Intervention de Christophe Naegelen

Réunion du mardi 13 février 2018 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Si, dans un premier temps, instruction avait été donnée aux garde-frontières de ne laisser passer personne, la première ministre a finalement appelé le pays à accueillir les Rohingyas en toute fraternité en rappelant qu'il y avait déjà 140 millions d'habitants au Bangladesh et en comparant les atrocités commises par la Birmanie à celles de l'armée pakistanaise pendant la guerre de libération de 1971. Les populations locales, déjà très démunies et exposées depuis 30 ans aux vagues d'arrivées de Rohingyas, ont fait preuve d'une grande solidarité et ont apporté des vivres et des aides.

Néanmoins, le Bangladesh, qui n'a pas signé la convention de 1951, refuse de reconnaître le statut de réfugié aux Rohingyas. Ils ont donc le statut de « citoyens du Myanmar déplacés de force » ou « sans document ». Seuls 30 % des Rohingyas disposent d'une forme de document d'identité. C'est aussi pour cette raison que le Bangladesh a préféré traiter avec l'organisation internationale des migrations (OIM) qu'avec le haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Une forme de concurrence a nui à l'efficacité des deux et n'a pas permis au HCR de mener ses procédures habituelles d'enregistrement.

Le camp de Kutupalong dans la province de Cox's Bazar est la plus grande concentration de réfugiés au monde : 850 000 personnes sur 11,2 kilomètres carrés, des cabanes et bâches de tarpaulin à perte de vue. J'ai pensé à un village dans ma circonscription qui compte 4500 personnes sur 70 kilomètres carrés.

Les conditions de vie sont certes d'une précarité insigne mais la situation dans le camp a nettement progressé après le chaos initial, au moment des arrivées massives de populations exténuées, affamées, traumatisées dans un état de dénuement et d'urgence total. Les autorités du Bangladesh et les organisations internationales ont fait et font un travail remarquable et impressionnant de prise en charge des besoins et vulnérabilités des réfugiés. La coordination entre l'OIM et le HCR, le PNUD et les autres agences et entre les ONG n'est pas encore optimale mais s'est améliorée.

Le défi logistique de l'accès et de la distribution est colossal. A l'aide balisée, officielle viennent s'ajouter des distributions sauvages liées à des initiatives privées qui donnent lieu à des attroupements tumultueux dont nous avons été témoins.

Au coeur de cette crise humanitaire, il y a des enfants et des femmes. Selon le HCR, 55 % des réfugiés sont des enfants. Certains sont morts pendant le trajet ou après leur arrivée. 42 000 orphelins sont soumis à toutes les menaces et vulnérables aux trafics humains, surtout les filles, et en particulier la nuit quand le camp est déserté par les ONG. Les femmes représentent 30 %. Beaucoup d'hommes ont été tués.

Dans quelques mois, on prévoit entre 10 000 et 50 000 naissances de femmes, enceintes des viols massifs commis par les militaires birmans et les milices bouddhistes.

Le risque de famine est maîtrisé mais la malnutrition progresse avec des conséquences potentiellement très graves pour ces centaines de milliers d'enfants. Nous avons constaté que la nourriture distribuée se limite à du riz, des lentilles et de l'huile.

Les ONG ont entrepris des campagnes de vaccination mais redoutent les maladies contagieuses. Lorsque nous étions sur le camp, l'épidémie de choléra avait été contenue mais une épidémie de diphtérie s'était déclenchée.

L'arrivée de la saison des pluies dans quelques semaines suscite des craintes d'importants glissements de terrain car les collines ont été déforestées pour construire les abris de fortune. La saison des cyclones risque aussi de balayer les cabanes.

L'armée a établi un cordon autour des camps. Elle contrôle les entrées et les sorties. Elle coordonne les distributions spontanées et régule la circulation des camions transportant l'aide.

Les acteurs redoutent aussi des tensions avec la population locale qui est elle-même très démunie et craint une concurrence déloyale de Rohingyas sur le marché du travail. Pour éviter ces tensions, il est important que les organisations internationales et les ONG déploient des efforts au bénéfice des communautés hôtes voisines, souvent aussi pauvres que les réfugiés, certains locaux se faisant d'ailleurs passer pour des réfugiés pour pouvoir bénéficier d'une aide.

Le gouvernement bangladais redoute les menées de prosélytes djihadistes auprès de Rohingyas meurtris et vulnérables.

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