Assemblée nationale, après une commission mixte paritaire dont nous avons dit tout le mérite qui vous en revient, car elle est devenue conclusive.
Député depuis des décennies, vous avez su convaincre, je crois, les sénateurs de la nécessité de maintenir dans le texte l'ouverture vers des listes transnationales, prévue à l'article 7, mesure non normative que les sénateurs, comme on pouvait s'y attendre, ne voyaient pas la nécessité d'inscrire dans le texte, dès lors qu'elle n'aurait pas d'application concrète. Cette mesure signe toutefois une voie vers un nouveau modèle européen qui se construit dès la campagne électorale commune avec nos partenaires, et non dans des couloirs nationaux, chacun des États se lançant dans sa propre course. C'est précisément parce que le Parlement européen a rejeté à une très forte majorité ces listes transnationales que nous devons marquer notre volonté de travailler le champ européen de manière inclusive.
Je reviendrai très brièvement sur le fond du texte.
Force est de constater que les députés européens n'ont jusqu'à présent jamais joué la carte de la proximité en France, alors que les huit circonscriptions mises en place les y invitaient. Pas de travail explicatif auprès des citoyens, pas de travail en commun avec les députés nationaux : c'est un comportement préjudiciable à la démocratie que favorise, comme nous le constatons tous, le scrutin de listes.
Les partis politiques ont majoritairement plébiscité le retour à la circonscription unique, sans doute parce qu'il leur est plus favorable – ou, à en croire les calculettes, moins pire – et leur permettra de nommer les candidats du réseau et les recalés des élections précédentes, sans avoir à gérer huit listes plus contraignantes.
Cela dit, le retour à la circonscription unique s'inscrit aussi, très logiquement, dans la démarche visant à rassembler davantage les enjeux européens au coeur de la campagne électorale et constitue un nouveau pas vers des listes transnationales, qui, nous l'espérons, feront émerger demain le dèmos européen.
Ce choix d'une circonscription unique nous rapproche du modèle majoritaire en Europe. L'Allemagne dispose d'un scrutin mixte dont le groupe Nouvelle Gauche s'est inspiré en défendant des amendements de mixité proposant de créer pour l'outre-mer une circonscription électorale spécifique qui garantisse la présence de députés ultramarins au Parlement européen. Les principes d'indivisibilité et d'unicité de la République ne sont pas méconnus. Rien n'interdisait non plus, au niveau de l'Hexagone comme à celui de l'outre-mer, d'introduire cette garantie de représentativité des territoires dans les listes nationales.
Nous n'appartenons pas au monde des bâtisseurs de murs et de frontières, mais bien à celui qui cherche une nouvelle voie pour l'Europe, un nouveau progrès social et environnemental, avec de nouvelles exigences, en particulier pour ceux qui en ont moins. Mais il faut que les particularités des territoires trouvent leurs expressions pour se reconnaître dans l'Europe que nous voulons construire. Comme l'a très bien dit M. Bru, c'est désormais aux partis de se saisir de cet enjeu.
En raison de votre refus d'apporter quelque garantie que ce soit à cette représentation territoriale, en particulier à celle des ultramarins, le groupe Nouvelle Gauche a décidé, dans sa grande majorité, de s'abstenir sur ce texte. Pour ma part, l'espoir que fait vivre la liste transnationale me fera le soutenir, à titre personnel.
Mes dernières réflexions, marginales, ont néanmoins trait aux élections.
Se rapprocher du modèle majoritaire en Europe est un argument souvent développé sur les bancs de la majorité, sur le présent texte comme sur d'autres, et nous y souscrivons pleinement. C'est une façon intelligente et pragmatique de construire cette nouvelle Europe. Mais que ne faisons-nous de même pour la révision constitutionnelle à venir ! Je succombe – pardonnez-le moi – à la tentation de rappeler que tous les États de l'Union européenne ont des parlements assurant une représentativité importante, qui permet aux députés nationaux de mener ce travail de proximité et d'explication auprès des citoyens. Après la réforme en cours, la France sera un État à part en Europe : nous serons les derniers de la classe pour ce qui est de la représentativité. L'idéal que nous dessinons avec les listes transnationales exige le maintien de l'équilibre des pouvoirs au coeur de notre démocratie, avec une Assemblée nationale forte – donc représentative en nombre – , avec des représentants du peuple capables de relayer l'action politique et de faire participer les citoyens à la nécessaire révolution européenne.
Ces questions, européennes aujourd'hui et nationales demain, qui doivent passionner les citoyens, auraient dû – c'est ma seconde réflexion – trouver leur place dans un grand débat public organisé préalablement par le Gouvernement, qui aurait ainsi montré son exigence de démocratie politique dans toutes les directions, européennes et nationales.