Intervention de Brune Poirson

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Pour répondre à votre seconde question, monsieur François-Michel Lambert, cette feuille de route pour l'économie circulaire a été annoncée, lancée et portée par le Premier ministre. Cela témoigne de l'importance que le Gouvernement lui accorde. Il s'agit d'une question transversale : l'économie circulaire est susceptible de créer 300 000 emplois en France, des emplois non délocalisables, des emplois d'insertion, mais aussi des emplois hautement qualifiés. L'économie circulaire, c'est aussi la lutte contre une double arnaque : pour le porte-monnaie de nos concitoyens et aussi, surtout, pour la planète. C'est pour cela que le Premier ministre a porté lui-même les résultats de ce travail de concertation, qui a duré de longs mois et a été largement salué.

La question des déchets marins, soulevée par MM. Jimmy Pahun et Ludovic Pajot, est essentielle. Elle ne peut se résoudre à l'échelle de la France. Nous y travaillons déjà avec nos partenaires européens, et au niveau international. La France est active en la matière. Nous sommes particulièrement préoccupés par la prévision de la fondation Ellen MacArthur selon laquelle il y aura, d'ici 2050, autant de plastique que de poissons. Je sais que cette affirmation est très discutée, je ne prétends pas ici à l'exactitude scientifique, mais je crois que cela doit nous alerter. Nous sommes pleinement conscients qu'il y a là un risque grave. C'est pour cela que nous allons prendre une autre série de mesures, spécifiques, pour remédier au problème des déchets marins. Je vous invite d'ailleurs à y participer, puisque je vois que le sujet vous intéresse particulièrement. Prenez contact avec mon cabinet, et nous serons heureux de travailler avec vous.

Le système de consigne, monsieur Jimmy Pahun, fonctionne bien chez beaucoup de nos voisins européens. Nous en avons discuté avec eux, nous avons aussi lancé une mission sur le sujet, et M. Jacques Vernier, notamment, s'est longuement penché dessus. La France a, en la matière, un modèle un peu différent de celui de ses voisins, un modèle construit différemment au cours de son histoire. Le système des filières REP, auquel nous avons abouti, a été beaucoup repris en Europe. Nous avons donc décidé de mettre en place, avec les collectivités qui le souhaitent, des systèmes de consigne innovants, solidaires, et surtout qui seraient au choix des collectivités. Car de nombreux types de consigne différents pourraient être mis en place. Mais l'un de nos objectifs serait surtout de concentrer ces consignes sur le plastique, le hors-foyer, les canettes et les bouteilles de plastique. Vous savez qu'à Paris, par exemple, une bouteille de plastique sur dix est collectée et recyclée ; en France, 45 % des canettes seulement sont recyclées. Face à ces chiffres très bas, un levier important peut être employé dans le domaine du hors-foyer. Il nous est arrivé à tous de nous trouver dans une ville, dans un parc ou une gare, et de mettre finalement notre bouteille dans la poubelle générale. Nous voulons donc organiser des systèmes de consigne qui pourraient prendre des formes différentes selon les collectivités. Pour encourager ce geste de tri, nous ferons en sorte que, par le biais des éco-organismes, une contribution soit versée à une grande cause nationale, qui pourrait être, par exemple, la recherche contre le cancer ou la lutte contre le plastique dans les océans… Il n'en manque pas.

Quant à l'éradication du plastique, la France a encore beaucoup de marge de progrès, car les taux de collecte plafonnent. Nous recyclons 25 % des emballages en plastique, alors que la moyenne européenne est à 40 %. Le taux de collecte des bouteilles de plastique est en moyenne de 55 % en France, contre 90 % dans les pays nordiques. Parmi les différentes mesures de la feuille de route pour l'économie circulaire, je tiens à évoquer la dynamique d'accords volontaires, dont j'ai déjà brièvement parlé, pour que les industriels utilisateurs de plastiques intègrent davantage de matières recyclées à leur production. En lien avec le ministre de l'économie et des finances, j'ai invité les fédérations des entreprises concernées à formuler, d'ici fin juin, des propositions concrètes et à prendre des engagements volontaires. Telle est notre méthode : on commence par des mesures volontaires, on mobilise et si, in fine, la démarche ne porte pas ses fruits, on impose des mesures contraignantes. L'objectif est que chacun des secteurs concernés – l'automobile, les équipements électriques et électroniques, les producteurs de résine de polyéthylène et d'emballages, le secteur du bâtiment – fasse des propositions d'ici fin juin.

Outre le déploiement de consignes solidaires pour combattre la pollution par les plastiques, la feuille de route promeut l'amélioration de l'information des consommateurs sur le geste de tri, grâce à la simplification de l'étiquetage, dont j'ai parlé tout à l'heure. Je reviens rapidement sur l'introduction du bonus-malus : pour qu'il soit réellement incitatif et constitue un signal prix très clair, son montant pourra atteindre 10 % du prix total du produit.

Au niveau européen, nous promouvons l'interdiction de l'usage de tous les plastiques fragmentables – j'ai parlé tout à l'heure du polystyrène expansé employé pour la consommation nomade – et des microbilles de plastique qui sont ajoutées à certains produits, comme les détergents qui, on le sait aujourd'hui, en contiennent beaucoup. Là encore, nous devons agir rapidement, et c'est pour cela que nous avons adopté, au niveau européen, une démarche volontariste.

La feuille de route indique également que nous installerons des filtres de récupération des granulés plastiques sur les réseaux de collecte des eaux des sites industriels qui produisent ou utilisent de tels granulés, afin d'éviter qu'ils ne soient rejetés dans l'environnement. La chose est relativement simple, et nous paraît indispensable. De même que le déploiement des filières REP, ces mesures s'inscrivent dans la dynamique de lutte contre la pollution par les plastiques.

Permettez-moi de revenir un instant sur la question, évoquée tout à l'heure par Mme Jennifer De Temmerman, de la coopération entre mon ministère et celui de l'Éducation nationale. L'éducation est un point crucial, dont j'ai beaucoup parlé avec certains d'entre vous. Des rencontres ont eu lieu entre le ministre d'État et le ministre de l'Éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, ainsi qu'entre ce dernier et moi. L'objectif est d'établir un partenariat renforcé sur ces questions d'éducation au développement durable. Les programmes scolaires comportent déjà des éléments en ce sens, mais il faut toujours en faire plus, et notamment développer dans les écoles des gestes qui deviennent des réflexes chez les écoliers.

Notre ministère appuie en tout cas les réseaux d'associations qui, dans les territoires, auraient vocation à encourager les écoles, à les aider et à les soutenir dans leur action en faveur du développement durable. Car, si les programmes sur le développement durable ont beaucoup évolué, je le disais, les projets et les pratiques doivent encore être développés. Nous nous efforcerons de concentrer notre action cet objectif. Nous aurons, j'en suis sûre, de nouvelles occasions d'en parler ensemble et de poursuivre la discussion fructueuse que nous avons déjà eue à ce sujet.

J'ai omis de parler de la question essentielle du financement, notamment des financements verts. Nous voulons mobiliser largement les outils financiers publics disponibles, ainsi que les financements privés via les outils de la finance verte. Je pense par exemple aux fonds verts et aux obligations pour mobiliser l'épargne des ménages. Car ils sont nombreux à souhaiter que leur épargne ait un sens et qu'elle soit investie dans des projets qui soient certes rentables, mais qui aient aussi une action positive sur l'environnement. Il faut donc que des produits d'épargne simples et labellisés soient mis à disposition des épargnants. Nous venons, à cette fin, de réviser le référentiel du label « Transition énergétique et écologique pour le climat » (TEEC) afin d'y intégrer le financement de projets d'économie circulaire. Nos concitoyens expriment fortement, je le disais, le souhait de donner du sens à leur épargne. Nous voulons y répondre en développant ces outils financiers verts dans le domaine de l'économie circulaire, encore trop peu abordé par la finance responsable, la finance verte, qui pourrait notamment s'intéresser aux projets en matière d'énergie.

La visibilité de l'éco-contribution est, elle aussi, un sujet crucial. Elle sera débattue dans le cadre de la transposition de la directive « Déchets », qui fera également entrer dans le droit certaines mesures de cette feuille de route. Nous travaillerons évidemment à cette transposition avec vous, d'ici, je l'espère, la fin de l'année. Ce sera une étape très importante, pour laquelle nous aurons besoin de vous.

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