Je suis très heureux d'être devant vous cet après-midi car le sujet est extrêmement important. Il se rattache plus largement à la question de l'égalité entre les filles et les garçons, puis entre les femmes et les hommes.
C'est une thématique fondamentale : elle dit quelque chose de la société dans laquelle nous voulons vivre. Nous pouvons d'ailleurs la rattacher à la devise républicaine. Dans une société de liberté, chacun construit une vie émancipée des préjugés, des stéréotypes, des injonctions. L'éducation, c'est cette route vers la liberté. Qu'est-ce que l'égalité entre les filles et les garçons ? Ce sont les outils que l'on transmet aux enfants et aux adolescents pour leur permettre de s'émanciper.
Nous souhaitons également une société égalitaire, où les déterminismes sociaux, territoriaux et de sexe pèsent le moins possible. C'est le coeur du combat républicain et de l'école de la République.
Enfin, nous voulons une société de fraternité, solidaire, où l'on se respecte et où, bien entendu, on respecte les femmes, comme on respecte les hommes ; une société où les rapports entre les femmes et les hommes sont sereins.
La façon dont nous parlons d'égalité entre les hommes et les femmes est très importante, y compris sur un plan international. Pour avoir vécu dans les pays anglo-saxons, je peux en attester.
Pour atteindre ces idéaux, nous devons veiller à combattre les racines du sexisme. Je le répète, la relation entre les femmes et les sciences est fortement corrélée à celle de l'égalité femmes-hommes. C'est un combat éducatif qui nous implique tous : nous devons le gagner sur la violence du quotidien, mais aussi sur les représentations perverties du sujet. En effet, si nous n'y prenons pas garde, c'est un dissolvant de la société. Nous devons également être attentifs à la problématique de la violence, même si elle n'est pas au coeur du sujet de cette audition. Un grand hebdomadaire y consacre actuellement sa « une », je ne peux pas ne pas y faire référence. Enfin, nous devons être attentifs à l'orientation.
Le 8 mars dernier, à l'occasion du comité interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes, le Premier ministre a défini des objectifs chiffrés : 40 % de filles dans les filières scientifiques de l'enseignement supérieur d'ici à 2020, 30 à 50 % de femmes bénéficiaires des formations proposées par la grande école du numérique pour favoriser l'employabilité des femmes dans ce secteur. La mixité dans les secteurs d'avenir est un enjeu individuel et sociétal, voire social. Elle se joue dès aujourd'hui à l'école : nous le savons bien, les différences d'orientation entre les filles et les garçons ont des conséquences sur leur insertion dans l'emploi et sur les inégalités professionnelles et salariales.
Il est donc indispensable de mieux accompagner les élèves dans leurs choix d'orientation pour s'assurer que ces derniers ne sont pas dictés par des représentations erronées, mais bien par le talent et par l'envie. C'est le sens du grand chantier de l'orientation que nous avons ouvert, notamment dans le cadre du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel porté par Muriel Pénicaud, auquel je contribue.
Ces évolutions auront un impact sur l'orientation : le temps qui y sera consacré sera beaucoup plus important pour les élèves du lycée mais aussi pour ceux du collège. L'amélioration de l'information et de l'accompagnement des élèves et de leurs familles va constituer un axe fort de la mise en place du nouveau lycée et de la plateforme Parcoursup d'accès à l'enseignement supérieur.
Ces deux réformes créent des dispositifs nouveaux qui permettront aux lycéens de formuler des choix d'orientation libres et plus éclairés : les attendus et les débouchés professionnels sont désormais clairs. Cela contribuera à supprimer les inhibitions des élèves qui ont suffisamment de talent pour suivre telle ou telle filière.
De plus, les grands principes de la rénovation de la formation professionnelle – sujet que connaît bien Mme Calvez qui vient de rendre un rapport conjoint avec Régis Marcon sur la question – seront annoncés à la fin de ce mois et prendront pleinement en compte la valorisation auprès des filles de certaines filières dans lesquelles la mixité fait défaut : la plasturgie, le travail du bois, la mécanique ou l'électronique comptent moins de 10 % de filles ! À l'inverse, les filles représentent 93 % des effectifs des filières coiffure ou esthétique et 89 % de ceux des filières sanitaires et sociales…
Avec l'aide de nos partenaires – notamment les régions, amenées à jouer un rôle de plus en plus important en matière d'orientation –, nous allons renforcer l'information des élèves, faire évoluer notre stratégie de communication sur les filières dans lesquelles les filles ne sont pas assez représentées, en luttant contre les préjugés, dans un sens comme dans l'autre.
Il est important de noter que les résultats des filles dans le domaine scientifique sont bons, voire très bons. Ils sont, surtout, supérieurs à ceux des garçons. La problématique n'est donc pas celle du niveau scientifique ou de la présence des filles dans les filières scientifiques au collège et au lycée, mais plutôt celle de la poursuite de leurs études conformément à leurs légitimes ambitions. Les informations transmises dans le cadre de l'orientation au collège et au lycée sont importantes, mais nous devons également évaluer dans quelle mesure la réforme du baccalauréat et du lycée va permettre une plus grande expression de cette ambition. La suppression des séries et la possibilité de choisir des disciplines peuvent considérablement contribuer à l'amélioration de la situation. En effet, actuellement, la série L est très féminine et la série S plus masculine. Demain, les élèves choisiront des spécialités en fonction de leurs goûts et de leurs aptitudes.
Nous accompagnerons cette amélioration par des campagnes d'information – dont je viens de parler – mais également par l'incitation à poursuivre des études scientifiques post-bac si l'on a suivi des spécialités scientifiques avant le bac. En préparant le baccalauréat, on se préparera aussi à réussir après le baccalauréat. À l'inverse, actuellement, de nombreuses filles suivent des filières scientifiques avant le bac, réussissent, mais font ensuite des études non scientifiques… Soit elles ne voulaient pas suivre d'études scientifiques et il était inutile qu'elles s'orientent vers la filière S, soit elles le souhaitaient et nous devons veiller à ce que ce souhait se retrouve dans leurs choix de spécialités scientifiques post-bac.
Nous devons aussi être particulièrement attentifs à l'enjeu du numérique auquel vous avez fait référence. Le Président de la République et le Premier ministre ont pris un engagement, celui de la création de la grande école du numérique. Mais nous nous penchons également sur les voies professionnelle, générale et technologique.
Le numérique sera de plus en plus présent en lycée professionnel. Cent onze lycées professionnels expérimentent actuellement un dispositif intitulé ProFan, dont la mise en oeuvre et le financement s'inscrivent dans le cadre général de l'action « Innovation numérique pour l'excellence éducative » du programme d'investissements d'avenir. Ce dispositif permettra de positionner les lycées professionnels à la pointe des compétences numériques d'avenir. En incitant les filles qui s'orientent vers l'enseignement professionnel à suivre ces enseignements numériques, nous les aiderons à s'orienter vers les métiers du numérique de niveau baccalauréat professionnel, mais également à poursuivre des études dans le domaine du numérique, jusqu'au titre d'ingénieur.
S'agissant de la voie générale et technologique, la réforme du lycée va conduire à l'émergence de disciplines de spécialité « Numérique », ce qui nous permettra également d'inciter les filles à s'orienter vers ces disciplines de spécialité.
Toutes ces réformes amélioreront la situation systémique et nous permettront de développer les actions volontaristes dont je viens de parler.
Pour conclure, inciter les filles à poursuivre des carrières scientifiques est un enjeu qui dépasse, nous le savons tous, la seule question de l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est un enjeu de société, qui dit ce que nous sommes, mais également un enjeu économique, car nous avons besoin de plus de scientifiques, d'ingénieurs, de professeurs et de chercheurs dans le domaine scientifique. Il s'agit d'enclencher des cercles vertueux de long terme.
Ces actions pourront être soutenues par des programmes de bourse et de prérecrutement. Les bourses devraient nous permettre d'accompagner des jeunes filles dans les études scientifiques dès le lycée, notamment quand elles sont issues de milieux sociaux défavorisés. Les programmes de prérecrutement nous permettraient de disposer de plus de jeunes filles se destinant à devenir professeur de mathématiques ou de sciences – dont nous avons besoin.
Le rapport de Cédric Villani sur l'intelligence artificielle va également nous être utile pour réformer le recrutement et la formation des professeurs.
Enfin, cette stratégie globale passe aussi par nos représentations et par les discours que nous tenons sur cette question. Vous pouvez compter sur moi, tant en actes qu'en discours.
Le 30/05/2019 à 14:59, Laïc1 a dit :
En plus égalitaire, ça rime dangereusement avec totalitaire.
Le 30/05/2019 à 14:13, Laïc1 a dit :
"Nous souhaitons également une société égalitaire, où les déterminismes sociaux, territoriaux et de sexe pèsent le moins possible. C'est le coeur du combat républicain et de l'école de la République."
Vous voulez une société où tout le monde est pareil ? Et quid du droit à la différence ? Entre la différence et l'égalité, il faudra bien choisir. Et si l'on sait que le droit à la différence, et donc à l'inégalité, est un des droits fondamentaux de la République, on voit bien que votre idéal de société égalitaire est vouée à l'échec dès le départ.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui