Intervention de François Pupponi

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Aux yeux du groupe Nouvelle Gauche, ce projet de loi, à bien des égards, est un véritable travail d'orfèvre. Bercy et la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages en ont rêvé, vous l'avez fait ! Tout a été construit, depuis la loi de finances, pour mettre à mal un secteur entier de l'activité économique : le logement.

Commençons par les aspects fiscaux. Tous les acteurs du secteur nous disent qu'en septembre, la production commencera à ralentir de manière forte, et la baisse des constructions s'affirmera en 2019. Vous êtes donc en train de réussir ce que nous avons dénoncé : 2017 était une année excellente en matière de production de logements, 2018 verra cette production commencer à baisser, et cette baisse s'aggravera en 2019. Et vous continuez avec le projet ELAN.

Premier problème : vous parlez de la vente aux Français. Vous avez raison, tout le monde est favorable à ce que les Français deviennent propriétaires. Mais dans ce texte, il est prévu que les logements soient vendus à des sociétés privées. S'ils n'avaient été vendus qu'aux locataires, ou entre bailleurs, cela ne posait pas de difficultés. Mais vous permettez de vendre à des sociétés privées, en fixant le niveau des ventes à 40 000 par an. Des sociétés privées vont acheter, et comme vous n'avez prévu aucun garde-fou, vous préparez les marchands de sommeil et l'habitat indigne de demain. Car ces sociétés privées vont revendre à des particuliers, elles vont faire du business. Elles ne seront pas là pour gérer du logement, mais pour réaliser de bonnes opérations financières. C'est un premier danger.

Vient ensuite le problème de la réorganisation du monde du logement social. Nous pourrions tous être d'accord, il faut restructurer et réorganiser, allons-y ! Mais est-ce le moment, alors que l'on demande aux bailleurs sociaux de s'impliquer dans le programme de rénovation urbaine ? Croyez-vous qu'un bailleur conscient qu'il va disparaître dans six mois ou un an va s'impliquer dans ces projets ? On connaît à peu près ceux qui vont être mangés : ce sont les offices publics. Ces offices publics, qui permettent la proximité, n'entreront pas dans la rénovation et cesseront d'entretenir leur patrimoine. Ils ne se lanceront pas dans le grand programme de rénovation urbaine, et cela mettra à mal un grand projet.

Si je peux me permettre, messieurs les ministres, le drame pour vous est que ce texte arrive la semaine où le Président de la République va parler de la banlieue et du plan Borloo. Le plan Borloo dit sur ce sujet tout le contraire de ce que vous faites. C'est le hasard du calendrier, mais il faudra bien le gérer…

J'ai une question à vous poser. Jusqu'à présent, Bercy a toujours appliqué une règle scandaleuse : quand des bailleurs se vendent entre eux du patrimoine, c'est sur le dos des collectivités locales, puisque l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) repart pour quinze ou vingt-cinq ans. Ce qui fait perdre aux collectivités locales concernées des recettes fiscales, car ces immeubles produisent de la recette fiscale.

Monsieur le ministre, prenez-vous l'engagement que les cessions entre bailleurs dans le cadre de la réorganisation ne se feront pas sous forme d'exonération de la TFPB, et que les collectivités locales ne seront pas affectées budgétairement ? Ce sont les quartiers les plus défavorisés qui sont touchés, et c'est encore en contradiction complète avec le plan Borloo.

Sur la mixité sociale aussi, il y a un vrai problème. Vous voulez accélérer la création de places de résidence pour l'hébergement d'urgence ; on peut le comprendre. Pouvez-vous prendre l'engagement que ces résidences ne seront pas mises en place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Sinon, vous allez aggraver la ghettoïsation et la politique d'apartheid que ce pays a mis en oeuvre depuis des années – c'est Manuel Valls qui l'a dit. Créer des résidences sociales d'hébergement d'urgence dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, c'est officialiser la non-mixité. Pouvez-vous vous engager à ne pas laisser installer ces résidences dans ces quartiers ?

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