S'agissant des sorties scolaires, on a beau avoir, au sein de l'Éducation nationale, toute une série d'idées valables dans leur principe, leur accumulation rend parfois les choses ingérables. Je ne dis pas qu'il ne faille pas mener l'action que vous proposez, mais il faut éviter de bureaucratiser encore davantage le système et d'accumuler les messages, tous plus légitimes les uns que les autres, qu'on a envie de faire passer aux jeunes. Je me suis exprimé ces derniers temps sur l'accompagnement scolaire, mais se posent aussi les questions de la nature des sorties scolaires et du comportement des élèves à l'occasion de ces sorties. Dans les temps à venir, nous allons encourager leur développement, quitte à mieux préciser, peut-être, les règles du jeu. Je ne sais pas si cela nécessitera l'élaboration d'un cahier des charges, mais cela supposera certainement des évolutions. L'organisation de sorties scolaires soulève aussi des questions de moyens que l'on devra inévitablement traiter avec les collectivités locales.
Madame Genevard, j'ai déjà évoqué tout à l'heure le problème de la réussite des garçons qui, encore une fois, est mondial, et qui plaiderait plutôt en faveur d'une approche « genrée » de la réussite scolaire.
Je me garderai d'entrer dans le détail de ce que nous disent les sciences cognitives des aptitudes scientifiques décelables chez les enfants, préférant laisser les professionnels en parler. On a très souvent, comme l'institutrice de vos filles, des préjugés simplistes et schématiques sur ces questions. En réalité, les études démontrent une très forte compétence de tous les enfants. Le point le plus frappant est la démonstration par Stanislas Dehaene d'un sens des probabilités chez le nourrisson de trois mois – qu'il soit garçon ou fille. La conclusion pédagogique qu'on peut tirer de l'ensemble des études dont j'ai connaissance est qu'il existe plusieurs chemins pour stimuler l'appétit pour les sciences et que tel chemin conviendra à tel enfant mais pas à tel autre. Les témoignages sont multiples de personnes qui se découvrent assez tardivement une vocation scientifique. C'est pourquoi le rapport Villani-Torossian propose l'instauration de modules de réinsertion dans les sciences.
La réforme du lycée doit notamment permettre d'aborder les mathématiques et les sciences à plusieurs endroits et de différentes manières et de faire apparaître le numérique en tant que discipline comme porte d'entrée vers les enjeux scientifiques et technologiques. Plus généralement, sur ce point comme sur d'autres, le message des sciences cognitives est optimiste quant au fort potentiel des élèves. L'enjeu est donc de personnaliser les parcours et de diversifier les approches pédagogiques pour inciter les élèves à aller vers les sciences.
Se pose effectivement une question de projection dans l'avenir, madame Gayte, mais elle concerne toutes les disciplines et tous les métiers d'autant que les mathématiques sont paradoxalement la discipline qui aura le plus d'importance dans le futur. Il est néanmoins vrai que les carrières scientifiques sont insuffisamment illustrées par l'exemple. Nous devons donc faire évoluer notre manière de parler des métiers, consacrer du temps à l'orientation et avoir une approche en continu de cette dernière. J'ai souvent été amené à dire à quel point les professeurs étaient concernés par l'orientation, ce à quoi on peut me répondre qu'un professeur n'est pas un spécialiste du sujet. En réalité, personne, pas même un professionnel de l'orientation, n'est omniscient en matière d'orientation ni capable de tout dire sur tous les métiers. Nous devons nous faire à l'idée que l'orientation est un travail d'équipe et un processus en continu qui ne prend pas fin en terminale puisqu'un grand nombre de jeunes de plus de vingt ans ne savent pas encore très bien quel métier ils vont faire. Chaque professeur doit donc être en mesure d'évoquer les perspectives professionnelles qu'offre sa discipline – au-delà du professorat. On doit davantage aborder la question de l'orientation dans le cadre de la formation initiale et continue des professeurs mais en réalité, ces derniers savent souvent bien des choses sans s'en rendre compte. Ces aspects seront traités dans le cadre de la réforme de l'orientation.