Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Prestation de compensation du handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « exclusion », « maltraitance », « invisibilité », « manque de perspectives » : ce sont les mots qui, souvent, peuvent décrire la condition des personnes en situation de handicap dans notre pays.

Que ce soit dès la naissance, à la suite d'accidents ou en raison de maladies invalidantes, près de 12 millions de personnes sont confrontées chaque jour à un quotidien difficile, dans une France qui, il faut bien le dire, fait partie des mauvais élèves en ce qui concerne le respect de leurs droits. Notre pays est d'ailleurs régulièrement montré du doigt par les instances internationales en raison de violations répétées des accords internationaux sur le handicap – ce fut le cas, par exemple, en 2014 à propos du non-respect du droit des autistes à être scolarisés dans des établissements ordinaires. Il y a quelques jours encore, deux organisations non gouvernementales ont annoncé leur intention de saisir le comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe en portant une réclamation collective pour non-respect de la Charte sociale européenne.

Selon l'Organisation des Nations unies, « le handicap résulte de l'interaction entre des personnes présentant des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables et des barrières comportementales et environnementales ». Ce sont ces barrières qui font obstacle à la participation pleine et effective de ces personnes à la société, et non l'inverse. À l'aune de cette définition, le handicap n'est donc pas une caractéristique des individus, mais il résulte d'une interaction entre ces personnes et leur environnement.

La responsabilité de l'adaptation n'incombe pas aux personnes en situation de handicap et nous ne devons pas réduire cette question à une affaire privée. Les enjeux sont ceux du respect de la dignité, de la liberté et de l'égalité. C'est à la collectivité de s'adapter pour permettre à chacune et à chacun d'y prendre la place qui est la sienne.

L'aide apportée aux personnes concernées n'est aucunement de la charité. Il s'agit de solidarité, terreau sur lequel notre République sociale est fondée : chacun donne en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins. C'est cette République sociale qui a permis la mise en place de plusieurs prestations destinées à compenser la perte de revenus en raison du handicap. Parmi elles, la prestation de compensation du handicap est une aide destinée à financer certaines dépenses liées au handicap, telles qu'une aide au quotidien, l'aménagement du logement ou l'achat d'un véhicule adapté. En 2017, 335 000 personnes ont bénéficié de cette prestation progressive et versée sous conditions de ressources.

Le groupe La France insoumise est favorable à cette proposition de loi. Elle vise, d'une part, à supprimer la barrière des soixante-quinze ans, âge avant lequel la demande de prestation de compensation du handicap doit être déposée, faute de quoi l'on ne peut jamais percevoir cette aide, et, d'autre part, à autoriser les départements à expérimenter des actions pour limiter le reste à charge des bénéficiaires.

Toutefois, nous n'oublions pas que cette aide peut être menacée par la baisse des dotations aux départements. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur ces diminutions et continue, au contraire, d'aggraver la situation en pratiquant des coups de rabot sur le budget des collectivités territoriales. Nous le déplorons. Les dotations ont déjà diminué de 5 milliards d'euros à l'occasion du vote du premier texte budgétaire de cette majorité ; sur l'ensemble du quinquennat, ce sont près de 10 milliards d'euros qui devront ainsi être économisés. Le Gouvernement poursuit en ce sens les politiques « austéritaires » conduites sous les quinquennats précédents, alors que nous voyons clairement leurs effets néfastes, a fortiori sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui et sur les personnes les plus fragiles.

Selon nous, le versement de ces prestations ne doit plus relever de départements exsangues. Cette attribution de compétence accroît les inégalités territoriales, puisqu'un citoyen peut ne pas bénéficier du même accompagnement suivant l'endroit où il habite. Le handicap, lui, ne connaît pas les frontières administratives – vous le savez bien, mes chers collègues. Nous serions favorables à un versement direct de cette aide par l'État, afin d'assurer l'égalité de traitement sur tout le territoire national.

Nous avons souhaité déposer plusieurs amendements pour améliorer ce texte et répondre encore mieux aux attentes des personnes en situation de handicap.

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».

À cet égard, la timide revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés est très largement insuffisante : alors que 400 000 euros ont été offerts dès cette année et sans contrepartie aux 1 000 plus gros contributeurs à l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – , quelques dizaines d'euros seulement seront attribuées sur deux ans, à compter de l'année prochaine, aux personnes en situation de handicap.

Une allocation aux adultes handicapés de 900 euros par mois est bien inférieure aux besoins réels de ses bénéficiaires. Nous souhaitons sa revalorisation pour atteindre le niveau du SMIC. Notre premier amendement demande donc au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant le coût d'une telle augmentation de l'allocation aux adultes handicapées, qui serait portée au niveau du SMIC. C'est l'une des premières mesures que nous prendrions si les Français nous donnaient leur confiance dans le cadre des élections présidentielles et législatives.

Notre second amendement aurait consisté à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul du montant de l'allocation aux adultes handicapés, versée à 1 million de personnes. Nous voulons en effet revenir sur la décision prise par le Gouvernement, qui avait privé plusieurs dizaines de milliers de personnes de cette allocation alors qu'elles en bénéficiaient jusqu'alors.

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