Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 21h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Ce débat est très intéressant : il s'agit finalement de choisir la meilleure stratégie pour aller vers davantage d'emplois en CDI, ce contrat étant évidemment la norme la plus souhaitable – un CDI n'étant pas synonyme d'emploi à vie dans la même entreprise, mais signifiant une plus grande sécurisation du parcours professionnel.

L'absence actuelle de dispositions sur ce sujet, hors du secteur du bâtiment, empêche dans certains cas le passage de l'emploi précaire à l'emploi en CDI. Je prends l'exemple du chantier de construction de Saint-Nazaire, où un projet de construction navale, qui aurait permis d'embaucher de nombreux demandeurs d'emplois ou personnes en emploi extrêmement précaire, n'a pas pu aboutir – malgré l'accord des partenaires sociaux. Dans ce cas, le contrat de chantier aurait permis d'accéder à un nouveau marché et ainsi de sortir de nombreux salariés de la précarité.

L'OCDE a pointé la difficulté, en France, à accéder au CDI, notamment pour les jeunes. Or le CDI est une référence pour accéder au logement, à l'emprunt bancaire… L'autonomie est liée au type de contrat de travail bien plus qu'au niveau de rémunération. Je ne sais pas comment le code du travail pourrait remédier à cette situation. En revanche, tout ce qui permettra à des salariés de sortir du chômage ou de l'enchaînement des CDD va dans le bon sens.

Je comprends bien sûr votre inquiétude : il ne faut pas que le CDI de chantier devienne la norme. C'est le contraire de ce que nous recherchons ! C'est pour cette raison que nous n'avons pas ouvert la possibilité d'extension de tels contrats au niveau de l'entreprise, mais au niveau de la branche : connaissant bien, comme vous, les partenaires sociaux, je doute fort qu'ils accepteraient la création d'un CDI d'opération si un tel contrat n'améliorait pas, bien sûr, la capacité des entreprises à accéder à un certain nombre de marchés, mais évidemment aussi s'il ne permettait la sortie de situations précaires de nombreux salariés.

Il faut bien dire aussi que l'on rencontre sur le terrain de nombreuses situations de multiplication de CDD, avec la même personne, un intérimaire étant employé pendant le délai de carence… Ce n'est pourtant ni l'intérêt de l'entreprise – en termes de maintiens de compétences – ni certainement des salariés.

Le numérique est, vous avez raison, madame Bareigts, un bon candidat. L'accord Syntec est intéressant, et ce n'est pas un hasard, car le secteur numérique fonctionne déjà suivant cette logique.

Il serait sans doute bon que les jeunes entreprises innovantes puissent accéder à ce dispositif, mais il faudra qu'elles soient rattachées à un accord de branche. Je suis sûre que les branches se saisiront de cette possibilité. L'intérêt de l'entreprise qui a déjà employé une personne en CDI de chantier est de continuer à employer la même personne, qu'elle a commencé à former – le droit à la formation existe pour les CDD, mais on ne raisonne pas de la même façon. Former des salariés en CDI, c'est créer les compétences de demain dans l'entreprise : c'est un cercle vertueux qui s'enclenche. C'est pourquoi le CDI de projet peut être excellent pour les salariés comme pour les entreprises ; il doit être équilibré, et c'est pour cela que nous pensons que cette compétence doit être attribuée aux branches et à elles seules.

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