Intervention de Nicolas Hulot

Réunion du jeudi 12 avril 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je ne suis pas certain qu'on ait besoin d'utiliser de tels arguments pour démontrer que le prix de l'électricité produite par le nucléaire peut croiser le prix de l'électricité produite par les énergies renouvelables : il est établi depuis quelques années de manière assez probante que le prix des énergies renouvelables devient très compétitif, dans le même temps que celui de l'énergie nucléaire augmente, en raison de rehaussement des exigences de sécurité et des difficultés de la filière nucléaire dues – c'est une constante dont il n'y a pas lieu de se réjouir, car c'est notre argent – à la non-maîtrise des coûts.

Pour ce qui est Cigéo, j'essaie toujours de dire ce que je pense plutôt que de vous dérouler des éléments de langage – je peux m'appuyer dessus, mais seulement si j'y crois. L'entreposage à Bure me semble être actuellement la moins mauvaise solution – ce qui veut dire que c'est une mauvaise solution. Je ne peux me satisfaire que l'on place sous terre de manière irréversible des déchets toxiques pour des centaines de milliers d'années ; ce n'est pas la conception que je me fais d'une civilisation, nous devons gérer nos problèmes à notre époque. Reste que ces déchets sont là. J'aurais bien aimé qu'on puisse les envoyer dans l'espace… Il fut un temps où les pays de l'OCDE ne s'embarrassaient pas de ce genre de questions : on les déversait dans la fosse des Casquets, au large du Cotentin… Il serait d'ailleurs intéressant de se demander ce que tout cela va devenir. Au moins ne sommes-nous plus à cette époque et les choses se font dans un peu plus de transparence. Je rappelle d'ailleurs que Cigéo est un laboratoire qui doit permettre de répondre aux questions que vous vous posez et que je me pose également. Et j'ai appris à être très prudent : on m'assure à un moment que l'entreposage souterrain des déchets bitumineux ne pose aucun danger, et quelque temps plus tard, on m'explique que ce n'est pas aussi évident…

Sur le plan de la sûreté ou de la sécurité, nous n'avons pas la même lecture : pour se protéger d'attaques malveillantes, il vaut mieux un site à 500 mètres de profondeur plutôt qu'en subsurface, même sur plusieurs lieux.

A-t-on vraiment exploré toutes les possibilités et continue-t-on à le faire ? J'observe que nous ne sommes pas le seul pays confronté à cette équation et aucun n'a trouvé une solution satisfaisante. Preuve en est, on nous envoie les déchets pour les retraiter, mais personne ne veut les récupérer. La Finlande choisit de stocker ses déchets à proximité de la mer ; compte tenu de ce qu'on sait du mouvement des océans, cela m'inquiète un peu. De notre côté, nous avons choisi ces couches d'argile. J'attends que les travaux Cigéo et les vôtres nous apportent des confirmations. Mais il n'y a pas de solution satisfaisante. On peut se donner cent ans et se dire que, dans ces cent années, le génie humain aura trouvé une solution. Le débat n'est pas clos.

S'agissant de l'entreposage à sec des combustibles, cela a été analysé par l'électricien. Compte tenu de la nature des combustibles, notamment des MOX, un entreposage à sec semble ne pas être adapté car le refroidissement initial de ces combustibles ne peut être assuré de manière efficace que dans un entreposage sous l'eau. Comme l'a précisé le président de l'ASN le 22 février, il n'y a pas pour l'instant en France de projet d'entreposage à sec, cette méthode étant par ailleurs considérée par l'ASN, comme par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) de notre ministère, comme moins sûre en cas d'éventuels actes de malveillance.

Sur les transports, j'ai écrit il y a peu aux opérateurs pour leur demander de travailler a minima sur un peu moins de prédictibilité… Bien qu'insuffisante, ce serait déjà une précaution importante, car pour l'heure, tout un chacun peut savoir à quel moment et à quel endroit passent ces transports.

S'agissant des falsifications diverses et variées sur l'EPR, je pense que les représentants de l'ASN vous ont dit s'ils en ont tiré ou non les leçons. J'ai le sentiment qu'ils prennent maintenant énormément de temps pour vérifier a posteriori tous les dossiers des pièces concernées ; c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les travaux à Flamanville ont été retardés.

Je pense, madame Panot, que les conséquences d'un accident nucléaire sont inestimables. Quelle valeur donner aux centaines de milliers de mètres cubes d'eau radioactive qui se déversent dans l'océan chaque jour ? Quelle valeur donner à des terres qui resteront stériles pendant des générations et comment rembourser des gens évacués de leur zone d'habitation pour des décennies ? Certains dommages sont évidemment quantifiables mais, comme pour beaucoup de risques industriels, il est difficile d'assurer les risques nucléaires. Il existe une abondante réglementation internationale en la matière, mais force est de reconnaître qu'elle limite les risques des opérateurs. Ce plafond a été récemment augmenté, passant de 90 à 700 millions d'euros par accident. En cas d'accident grave, le problème n'est pas tant celui de l'assurance de l'opérateur qui, de fait, se retrouve dans une situation difficile – cela a été le cas au Japon – que celui de l'État qui sera chargé, « comme d'hab'», de réparer les dégâts : on privatise les profits et on mutualise les dommages…

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