Intervention de Samuel Valero

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) :

Je vous remercie de donner la possibilité aux jeunes médecins de s'exprimer sur ces problématiques, importantes pour l'ensemble de nos concitoyens, et qui rejoignent les débats qui ont cours au sein des syndicats des étudiants.

La problématique de l'accès aux soins est primordiale. S'agissant du ressenti de la population, celui-ci s'aggrave de jour en jour, même si les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) ou de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), dont vous avez reçu les représentants, ne le reflètent pas. Des solutions doivent donc être trouvées pour pallier à la fois ce ressenti négatif et les situations existantes dans certains territoires.

Une grande partie des problèmes concerne l'installation des médecins et, de fait, l'accès aux soins dans l'ensemble du territoire. Cette question peut être résolue, dans un premier temps, par une modification en profondeur de la formation initiale, très hospitalo-centrée, très hospitalo-universitaire, et manquant d'ouverture sur les autres formes d'exercice de la médecine.

La sélection en première année est très scientifique, insuffisamment orientée vers les sciences fondamentales, le numérique et les autres matières indispensables à une bonne pratique de la médecine ; il convient donc de réformer cette première année en profondeur. S'ajoute à cela, toujours en première année, un problème démographique lié aux études communes de santé. Diversifier le profil des médecins permettrait, selon nous, une installation des praticiens dans des territoires plus diversifiés.

Cet hospitalo-centrisme régit toutes les étapes de nos études, qui se déroulent uniquement en centre hospitalier universitaire (CHU). Certains étudiants peuvent, en effet, réaliser la totalité de leur cursus – de neuf à douze années – sans jamais connaître l'exercice libéral, malgré l'obligation légale, depuis 2009, d'y effectuer des stages de médecine générale – une obligation non suivie par l'ensemble des unités de formation et de recherche (UFR).

Le taux de passage en médecine générale est stagnant depuis quelques années. La pénurie de maîtres de stage des universités (MSU) en médecine générale empêche les étudiants de découvrir la médecine générale, de sorte que des fantasmes s'installent à propos de cette spécialité : elle serait compliquée et comporterait un poids administratif trop lourd. Autant d'a priori qu'on ne prend jamais la peine de déconstruire durant nos études.

En outre, nos enseignants nous expliquent, tout au long desdites études, que la seule expérience qui vaille est hospitalo-universitaire et que la médecine générale n'est pas vraiment une spécialité. Tout récemment, quand un membre de mon bureau, qui doit passer ses épreuves classantes nationales (ECN) d'ici à un mois et demi, et donc choisir son poste d'interne, a dit à l'un de ses chefs, pendant une garde, qu'il souhaitait s'orienter vers la médecine générale, ce dernier lui a répondu qu'il avait encore le temps de choisir et qu'il ne s'agissait pas d'une vraie spécialité – une opinion encore bien trop répandue.

Nous formulerons plusieurs propositions sur ce sujet. Il serait tout d'abord nécessaire de mettre en place des stages ambulatoires – en médecine générale comme dans les autres spécialités. Les textes le permettent, mais actuellement, aucun stage de médecine générale ne se fait en médecine libérale – excepté à Bordeaux, me semble-t-il. Ils ne sont effectués qu'en CHU. En outre, très peu de stages sont proposés dans les centres hospitaliers (CH) périphériques, pourtant très formateurs. Des études démontrent pourtant qu'on y trouve un meilleur encadrement et un taux plus élevé de médecins par étudiant.

Toutes ces lacunes empêchent les étudiants de découvrir les territoires. Ils restent dans les villes hébergeant une UFR. Et quand ils se déplacent pour effectuer leur stage, ils sont mal accueillis : manque de logements, pas d'indemnités de déplacement pour des stages pourtant obligatoires. Cela fait qu'ils n'ont pas envie d'y retourner. Nous disposons de nombreux témoignages d'internes qui, dans certains CH périphériques, sont livrés à eux-mêmes pour assurer des missions de soins, alors qu'ils sont toujours étudiants.

Ensuite, une question récurrente se pose durant nos études : comment construire un projet professionnel puisque, jusqu'aux ECN, à la fin de la sixième année, les étudiants ne savent pas où ils iront faire leur internat ? Il nous est en effet impossible, avant les résultats, de nous projeter. Une réforme en profondeur des études du deuxième cycle est donc nécessaire, telle qu'elle est proposée par le rapport de la mission confiée à Quentin Hennion-Imbault, vice-président de l'ANEMF, et au doyen Jean-Luc Dubois-Randé.

S'il était donné suite à ce rapport, ce serait un premier pas vers une possibilité, non seulement pour les étudiants de construire un projet professionnel, mais d'ouvrir les études à la médecine générale et, de fait, d'assurer une meilleure répartition des étudiants sur le territoire.

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