Intervention de Maxence Pithon

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) :

Un certain nombre de mesures ont déjà été mises en place depuis quelques années, et il nous semble nécessaire aujourd'hui d'évaluer leurs effets à court et long terme, afin de prioriser celles qui fonctionnent et, éventuellement, réaménager celles sur lesquelles nous sommes plus réservés.

Par exemple, le contrat d'engagement de service public (CESP) existe depuis 2011 ou 2012 et arrive à maturité ; il serait temps de mener une étude sur ce dispositif pour en identifier les limites et l'améliorer.

D'autres mesures sont trop récentes pour être évaluées. Je pense aux aides contenues dans la convention de 2016, et notamment celles qui dépendent des zonages des agences régionales de santé (ARS). Ces aides qui n'ont pas encore été mises en place retardent certains projets d'installation.

Les grands axes que nous souhaitons aborder aujourd'hui concernent la découverte des territoires pendant la formation initiale et l'amélioration de leur attractivité. Cela passe par différentes mesures.

D'abord, développer les stages extra-hospitaliers. La réforme du troisième cycle a été mise en place en novembre 2017. Depuis, nous notons déjà une augmentation de 500 maîtres de stage des universités. Cette dynamique doit être poursuivie sans affecter la qualité de notre formation.

Le jeune médecin s'installerait dans l'un des lieux qu'il connaît ou qu'il a découverts pendant ses stages ambulatoires, notamment dans des bassins de vie où l'offre de soins est faible. C'est l'occasion de casser les préjugés des étudiants sur ces zones, de leur faire découvrir une patientèle, un mode d'exercice, une pratique, et de les aider à se projeter dans un avenir professionnel dans un territoire donné. Par ce biais, l'interne apprendrait son futur métier, les spécificités de la médecine générale et le travail en équipe de soins primaires.

Pour développer ces stages en ambulatoire, il convient d'optimiser les conditions d'accueil. Les internes sont de jeunes adultes qui doivent, tous les six mois, changer de lieu de stage, donc de lieu de vie. Pour ce faire, il est primordial que les territoires soient attractifs et que leur accès soit facilité. Cela passe par des aides logistiques, notamment pour trouver un logement. L'internat rural, lieu de vie partagé par des étudiants en santé dans un même territoire, est un format qui fonctionne bien. Il permet de rompre l'isolement social, de commencer à développer un réseau professionnel et de s'ancrer dans un territoire.

C'est un dispositif pour lequel les collectivités locales ont un rôle majeur à jouer. Elles pourraient, par exemple, proposer à l'étudiant des actions lui permettant de s'impliquer dans la vie locale – événements, temps d'accueil, etc.

L'accompagnement des internes et des jeunes diplômés est essentiel. L'exercice libéral ne les attire pas spontanément, n'y étant pas confrontés pendant leurs études, et les démarches administratives s'y rattachant leur paraissent souvent complexes, tandis que le salariat peut leur assurer un revenu régulier et un cadre rassurant, sans démarches particulières à effectuer.

En effet, à aucun moment de nos études, nous ne sommes formés à la gestion d'un cabinet. Et si des cours sur ce sujet sont prévus, ils ne représentent que quelques heures sur les trois ans d'internat de médecine générale. Les associations locales d'internes et les syndicats locaux organisent des événements pour tenter de pallier ce manque de formation. Mais nous pouvons espérer un meilleur investissement de nos universités sur cette question.

L'accompagnement de l'étudiant dans son projet professionnel, à la fin de son cursus, est également nécessaire. Si le département de l'Aveyron est souvent cité en exemple, c'est parce qu'il a mis en place un référent départemental ayant pour mission de suivre les internes en fin de cursus et de les accompagner dans leur projet professionnel en les aidant dans leurs démarches – notamment pour trouver un lieu d'habitation. Il y a moins de dix ans, l'Aveyron était l'un des départements les moins bien dotés en généralistes ; aujourd'hui, le nombre d'inscriptions à l'Ordre des médecins est supérieur au nombre de départs à la retraite. Sous réserve du nouveau zonage, qui devrait rester à peu près stable dans ce département, il ne reste qu'un seul lieu d'exercice éligible au CESP – les autres zones étant considérées comme pourvues.

Il convient, par ailleurs, de favoriser le regroupement des professionnels – le travail en inter-professionnalité – et de développer les nouveaux modes d'exercice. Le développement des maisons de santé pluri professionnelles (MSP) répond à une volonté des jeunes médecins, qui sont prêts à s'installer en zone dite sous-dense, de ne pas exercer seuls.

Cette tendance a été objectivée dans une enquête que nous avons menée à l'ISNAR-IMG, en 2011, et que nous sommes en train de mettre à jour. Mais cette volonté de regroupement doit être portée par les professionnels autour d'un projet de santé qui doit ensuite être soutenu par les collectivités locales.

La MSP n'est pas le seul mode de regroupement possible et il serait intéressant de communiquer sur toutes les possibilités existantes, afin que chaque professionnel puisse facilement trouver la formule qui lui correspond le mieux.

Pour cela, une approche globale est nécessaire. Nous ne devons pas agir uniquement sur un seul levier. C'est vraiment en agissant sur tous les leviers existants, dès le début de notre formation, et jusqu'à notre installation, que nous arriverons à améliorer qualitativement le maillage de l'offre de soins.

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