J'aimerais revenir sur Fessenheim et l'EPR de Flamanville pour que tout le monde soit bien au clair. La loi transition énergétique ne dit pas que l'on va fermer Fessenheim en échange de la mise en service de l'EPR : si elle plafonne la production de la capacité nucléaire à 63,2 gigawatts, elle n'interdit absolument pas d'être en dessous de ce niveau. Le fait d'attendre la mise en service de l'un pour fermer l'autre résulte d'une décision politique, que l'on y adhère ou pas. La loi permet parfaitement de fermer des réacteurs sans attendre la mise en service de l'EPR.
En matière de sûreté et de sécurité, certaines décisions ont été prises. L'audition du président de l'ASN nous a permis d'apprendre qu'EDF avait déposé auprès du régulateur deux demandes de validation de réacteur EPR d'un nouveau type. De plus, en 2016, le conseil d'administration d'EDF a validé comptablement le prolongement de quarante à cinquante ans de la durée d'exploitation de tous ses réacteurs de 900 mégawatts, à l'exception de ceux de Fessenheim. Cette validation a donc été effectuée avant même que l'ASN ne se soit prononcée sur la prolongation. Cela ne ressemble-t-il pas à une pression à l'égard de l'ASN ?
Cette question est importante dès lors qu'on parle de coûts, de sûreté et de sécurité. L'amortissement des investissements est calculé sur la durée de vie des réacteurs ; plus la durée de vie des réacteurs est longue, plus le coût de production calculé et annoncé est bas. Si l'ASN décidait de ne pas autoriser la prolongation de la durée de vie des réacteurs, le prix de l'électricité pourrait augmenter, ce qui serait politiquement lourd à assumer.
Ces deux mesures – projet de nouveaux EPR et prolongements comptables de la durée d'exploitation des réacteurs – vont-elles dans le sens de la réduction de la part de l'électricité d'origine nucléaire produite en France, décision prise par le Gouvernement et adoptée par le Parlement ? Même si l'on peut débattre sur l'échéance de 2025, il ne fait pas de doute que la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité est bel et bien inscrite dans la loi.
L'État est comptable de la loi qui a été votée. L'État est actionnaire à 83 % d'EDF. Comment se fait-il que l'État ne pèse pas davantage dans les décisions du conseil d'administration d'EDF, alors même qu'elles vont à l'encontre de ses propres décisions ? J'en profite pour rappeler que Jean-Bernard Lévy nous a expliqué, il y a quelque temps, avant même que le Gouvernement ait pris une décision sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) que, de toute façon, aucun réacteur ne serait fermé à part ceux de Fessenheim.