Intervention de Fannette Charvier

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFannette Charvier :

J'interviens au nom du groupe La République en Marche. Je ne vais pas évoquer à mon tour la nécessité pour les éditeurs et les agences de presse de se voir reconnaître un droit voisin car vous avez déjà parfaitement rappelé l'état des débats.

Je souhaitais revenir sur plusieurs points abordés lors de votre intervention ou mentionnés dans votre projet de rapport, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. J'ai participé à vos côtés à l'ensemble des auditions et tous les interlocuteurs n'étaient pas nécessairement unanimes sur l'opportunité même de ce droit voisin.

Nous devons avoir conscience que cette question ne pourra se régler qu'à l'échelle européenne – c'est la position de notre groupe. Comme vous l'avez rappelé, la Commission européenne a publié en septembre 2016 une proposition de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique. Après plusieurs mois de tergiversations au Conseil de l'Union européenne et dans les commissions du Parlement européen, les discussions sont en voie d'aboutir. S'il a donné lieu à des débats approfondis pendant plusieurs mois, le principe du droit voisin au profit des éditeurs de presse est désormais acquis.

Même si le Comité des représentants permanents (COREPER) n'a pas débouché sur un accord le 28 avril dernier, à cause de divergences sur plusieurs points techniques, notamment l'exclusion des courts extraits – les snippets – du champ du droit voisin et la durée de ce droit, on s'achemine apparemment vers une sortie du blocage lors de la prochaine réunion prévue fin mai. Au Parlement européen, le vote sur le rapport de la commission des affaires juridiques interviendra les 20 et 21 juin prochains, ce qui permettra d'engager les trilogues. Il est donc désormais clair que l'adoption de la directive interviendra d'ici à la fin de l'année.

Dans ce contexte, l'adoption d'un texte purement national à ce stade des discussions risque d'être extrêmement mal comprise par nos partenaires, par la présidence bulgare du Conseil européen et par la Commission européenne. Elle pourrait même s'avérer contre-productive, en renforçant le camp des pays hostiles à la création de ce droit – ils font valoir qu'aucune initiative européenne n'est nécessaire, chaque État membre étant libre d'intervenir dans un cadre strictement national.

Lors de l'initiative française sur la TVA, le contexte européen n'était pas du tout le même. Par ailleurs, par le passé, certains pays membres ont déjà tenté de prendre des initiatives pour créer un droit voisin national au profit des éditeurs de presse. C'est le cas de la Belgique, de l'Allemagne et de l'Espagne, dont les éditeurs de presse ont tous subi des mesures de représailles, notamment de la part de Google. Les résultats produits par ces initiatives nationales n'ont eu jusqu'à présent que des effets très limités, voire contre-productifs. Ces exemples justifient une intervention européenne, afin de créer un cadre juridique commun à l'ensemble des pays de l'Union, permettant aux éditeurs de presse de négocier dans une position plus équilibrée avec les prestataires de services concernés.

Je vous rejoins sur l'urgence à agir pour conforter la pluralité de notre presse et rétablir les conditions d'un équilibre entre la protection des investissements réalisés par les éditeurs d'une part, et le besoin de diffusion de l'information sur internet, d'autre part. Mais, même si nous adoptions cette proposition de loi, la création d'un droit voisin ne pourrait pas intervenir avant la fin de l'année. En effet, après la navette parlementaire française, le texte devra faire l'objet d'une notification à la Commission européenne, du fait de son caractère opposable à des services de la société de l'information, ce qui repoussera de trois mois son adoption définitive.

On peut donc s'interroger sur l'opportunité de voter cette proposition de loi dont la mise en oeuvre n'interviendra pas avant l'adoption de la directive. Si elle était adoptée en l'état, la proposition de loi devrait par ailleurs sans doute être significativement modifiée pour tenir compte des dispositions définitives de la directive.

Je tiens à vous remercier d'avoir attiré l'attention de notre commission sur ce sujet important. Mais nous estimons que votre proposition ne sera ni efficace, ni adéquate, étant donné les perspectives favorables au niveau européen.

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