La première question posée par M. Viry concerne l'enseignement supérieur. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous travaillons en coordination avec Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur. Le phénomène dont vous parlez existe bel et bien. Il est parfois explicite, parfois implicite. L'amélioration de la situation passe par des logiques d'engagement des acteurs, avec des chartes ou des séminaires. En tant qu'ancien directeur de grande école, je me souviens par exemple de séminaires sur les salaires, d'initiatives pour favoriser l'entrepreneuriat chez les jeunes femmes, leurs compétences numériques, leur investissement personnel dans les start-up. Les structures doivent assumer ces sujets, mais elles peuvent y être poussées par l'État. La conférence des grandes écoles a pris des engagements en la matière qui gagneraient grandement à être confirmés, voire précisés. Le même travail pourrait être réalisé par la conférence des présidents d'université (CPU). Mais je ne veux pas m'exprimer à la place de Frédérique Vidal.
Je n'ai pas de données internationales sous les yeux, mais certains aspects du problème sont universels : la faiblesse des vocations scientifiques est un sujet mondial d'inquiétude. Il est aigu dans les pays occidentaux où un nombre insuffisant de jeunes se destine à des carrières scientifiques. En conséquence, un pays comme l'Inde est « exportateur » de cerveaux scientifiques aux États-Unis, mais également en Europe. Le sujet qui vous préoccupe nous renvoie plus largement à celui de la stimulation des vocations scientifiques dans le monde contemporain.
Les sciences sont aussi un outil dans la lutte contre les phénomènes de post-vérité. Tous ces sujets sont liés : un monde où l'appétit pour les études scientifiques est faible est également un monde où l'appétit pour la preuve, pour l'expérimentation, pour les faits corroborés s'affaiblit. C'est pourquoi l'enseignement de la rationalité, de la démonstration et des sciences est important dès l'école primaire.
La supériorité scolaire des filles sur les garçons en général, mais plus spécifiquement dans les matières scientifiques, est un deuxième phénomène assez universel. En guise de boutade, je dis souvent que si l'on compare les filles françaises aux garçons finlandais, la France se porte bien sur le plan scolaire. Mais ceci n'est pas vrai si l'on compare les garçons français aux filles finlandaises ! Dans le monde entier, cet écart existe, tout particulièrement au collège.
Nous devons être attentifs à ce phénomène. Il est certes au service de la cause dont nous parlons aujourd'hui : si les filles ont de meilleurs résultats dans les matières scientifiques à l'âge scolaire, c'est un atout pour poursuivre des carrières scientifiques. Pour autant, cette sorte de décrochage scolaire des garçons est un problème de société, qui peut être générateur de violences et de frustrations.
La France connaît par ailleurs des difficultés endémiques, corroborées par des statistiques que nous pourrons vous fournir ultérieurement. Par rapport aux pays d'Europe du Nord, elle connaît un fort taux de déperdition entre les filles ayant suivi des études scientifiques à l'âge scolaire et celles en suivant à l'université. Nous devons améliorer cette situation de manière volontariste – j'en ai déjà parlé –, par le biais de campagnes d'information, de bourses ou de prérecrutements.
Madame Calvez, vous avez abordé la problématique spécifique de la maternelle. Vous avez raison, les assises de l'école maternelle ont été l'occasion d'aborder les deux sujets : l'esprit scientifique à l'école maternelle et élémentaire – également évoqué par le rapport Villani – et les relations entre garçons et filles. Les deux sujets sont liés.
Dès l'école maternelle, nous devons favoriser la démarche inductive afin que les élèves soient plus attirés par les mathématiques et les disciplines scientifiques. Qu'est-ce que la démarche inductive ? À la maternelle, il s'agit d'aller du concret à l'abstrait, en utilisant des objets. C'est un des atouts de la pédagogie Montessori. À l'école élémentaire, nous souhaitons familiariser les enfants avec la démarche expérimentale. Des initiatives telles que « La Main à la pâte », promue par l'Académie des sciences, sont un succès. Elles existent depuis longtemps et doivent être encouragées, tout en s'appuyant sur les maisons des sciences à l'échelle régionale. Beaucoup ont déjà été créées et nous allons les renforcer, tout en incluant un volet « égalité » plus fort.
Mais la présence des sciences à l'école maternelle et élémentaire nous renvoie en préalable à la question de la formation des professeurs. Les professeurs du premier degré sont souvent des personnes ayant fait des études littéraires et ayant abandonné les mathématiques et les sciences assez tôt dans leur parcours scolaire. Cet état de fait doit profondément changer à moyen et long terme – ce à quoi nous nous attelons. Il faut que les professeurs d'école primaire soient sensibilisés à la démarche scientifique, tant au cours de leur formation initiale qu'au cours de leur formation continue.
En ce qui concerne l'égalité hommes-femmes, l'éducation nationale prévoit de plus en plus de journées de stage sur la lutte contre les discriminations. Il y en a eu plus de 24 000 de ce type en 2015-2016. Des séminaires nationaux sont également organisés sur le sujet et nous allons les renforcer. Si l'égalité hommes-femmes est bel et bien abordée lors des formations initiale et continue des professeurs, l'aspect qualitatif de ces formations importe également. Les bons sentiments n'ayant guère d'efficacité, nous devons faire en sorte que les professeurs s'engagent à traiter ces enjeux au travers de méthodes renouvelées. J'ai donc saisi l'inspection générale de l'éducation nationale sur la question de l'égalité hommes-femmes de façon à renforcer l'efficacité de la formation initiale et continue des futurs professeurs en ce domaine.
Le 30/05/2019 à 10:26, Laïc1 a dit :
"Il faut que les professeurs d'école primaire soient sensibilisés à la démarche scientifique, tant au cours de leur formation initiale qu'au cours de leur formation continue."
Parce que la pensée littéraire n'est pas une pensée scientifique ? Essayez donc de penser de manière incohérente, et donc non scientifique, et vous en verrez le résultat. C'est d'ailleurs ce qu'on appelle la philosophie : des mots assemblés sans cohérence scientifique, et au final le naufrage de la raison et de la pensée.
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