Le projet de loi ELAN vise un certain nombre d'objectifs. Son champ est large, sans doute trop large, ses articles sont très divers, sans doute trop également.
À vouloir aborder tous les sujets et régler tous les problèmes qui se posent sur notre territoire, ce texte manque peut-être un certain nombre de ses objectifs. Avant l'examen au fond du texte en commission des Affaires économiques, je m'en tiendrai, au nom du groupe Les Républicains, aux articles dont notre Commission est saisie ce matin et dont certains vont quand même dans le bon sens, il faut le souligner. Sur un certain nombre de points techniques, la gauche et la droite, même si ces notions, chers collègues de la majorité, vous semblent un peu galvaudées, ont ferraillé ensemble ; je songe à la lutte contre les recours abusifs ou à la facilitation de la production de logements. La nécessité de loger dignement et convenablement nos concitoyens, de créer des nouveaux parcours – locatifs ou d'accession à la propriété – fait aujourd'hui l'objet d'un consensus national. Cependant, ce texte très large ne précise pas – notre Commission pourrait se saisir de ce problème – ce qu'il en est du rôle que doivent jouer les collectivités territoriales dans les projets d'aménagement, ni non plus leur rôle en ce qui concerne le droit au recours ou la rénovation des centres-villes. Il faudrait de nombreuses précisions, et il en va de même en ce qui concerne la lutte contre les marchands de sommeil.
Il me paraît compliqué d'aborder cette loi dans sa globalité, sans que le Gouvernement ait, à un moment ou un autre, livré sa vision, son ambition, son interprétation de la décentralisation. Il n'y a pas de compétence logement, en matière d'aménagement ou de construction sans l'implication des acteurs et élus locaux. Or un certain nombre de dispositions de ce projet de loi témoignent d'un mouvement de recentralisation, voire de technocratisation, qui éloigne de plus en plus la décision des citoyens et donc des élus locaux.
J'aborderai pour l'instant les recours en matière d'urbanisme, les centres-villes et la lutte contre les marchands de sommeil.
En ce qui concerne l'encadrement du droit au recours, tout ce qui peut contribuer à réduire les abus va dans le bon sens. Néanmoins, beaucoup de points restent à préciser. Ainsi, les préconisations faites dans son rapport par Mme Maugüé ne sont pas très précisément reprises par le projet de loi, et il nous faudra traiter ensemble le sujet des associations de défense de l'environnement ou qui se prétendent telles. Surtout, il faut aborder le sujet de manière pragmatique, loin des fantasmes, car, nonobstant son impact sur la vie d'un certain nombre de nos territoires, votre rapport, monsieur le rapporteur, montre que les recours ne concernent qu'une infime partie des permis de construire attaqués. Cela vaut encore plus pour le logement collectif et le locatif social, pourtant présents dans tous les esprits et dans les pages de la presse quotidienne régionale.
Le sujet des centres-villes témoigne des ambitions de ce projet de loi – des centres-villes vivants –, mais également de la nécessité de mobiliser des moyens importants. Pour le moment, ils n'ont pas été mis à la disposition des collectivités territoriales. Certes, il y a bien le plan « Action coeur de ville », les intentions affichées et les milliards annoncés, j'entends tout cela, mais cela ne me semble pas en cohérence avec la réalité du terrain. Les élus locaux attendent une action ambitieuse, assortie de moyens qui s'inscrivent dans la durée, pour redresser la situation des centres-villes et, plus largement, des villes moyennes et des petites villes de banlieue, y compris des villes de périphérie métropolitaine, qui ne semblent pas une priorité du plan « Action coeur de ville » et qui méritent pourtant elles aussi toute notre attention.
Nous ne ferons pas non plus l'économie d'une discussion sur l'implantation des commerces en centre-ville et sur l'activité économique. Nous ne pourrons pas redresser la situation si nous ne sommes pas animés par la volonté d'installer dans les centres-villes des personnes exerçant des métiers que l'on n'y trouve plus, en particulier des métiers de bouche – cela posera aussi la question de la formation.
La lutte contre les marchands de sommeil est, depuis longtemps, un combat commun. Nous l'avons repris avec un certain nombre de groupes politiques, mais la majorité avait précisément renvoyé la question à l'examen de ce projet de loi. Nous attendons donc beaucoup de cette discussion. Depuis l'examen, en 2010, d'une proposition de loi de mon collègue Sébastien Huyghe qui posait bien le problème, nous n'avons guère avancé. Nous soutiendrons les initiatives allant dans le bon sens, mais j'insiste sur la nécessité de nommer les choses et de créer ce délit de marchand de sommeil. À ce stade, le texte ne le prévoit pas, même s'il traite des conséquences de ce type d'agissements et des risques auxquels s'exposent ceux qui s'y livrent.
Le groupe Les Républicains attend maintenant l'examen des articles, tout en appelant votre attention, chers collègues, sur le fait qu'à vouloir trop en faire, le projet de loi manque de certaines précisions qui permettraient d'améliorer la vie de nos concitoyens et la situation du logement.