Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mardi 22 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Nous avons besoin de produire le plus possible sur place et de répondre au défi écologique. Non, ce n'est pas un à-côté, mais bien le coeur de l'affaire. Les méthodes de production agricole actuelles ont épuisé la terre et sont en train de l'épuiser. Tous ceux qui étudient la fertilité des sols savent que celle-ci régresse. Cette question mérite que l'on puisse en parler, et que tout le public entende notre discussion. Nous ne sommes pas là pour nous arranger sur deux ou trois choses et régler le reste avec la FNSEA dans les bureaux, comme cela se fait maintenant depuis plus de vingt ou trente ans. De fait, l'agriculture est cogérée par le syndicat de la FNSEA et les pouvoirs politiques successifs.

Nous avons un défi sanitaire à relever, et personne ne peut dire qu'il n'existe pas. Avoir répandu comme nous l'avons fait tant de produits et de pesticides et être le pays qui présente le plus de dérogations sur les pesticides ont des conséquences sur la santé des paysans, qui sont les premières victimes de ce système, et sur celle de la population. Le ministre le sait, il en conviendra sans doute à un moment ou à un autre ; le dire, ce n'est pas l'en accuser, mais il y a un rapport entre cette façon de travailler la terre et les maladies endémiques que nous constatons dorénavant. Nous savons cela.

Après le défi sanitaire et le défi social, il y a celui de l'organisation de l'idée que nous nous faisons de la terre et de sa place particulière dans notre société.

Si nous voulons une agriculture vivrière paysanne, fondée sur la participation de petites entreprises, il faut que nous trouvions 400 000 paysans de plus afin de tenir cette agriculture, tout en rectifiant les structures et la taille des terres mises à leur disposition.

Nous ne trouverons pas ces paysans en claquant des doigts. Les campagnes se vident ; un paysan se suicide tous les trois jours. Croyez-vous, mes chers collègues, que pour les remplir à nouveau, il suffira de le décider ? Non, il faudra former du monde. Il faudra donner l'envie d'être paysan.

Mais si être paysan, c'est être tout seul, crever de misère de toutes les manières possibles, vous ne trouverez pas ces paysans. Nous serons alors abandonnés à devoir courir derrière ceux qui produiront à notre place, quand bien même nous avons un pays si riche et si développé.

Voilà pourquoi nous sommes si chagrins de voir que le temps de parole sera limité. Ce n'est pas parce que nous voudrions protester d'une manière générale, mais parce que le sujet vaut la peine.

Et il vaut mieux que cinquante heures de discussion parce que, dans quelques mois, la discussion aura lieu au niveau mondial. À ce moment, je le dis tranquillement, le ministre, quel qu'il soit, quel que soit son parti, a besoin d'être très fort, dès le début, parce qu'il représente la France, l'une des premières agricultures du monde. Si nous n'avons pas de bases très fermes pour la protection de notre système, c'est-à-dire si tous les maillons de la chaîne ne sont pas étroitement imbriqués, le ministre ne peut pas tenir le choc dans une discussion internationale, surtout lorsque tous ceux qui s'y trouvent ne croient qu'au libre-échange, pour les raisons que vous connaissez.

J'ai fini de vous dire nos regrets. Vous entendrez tout à l'heure Loïc Prud'homme et François Ruffin, qui expliqueront comment nous abordons cette discussion. J'espère néanmoins qu'avec les quarante amendements qui nous resteront, nous arriverons à vous convaincre que, peut-être, nous pourrions cheminer ensemble, pour faire avancer le texte qui est présenté à cette heure, dans les conditions que je viens de décrire.

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