Intervention de Bruno Silberman

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Bruno Silberman, premier vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) :

Le radiologue est un spécialiste, mais il n'exerce pas à distance : il voit les patients et juge de l'intérêt de l'examen qui lui est demandé – il n'est pas prescrit – et qui le réalise avec les moyens les plus pertinents, dans les meilleures conditions et avec la meilleure qualité, qui explique à son patient ce qu'il en est, discute quand il y a lieu avec le médecin qui a fait la demande, voire participe au trajet ou oriente la prise en charge. Il participe aussi aux réunions de concertation pluridisciplinaire et, en radiologie libérale, à la permanence des soins, notamment en établissement. Les soins non programmés font aussi partie de l'exercice quotidien.

La radiologie est aussi une spécialité de premier recours – l'une des plus sollicitées par les généralistes – et d'expertise en deuxième recours. Pour autant, la radiologie n'est pas une médecine à distance, et la télémédecine ne va pas tout résoudre. Ce qui est possible en biologie ne l'est pas pour l'examen radiologique, qui doit se faire au plus près du patient, si possible en contact avec le médecin qui le connaît.

Le métier de radiologue couvre le dépistage, le diagnostic, parfois le traitement. Le secteur est à 70 % en libéral, à 30 % hospitalier, et, selon les chiffres du ministère, 80 % des examens de scanner et d'imagerie par résonance magnétique (IRM) se font en ambulatoire et non à l'hôpital.

En ce qui concerne la désertification médicale, l'imagerie est un accompagnement nécessaire pour les généralistes, comme le sont d'autres spécialités. Ils s'installent désormais en regroupements, mais ne le font pas s'ils n'ont pas accès au radiologue, au cardiologue etc. Il faut y réfléchir.

Les radiologues eux-mêmes ont réfléchi depuis longtemps au regroupement. Il existe déjà en raison des investissements importants à consentir, mais devient de plus en plus important, avec parfois de trente à cinquante radiologues, couvrant un grand territoire, toujours en raison des coûts. Ainsi, le prix de l'équipement pour la mammographie a quadruplé : pour parvenir à un équilibre économique, il faut faire plus d'examens et les cabinets de proximité sont amenés à se regrouper. Ces « petits » cabinets ont aussi été fragilisés depuis une quinzaine d'années par la baisse de la nomenclature ; ils pratiquent de la radiologie, pulmonaire, osseuse, de l'échographie et de la mammographie. Comme cette dernière exige un équipement plus coûteux et que le prix baisse pour les autres actes, depuis 2012, beaucoup de ces petits cabinets ont fermé, ce qui déstabilise l'offre de premier recours et fragilise le tissu des généralistes, dont certains n'ont plus d'accès direct pour les patients.

D'autre part, il n'y a pas une petite et une grande radiologie, mais une radiologie pertinente. Autrement dit, on ne fait pas une radiographie simple en territoire rural et le scanner à une heure et demie de bus. Il faut pouvoir réaliser d'emblée le bon examen pour le patient. Il y a donc une réflexion à avoir sur la réorganisation territoriale d'une offre de radiologie pertinente. Heureusement, les radiologues sont de plus en plus organisés en groupes et peuvent se tourner les uns vers les autres, y compris pour la télémédecine. Mais il faut aussi pouvoir faire des scanners et de l'IRM de manière légitime au plus près des patients. Il faut donc bien réfléchir, dans le cadre des regroupements de médecins, à la répartition territoriale de l'imagerie médicale moderne. Or l'imagerie en coupe est soumise à autorisation et, pendant très longtemps, on a pensé qu'elle devait être hospitalière, alors que 80 % des examens se pratiquent en ville, au quotidien. Il faut donc inverser la donne. Bien entendu, dans certaines villes, la démographie conduit à réfléchir et agir en coordination avec nos collègues hospitaliers. Autant il est facile pour les radiologues libéraux ou leurs groupements d'intervenir dans les petits hôpitaux ou de prendre cela en charge dans les déserts ruraux, autant c'est compliqué pour les collègues hospitaliers, car leur statut les empêche de travailler sur place. Nous pensons qu'il faut introduire beaucoup de souplesse dans ce domaine et changer leur statut pour rendre possible un regroupement. Les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé sur les projets médicaux mutualisés sont d'une complexité folle et ne rapprocheront pas hôpital et médecine de ville. Il faut trouver des dispositifs plus simples pour que l'accès à l'imagerie soit organisé sur un territoire.

Par ailleurs, il faut être attentif à une tendance qui fait que, par exemple, tout le monde pense que le dépistage du cancer du sein peut se faire sans voir la patiente. Or la qualité de la radiologie en France tient à celle de la formation et au fait qu'on voit la patiente. Si l'on veut faire de la mauvaise médecine, qu'on la fasse à distance. Maintenir la présence du médecin près du patient est un enjeu majeur, y compris dans le dépistage. Actuellement, cela est remis en cause. Il faut accompagner les regroupements en donnant des autorisations d'imagerie en coupe en ambulatoire, même dans les territoires ruraux. Il faut aussi être attentif à la dérive de la télémédecine. En France, la téléradiologie a des années de retard sur nos voisins. Or elle est en train d'évoluer non vers une téléradiologie de qualité par un groupe territorial de proximité qui connaît les confrères et travaille avec eux, mais vers une interprétation simple par des groupes à distance qui font de l'imagerie sans même avoir les renseignements nécessaires. Il faut donc veiller à ce que la téléradiologie, pour rester de qualité, se pratique comme nous l'avons décrit dans une charte avec les hospitaliers et le Conseil professionnel de la radiologie.

Enfin, puisque chacun a parlé de fiscalité, les jeunes ont les mêmes problèmes d'installation que dans d'autres spécialités, mais en plus il leur faut investir. Aujourd'hui, la forme juridique est de plus en plus assimilable à celle des sociétés à responsabilité limitée (SARL) et des sociétés anonymes (SA). Or, quand on investit dans l'équipement au travers de ces parts sociales, la défiscalisation est quasi nulle. De ce fait, les jeunes ont de plus en plus de mal à s'installer, en ville comme à l'hôpital. Depuis dix ou quinze ans, on dit que l'imagerie coûte trop cher et qu'il faut diminuer ce coût. La bonne politique serait d'accompagner l'installation, qui est facteur d'organisation territoriale, pour la bonne prise en charge des patients.

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