Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Prestation de compensation du handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner une proposition de loi du groupe du Mouvement démocrate et apparentés visant à améliorer les conditions d'attribution de la prestation de compensation du handicap et – je veux vous le dire d'emblée – le groupe Les Républicains sera favorable à cette proposition.

L'objectif de cette prestation, créée par la loi du 11 février 2005, est de compenser au maximum par la solidarité nationale les dépenses supplémentaires engendrées par le handicap. Cette prestation est certes juste, mais constatons, treize années après sa mise en place, qu'elle connaît certaines limites, que votre proposition entend corriger – du moins en partie.

Deux mesures principales nous sont proposées. Il s'agit, en premier lieu, de la fin de la limite d'âge de soixante-quinze ans, au-delà de laquelle le bénéfice de la prestation de compensation du handicap est refusé au demandeur, même si sa situation de handicap a été reconnue avant soixante ans, dès lors qu'il n'en a fait la demande qu'après ses soixante-quinze ans.

En second lieu, votre texte nous propose la mise en place, dans plusieurs départements, d'une expérimentation visant à réduire le reste à charge des personnes en situation de handicap. Ces deux objectifs vont dans le sens d'une meilleure compensation du handicap et d'une amélioration de la qualité de vie des personnes en situation de handicap.

Votre première proposition, monsieur le rapporteur, se fonde sur un constat que nous partageons tous : nos aînés vivent de plus en plus vieux et, dans des proportions encore plus importantes, la part de la population française en situation de handicap vieillit également. Les besoins liés au handicap évoluent avec le vieillissement des personnes. Notre devoir est de faire en sorte que la solidarité nationale assume ces besoins.

Or la prestation de compensation du handicap connaît aujourd'hui deux limites d'âge. La première, fixée à soixante ans, est de portée générale, c'est-à-dire qu'elle s'applique à tous : la demande du bénéfice de la PCH doit être formulée avant soixante ans. Il s'agissait, au moment de la création de cette prestation, d'exclure de son bénéfice le handicap qui surviendrait du fait du vieillissement de la population. Nous convenons tous, me semble-t-il, qu'il faudra revenir sur cette limite.

La seconde limite d'âge – celle que vise votre proposition – est une limite par dérogation. Elle permet en effet à une personne dont le handicap serait survenu avant ses soixante ans de demander l'octroi de la prestation de compensation du handicap postérieurement à cette date, mais avant l'âge de soixante-quinze ans, dans deux situations : si elle remplissait les conditions pour percevoir la prestation de compensation du handicap avant soixante ans, auquel cas elle peut en demander le bénéfice jusqu'à ses soixante-quinze ans, ou si elle a plus de soixante ans et exerce toujours une activité professionnelle.

Cette limite de soixante-quinze ans ne peut plus se justifier aujourd'hui. En effet, de très nombreuses personnes en situation de handicap peuvent, pendant de très nombreuses années, ne pas percevoir le besoin d'une aide humaine extérieure à leur foyer et ne pas solliciter le bénéfice de la PCH, mais, du fait du vieillissement du conjoint ou suite à son décès, le besoin d'une aide humaine peut se faire ressentir, comme vous l'avez du reste très bien dit, monsieur le rapporteur. Dans un tel contexte, la limite de soixante-quinze ans apparaît comme totalement arbitraire et lèse un grand nombre de personnes en situation de handicap. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation dans laquelle, parce qu'une personne n'a pas usé de la solidarité nationale avant un certain âge, elle serait empêchée d'y avoir accès le jour où elle en a véritablement besoin.

C'est parce que nous n'acceptons pas cette situation et que nous sommes convaincus que le handicap, quel qu'il soit, doit être compensé à hauteur de ce qu'il représente pour les personnes concernées et pour leur entourage, que le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

L'article 2 du texte vise à combler un autre manque de la loi du 11 février 2005, révélé par la pratique des treize dernières années : la question du reste à charge pour les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap. En effet, l'alinéa 2 de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit expressément que le reste à charge ne peut excéder 10 % des ressources nettes d'impôts du bénéficiaire de la PCH. Or, aujourd'hui, en raison notamment des limites des fonds départementaux de compensation du handicap, cette limite de 10 % n'est quasiment jamais atteinte.

C'est la raison pour laquelle vous nous proposez d'organiser une expérimentation sur trois ans dans des départements volontaires – Mme la secrétaire d'État nous a dit qu'il y en avait – , afin d'évaluer la faisabilité d'un dispositif garantissant un niveau de reste à charge maximal tant pour les maisons départementales des personnes handicapées que pour les principaux financeurs du fonds de compensation du handicap. Nous sommes, bien sûr, favorables à une telle expérimentation, même si elle peut poser quelques questions.

En effet, si la limite de 10 % n'est presque jamais atteinte, comme je vous le démontrais voilà quelques instants, c'est principalement parce que les finances des départements ne sont pas extensibles à l'infini. Les fonds départementaux de compensation du handicap sont aujourd'hui financés par les départements et par une contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. À titre subsidiaire, les caisses d'allocations familiales et les conseils régionaux peuvent également abonder ces fonds.

En supprimant la limite d'âge de soixante-quinze ans et en cherchant, par voie d'expérimentation, à rendre plus effective la limite du reste à charge, la présente proposition de loi aura nécessairement sur les finances des conseils départementaux une influence non négligeable qui n'est, pour le moment, pas compensée, du moins pas pour ce qui concerne l'expérimentation proposée à l'article 2.

Parce que nous sommes convaincus que la solidarité nationale doit assumer pleinement la prise en charge des personnes en situation de handicap, nous voterons cette proposition de loi. Mais nous serons particulièrement vigilants sur son évaluation et sur l'extension des solutions qui pourraient suivre cette expérimentation sur l'ensemble du territoire, afin de limiter son impact sur les finances des conseils départementaux et afin de ne pas les mettre davantage en difficulté. Leur situation, vous le savez, madame la secrétaire d'État, est déjà suffisamment compliquée.

Nous serons particulièrement vigilants aussi sur les capacités des maisons départementales des personnes handicapées à se montrer plus réactives dans l'attribution des prestations. En commission des affaires sociales, vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, que, dans votre département, les choses fonctionnent très bien. Je m'en réjouis, bien sûr, mais ce n'est pas le cas de toutes les maisons départementales du handicap : les délais d'instruction des dossiers des personnes en situation de handicap demeurent souvent trop longs et trop fastidieux. À ce sujet, j'attends avec impatience les propositions de notre collègue Adrien Taquet : il doit prochainement vous remettre, madame la secrétaire d'État, un rapport qui, je l'espère, sera le début d'un grand nombre de mesures de simplification de toutes ces procédures.

Madame la secrétaire d'État, vous nous trouverez toujours à vos côtés chaque fois qu'il s'agira de mieux soutenir les personnes en situation de handicap qui en ont besoin. Je pense à tous ces jeunes enfants sans solution d'accueil dans des établissements adaptés à leur situation. Je pense à leurs parents, à qui ils sont totalement confiés et qui, souvent, doivent arrêter de travailler pour pouvoir assumer la charge de leur enfant : leur désarroi est aujourd'hui très grand, comme vous le savez, madame la secrétaire d'État.

Je pense à ces adultes en situation de handicap, à ceux qui ne parviennent pas à trouver leur place dans cette société inclusive que vous défendez et que j'approuve. Je pense aux personnes handicapées vieillissantes, auxquelles nous devons assurer une retraite paisible et une fin de vie digne. Je pense à cette capacité que nous devons donner aux personnes en situation de handicap de se déplacer et de vivre en toute autonomie dans notre pays : elles doivent pouvoir, comme tout citoyen, profiter de cette qualité de vie à laquelle nous aspirons tous, comme le prévoit d'ailleurs la loi de 2005 – je veux rendre hommage à ses auteurs.

Je pense aussi à tous ceux qui entourent ces personnes en situation de handicap, pour lesquels il reste tant à faire : ce sont les aidants, dont nous parlons souvent au sein de notre commission des affaires sociales, et pour lesquels il nous faudra bien finir par trouver une solution de compensation. J'attends d'ailleurs que les propositions de notre collègue Dharréville reviennent à l'ordre du jour de la commission des affaires sociales.

Je pense à la recherche médicale et à tous ces chercheurs qui multiplient les efforts pour prévenir les handicaps, notamment ceux des enfants ou de ceux qui vont naître, diminuer les risques et les conséquences de tous les handicaps. Madame la secrétaire d'État, je sais que vous en êtes consciente et j'approuve les mesures que vous nous avez présentées pour les enfants, mais aussi pour les adultes autistes. Je suivrai avec une attention particulière leur évolution. J'apprécie aussi toutes les mesures d'amélioration des moyens des personnes en situation de handicap, comme votre proposition, monsieur le rapporteur, ou encore l'augmentation prévue au 1er novembre prochain de l'allocation aux adultes handicapés.

Mais c'est pour moi aussi l'occasion de vous interroger une nouvelle fois sur une question que je vous ai déjà posée mais pour laquelle je considère que je n'ai pas obtenu de réponse : qu'en sera-t-il du montant du plafond pour les couples ? S'il n'est pas augmenté, il risque d'exclure ou de mettre en difficulté de nombreuses personnes qui perdront totalement ou en partie le bénéfice de cette allocation, alors qu'elles en ont grandement besoin.

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