Ma réponse ne sera peut-être pas conforme à l'idée que vous vous faites de l'audition d'un ministre : je ne peux pas le garantir.
Je ne doute pas de la pression qui pèse sur l'ASN, car ses décisions peuvent avoir des conséquences « monstrueuses » d'un point de vue économique. Mais l'ASN a déjà eu l'occasion de prendre un certain nombre de décisions, par exemple lorsqu'elle a mis à l'arrêt provisoire la centrale de Tricastin, pour un risque dont la probabilité de survenance est extrêmement faible, et sa main n'a pas tremblé. Jusqu'à présent, l'ASN n'a jamais été prise en défaut sur ce plan et, en tant que ministre, je n'ai jamais eu aucune raison de douter de son indépendance. Si d'ailleurs un jour ce doute s'installait, ce serait terrible.
Depuis sa création en 2006, l'ASN a toujours agi avec transparence, notamment vis-à-vis du grand public ; elle n'est pas soumise au contrôle d'un ministre et je n'ai jamais senti la moindre mise en cause de son indépendance. Le ministère n'a pas vocation à contrôler la mission de police des installations nucléaires exercée par l'ASN : aux termes de la loi, c'est le rôle du Parlement. Et cet arrangement me semble plutôt vertueux en ce qu'il permet un véritable contrôle de l'activité de l'ASN sans laisser de place à la moindre suspicion sur la pression que pourraient exercer les services, et notamment le ministère, chargés de la politique énergétique. À l'inverse, le ministère pourrait subir une pression dans un sens ou un autre. Imaginez qu'un ministre soit très pro-nucléaire et un autre totalement antinucléaire, il serait tentant d'utiliser l'ASN dans un sens ou un autre. Je ne crois pas que ce soit le cas.
Le gouvernement a défini une réglementation générale en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il prend des décisions individuelles qui fixent des limites, par exemple de rejets d'effluents ; cette mission est ensuite confiée à la Direction générale de la protection des risques (DGPR) qui me semble disposer de moyens suffisants pour la mener avec efficacité, en liaison étroite avec l'ASN, qui donne son avis au gouvernement sur les projets de texte en matière nucléaire.
Encore une fois, rien ne me permet aujourd'hui de douter de l'indépendance de l'ASN.
Les retards avec lesquels l'information parvient à l'ASN ne sont pas forcément de son fait, mais c'est un autre sujet. Il est vrai que le rôle de l'ASN est d'autant plus nécessaire, et vous avez raison de pousser cette question dans ses retranchements, car un certain nombre de choses nous ont été affirmées avec une assurance qui ne laissait pas la place au moindre doute… Heureusement que l'ASN a fait son travail. Car pour une petite liste de choses, nous nous sommes rendu compte qu'il était heureux que l'ASN soit là.