La France compte entre treize et dix-huit millions de bénévoles, dont les deux tiers s'engagent dans les associations. À l'exception des politiques régaliennes, le tissu associatif porte très largement les politiques publiques et joue un rôle indispensable en matière de construction de la société.
Non moins de 1,3 million d'associations concourent à l'intérêt général sur l'ensemble des territoires. Elles créent du lien social, de la citoyenneté, offrent des services de proximité, en particulier aux plus fragiles. Par leur souplesse et leur agilité, elles détectent des signaux faibles, inventent des réponses pertinentes et innovantes aux besoins sociaux et sociétaux, au plus près de nos concitoyens. Dans un contexte de transitions multiples, leur action et leur engagement s'inscrit dans le temps long nécessaire au changement.
Elles sont pourtant elles-mêmes fragilisées au sein de leur organisation, qu'il s'agisse de leur modèle économique, de l'évolution des formes de bénévolat ou de la gouvernance. Au regard des enjeux de société auxquels elles répondent, il est de notre responsabilité collective de les soutenir, de les appuyer et de les accompagner dans leurs défis, par la mise en oeuvre d'une politique publique adaptée.
C'est la raison pour laquelle notre groupe a souhaité utiliser l'opportunité de cette niche parlementaire pour apporter sa pierre à l'édifice et tenter modestement de répondre à certains des défis – ils sont nombreux ! – auxquels le monde associatif est confronté.
Cette proposition de loi s'attache ainsi plus particulièrement à la poursuite de deux objectifs, tous deux destinés à favoriser l'engagement associatif.
L'article 1er vise à encourager la prise de responsabilité associative en tenant compte de la réalité du monde associatif et des fortes contraintes – notamment financières – qui pèsent sur les dirigeants associatifs, tandis que l'article 2 a pour objectif d'inciter la jeunesse à s'engager dans le monde associatif.
Le bénévolat est en effet le premier sujet de préoccupation pour les associations, bien davantage que, par exemple, la crainte de manquer de financements. Surtout, 40 % des responsables associatifs interrogés dans les enquêtes d'opinion se disent inquiets des difficultés de renouvellement des dirigeants.
Le rapport de 2014 fait au nom de la commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif avait d'ailleurs déjà relevé que le renouvellement des dirigeants associatifs bénévoles est aujourd'hui l'une des difficultés les plus importantes du monde associatif et serait même la première difficulté recensée par les associations. Ainsi, 53 % d'entre elles indiquent qu'elles ont du mal à renouveler leurs instances dirigeantes.
Il faut dire que la fonction de dirigeant bénévole, outre qu'elle exige une disponibilité importante, nécessite des compétences variées, qu'il s'agisse de droit, de fiscalité, de management ou de communication.
Or, en l'état actuel du droit, la responsabilité financière du dirigeant bénévole d'une association est susceptible d'être engagée avec de lourdes conséquences personnelles, même en cas de simple négligence. Les tribunaux disposent d'un pouvoir d'appréciation tant sur le principe même de la condamnation que sur son montant. Il relève donc du seul pouvoir du juge de tenir compte ou non du caractère bénévole pour appliquer moins rigoureusement la responsabilité aux dirigeants associatifs.
Le dirigeant bénévole d'une association engage ainsi sa responsabilité, s'il a commis une ou plusieurs fautes de gestion qui ont conduit à générer une insuffisance d'actifs. Il peut être amené à supporter personnellement tout ou partie des dettes, alors même que son patrimoine est bien distinct de celui de l'association. De plus, les jurisprudences sont contradictoires. Dans certains cas, les magistrats retiennent que l'absence d'objet lucratif comme le statut de bénévole des dirigeants ne suffisent pas à exonérer totalement ces derniers de leur responsabilité pour insuffisance d'actif, tandis que d'autres magistrats peuvent prendre en considération ces éléments pour atténuer la responsabilité du dirigeant condamné à supporter le passif de l'association.
Cette insécurité juridique concourt à une crise du renouvellement des cadres associatifs, les dirigeants ne disposant pas nécessairement des compétences techniques requises ou du personnel en mesure d'assurer la gestion financière de l'association, de plus en plus complexe.
Il y a, par ailleurs, une absence de parallélisme des formes entre le code de commerce dans son action en comblement du passif et le code civil qui, au titre de l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre des responsables d'associations qui auraient mal appliqué le mandat qui leur est confié en commettant une faute de gestion, dispose en son article 1992 que la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.
C'est pourquoi il est proposé d'atténuer la responsabilité financière du dirigeant associatif bénévole en cas de faute de gestion, en étendant l'« exception de négligence » prévue à l'article L. 651-2 du code de commerce aux dirigeants d'association. Il serait ainsi désormais fait référence à toute personne morale – ce qui inclut les associations – et non plus seulement aux sociétés.
Il est également proposé d'obliger les magistrats à tenir compte du statut de bénévole et à examiner les moyens dont disposait le dirigeant pour se prémunir des risques financiers. Il s'agit d'atténuer les condamnations de dirigeants bénévoles d'association au titre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actifs, dans les cas de liquidation judiciaire de l'association, en disposant que « le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant et de l'insuffisance des moyens dont il disposait pour prémunir l'association contre des risques financiers », cette disposition s'appliquant à toutes les associations non assujetties à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, c'est-à-dire celles dont les « activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 61 634 euros. »
Mais favoriser l'engagement associatif passe aussi par l'incitation de la jeunesse à s'engager et par l'éducation à l'engagement dans le parcours scolaire.
La loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a introduit plusieurs dispositions afin de reconnaître et faciliter l'engagement des étudiants, mais c'est bien avant l'entrée dans la vie étudiante qu'il convient de sensibiliser les jeunes à l'engagement associatif.
Il vous est ainsi proposé d'inscrire la sensibilisation à la vie associative, au même titre que le Service civique, dans le cadre de l'enseignement moral et civique des élèves de collège et lycée, afin de valoriser le bénévolat et les associations, et pour ce faire de compléter l'article L. 312-15 du code de l'éducation, de façon à ce que celui-ci dispose que l'enseignement moral et civique sensibilise également les élèves de collège et de lycée à la vie associative et au Service civique.
Un module théorique et un support méthodologique pourraient être mis en place pour aider les enseignants dans cette présentation de la vie associative. Il est essentiel que les jeunes soient sensibilisés au plus tôt. Il faut favoriser, chez les jeunes collégiens et lycéens, un éveil à une conscience citoyenne, et il nous faut stimuler chez eux l'envie de contribuer par leur action – et notamment par leur engagement au sein du monde associatif – aux valeurs de la République présentées par l'instruction civique que l'école leur a dispensée.
De plus, si le Service civique est le premier dispositif d'engagement volontaire pour les jeunes, et est associé aux idées de citoyenneté et de solidarité, il n'est pas le seul moyen de s'engager. Sensibiliser les jeunes à la vie associative serait une offre complémentaire au désir d'engagement citoyen qu'éprouvent les jeunes.
Je conclurai en disant qu'aujourd'hui le bénévolat permet d'exprimer sa citoyenneté en ayant le sentiment de contribuer à quelque chose qui dépasse très largement l'activité réalisée. Faire la promotion du bénévolat à l'école permettrait que celle-ci soit le premier pas vers l'engagement citoyen.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, il ne s'agit que d'une petite pierre apportée à un très vaste édifice et d'autres chantiers seront bien sûr à mener.