Intervention de Louis Aliot

Séance en hémicycle du mardi 22 mai 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Aliot :

Madame le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, chers collègues, les effets d'annonce étaient attrayants : une loi de sauvetage agricole allait enfin être débattue à l'Assemblée nationale. Nous allions enfin pouvoir discuter de notre modèle rural et agricole français. Les États généraux de l'alimentation ont eu lieu, les intentions ont été énumérées et le résultat est à présent débattu, pour le meilleur et – je le crains – pour le pire.

Nos campagnes continuent de souffrir. L'agriculture, en particulier l'élevage, ne voit toujours pas la fin d'une crise gravissime. La grande distribution et les géants de l'agroalimentaire continuent d'imposer leur loi, celle du profit aveugle, de la guerre des prix et, pour de nombreux fournisseurs, de la faillite.

Chez moi, à Perpignan, en Roussillon, les arboriculteurs subiront, cette année encore, la concurrence de leurs homologues espagnols, qui ne respectent ni les mêmes normes sociales, ni les mêmes règles fiscales, ni, bien entendu, les mêmes normes environnementales qu'eux.

En fonction des cours, la grande distribution continuera de faire monter de la pêche, de l'abricot ou ce qu'elle voudra d'Espagne ou d'ailleurs, afin d'exiger de nos producteurs qu'ils laissent pour moins cher les fruits de leur travail. Il en ira de même des viticulteurs, qui seront priés de ne pas trop protester contre les livraisons de vin en provenance de ces mêmes pays.

Pourtant, une nouvelle loi sera adoptée ici. Si elle est votée en l'état, elle ne changera rien pour l'arboriculteur, le viticulteur, l'éleveur laitier, le maraîcher ou l'éleveur en vache allaitante. Si leur sort vous préoccupe réellement, monsieur le ministre, il faut faire preuve de plus d'audace et de courage !

Vous trouvez scandaleux que l'on propose, dans l'écrasante majorité des cas, de la viande étrangère au menu des collectivités publiques ? Imposons-leur de servir 75 % de produits français, dès lors que les repas sont payés par des impôts français. Vous trouvez aberrant que M. Leclerc tente d'imposer un barème de prix allemand pour le lait de consommation ? Interdisons explicitement ce type de pratique.

Enfin, vous souhaitez interdire réellement les ventes à perte et les promotions abusives ? Faisons-le en utilisant un barème de prix cohérent et transparent, et non sur la base de contrats dont la rémunération pourra toujours être inférieure au coût réel des productions.

Ce courage et cette audace sont d'autant plus indispensables à nos agriculteurs et à nos campagnes que la réforme de la PAC qui se profile à l'horizon s'annonce désastreuse pour notre pays. Nos producteurs voulaient des prix garantis plutôt que des aides. À ce rythme, ils n'auront demain plus aucune aide sans avoir par ailleurs regagné le moindre avantage en termes de prix.

En faveur du texte, je relève toutefois le doublement des sanctions en cas de maltraitance animale avérée, tout en espérant que cette mesure ne serve pas à diaboliser un peu plus les agriculteurs qui n'en peuvent plus !

Si le projet de loi pèche sur le fond, il n'est pas non plus satisfaisant sur la forme. Le recours aux ordonnances serait compréhensible s'il s'agissait d'imposer dans les meilleurs délais les garanties qu'attendent les agriculteurs, afin de lutter à armes égales, enfin, lors des négociations internationales. Pour l'heure, tel n'est pas le cas.

Par ailleurs, tel qu'il est rédigé, le texte offre au Gouvernement la possibilité de réformer la coopération agricole à l'abri des regards. Certes, celle-ci a beaucoup évolué au cours des dernières décennies. De là à en réécrire les règles sans passer par la voie parlementaire, il y a un gouffre dans lequel le Gouvernement ferait bien d'éviter de plonger !

Une telle réforme, si elle n'est pas menée dans les règles, mais adossée à un projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire insuffisant, ne peut qu'aggraver la crise actuelle et conforter la situation abusive d'une poignée d'acteurs économiques aux visées hégémoniques, tant dans la distribution que dans l'agro-industrie. Tel est l'esprit des amendements que nous avons déposés et qui, en raison du temps de parole limité dont nous disposons, risquent de ne pas même être débattus.

Nous passons beaucoup de temps, monsieur le ministre, vous et nous, auprès de nos agriculteurs. Vous savez qu'ils attendent beaucoup de cette loi, un peu comme un homme à la mer attend le sauvetage d'une bouée. Je crains qu'en lieu et place de sauvetage nous n'assistions à un enterrement de première classe !

Je croyais que vous feriez réellement de l'agriculture une exception « agriculturelle » à l'échelle européenne, comprise par le monde entier. Je constate que vous en faites un service marchand comme un autre, variant au gré des fluctuations du marché.

Vous ne changerez rien, car vous ne pouvez rien changer. Ne faites pas semblant ! Dites la vérité aux agriculteurs ! En agriculture comme dans les services ou l'industrie, la raison en est simple : le pouvoir n'est plus à Paris, il est à Bruxelles.

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