Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du vendredi 25 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 10 quinquies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Nous avions déposé en commission des affaires économiques un amendement de promotion de l'agriculture de groupe. Notre intuition est en effet que, sous les formes des plus diverses, l'agriculture de groupe a été un moteur puissant de la révolution agricole d'après-guerre.

Soutenus par la puissance publique, ces collectifs – des groupements agricoles d'exploitation en commun jusqu'aux coopératives d'utilisation de matériel agricole, en passant par les groupements agricoles d'exploitation en commun, les groupes d'étude et de développement agricole, les centres d'études techniques agricoles et les centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural – n'ont pas bénéficié d'un texte législatif fondateur ou refondateur, depuis les années soixante ou soixante-dix, pendant lesquelles ils ont joué un rôle capital dans ce qu'on a appelé le « développement sous forme de tache d'huile », l'organisation des producteurs et les économies d'échelle, véritable stratégie d'innovation qui a marqué notre agriculture.

Aujourd'hui encore, ils jouent un rôle très important et résistent à l'individualisme qui a saisi le monde rural et agricole. Ils sont aussi la principale source d'innovation dans les technologies, l'organisation sociale et la commercialisation.

Il est bon que, dans la foulée des États généraux de l'alimentation, un article de loi leur rende hommage et rappelle le sens ainsi que la définition de l'agriculture de groupe, dans sa diversité.

La première version de l'amendement, rédigée en collaboration avec la société civile, c'est-à-dire avec tous les représentants de ces mouvements associatifs, était sans doute hâtive. En la relisant, nous avons eu légèrement honte de certaines constructions grammaticales, ce qui nous a amenés à proposer une formulation épurée, qui tienne compte de certaines remarques du Gouvernement.

Dans cette nouvelle rédaction, nous avons évité toute référence au syndicalisme et situé l'action de ces groupements dans la complémentarité de celle des chambres consulaires. Il nous semble important de nous garder de toute ambiguïté à cet égard.

Que dit l'amendement ? Que l'agriculture de groupe est définie par des collectifs composés d'une majorité d'agriculteurs, lesquels ont pour vocation la mise en commun de façon continue et structurée de connaissances, ainsi que de ressources humaines et matérielles.

Ces collectifs sont des personnes morales – je sais que ce point fera débat – qui poursuivent un but d'utilité sociale ou d'intérêt général. Ils s'appuient sur une gouvernance démocratique, collégiale et contractuelle, fondée sur un droit égal de vote pour chacun des co-contractants. Ils sont les héritiers de l'esprit coopératif auquel nous avons rendu hommage ce matin et qui, dès 1844, animait, en Angleterre, les Équitables Pionniers de Rochdale.

De façon complémentaire à l'action des chambres consulaires, ils sont au service de la triple performance économique, sociale et environnementale de l'agriculture, notamment par une maîtrise des charges de production et l'optimisation de l'organisation du travail. Ils sont des acteurs de l'innovation et contribuent à l'effort de recherche et de développement.

De plus, ce qui est essentiel pour la cohésion nationale dans les territoires ruraux, ces collectifs, partenaires des acteurs publics et privés des territoires ruraux et périurbains, concourent par leur savoir-faire à la réussite de la transition agro-écologique, alimentaire et énergétique.

Enfin, l'agriculture de groupe est facteur d'intégration pour les nouveaux entrepreneurs du monde rural. Elle favorise le renouvellement des générations d'actifs agricoles.

Voilà la définition que nous avons réécrite après l'adoption par la commission d'une première rédaction. Au nom du groupe Nouvelle Gauche, je vous propose de l'adopter. J'espère un vote à l'unanimité, même si je n'ignore pas que la qualité de personne morale de ces collectifs fera débat.

Je suis revenu vers ces acteurs économiques que sont les coopératives d'utilisation de matériel agricole, les centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural, et les groupes d'étude et de développement agricole. Ils tiennent beaucoup à cette qualité. Très éloignés de toute logique d'ubérisation du développement agricole, ils se considèrent comme des associations constituées, dotées de statuts, exerçant une démocratie formelle, par conséquent comme des personnes morales. Il ne s'agit pas d'un débat idéologique, mais d'une réalité. Les représentants de ces collectifs tiennent à cette identité. Par fidélité au compagnonnage que j'ai avec eux, sur le terrain, comme d'ailleurs beaucoup d'entre nous, j'ai restitué dans cette rédaction leur qualité de personne morale.

Si le Gouvernement ou la majorité souhaite revenir sur ce point, ce que je regretterais profondément, je tiens cependant à ce qu'on conserve cette nouvelle rédaction, plus qualitative que la précédente.

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