En ce qui concerne l'accès des mineurs à l'apprentissage, nous avons plusieurs questions à traiter au plan réglementaire car, sous certains aspects, peu nombreux au demeurant, et qui ne concernent pas la sécurité, le droit du travail freine vraiment le développement de l'apprentissage des 16-18 ans. Pour les apprentis boulangers, par exemple, le travail commence à six heures ; or le pain ne se fait pas à sept heures du matin. Nous allons donc proposer, au niveau réglementaire, qu'ils commencent dès cinq heures, et partent une heure plus tôt. Se pose également le problème de la limitation du nombre d'heures sur les chantiers du bâtiment : chaque jour, tout le monde arrive et repart dans la camionnette, apprenti compris. Mais le vendredi après-midi, tout le monde a fait ses 35 heures, sauf l'apprenti qui reste sur le chantier, sans être payé en heures supplémentaires ; mais, à part consulter son téléphone mobile, il n'a le droit de rien faire. Ce n'est pas très pédagogique… La directive européenne prévoit quarante heures maximum, moyennant compensation, paiement des heures supplémentaires, etc. ; voilà ce que nous envisageons.
S'agissant de la pêche, j'attends encore des propositions mais hélas, la marée n'est pas toujours conforme au code du travail… Du coup, les apprentis ont le plus grand mal à faire une journée complète. Nous sommes conscients qu'il faut résoudre le problème auquel se heurtent les marins-pêcheurs.
La question des interdictions faites aux apprentis a suscité de nombreux commentaires alors que la réglementation a résolu la plupart des problèmes. Reste un frein psychologique lié au fait que les règles en la manière ne sont pas connues – qu'il s'agisse de monter sur une échelle, de manipuler les outils ou de toucher du métal, par exemple : aucune de ces craintes n'est fondée. Les trois quarts des préoccupations qui nous remontent ne sont pas liées à un obstacle réglementaire mais, l'ayant peut-être été autrefois, sont restées dans l'imaginaire collectif. Il ne reste en réalité qu'un faible nombre de problèmes de cet ordre à résoudre, et il faudra le faire.
Certaines régions prétendent publiquement que la moitié, voire les deux tiers des CFA vont fermer – quoiqu'elles nous disent le contraire en aparté. Cela ne se produira que dans un seul cas de figure : si les régions en question décident à la rentrée, alors même qu'elles disposent des financements nécessaires jusqu'à la fin 2019, de pénaliser les CFA – et donc les jeunes en entreprise – pour faire de la politique politicienne. Mais elles mettent cette menace à exécution, nous le ferons savoir publiquement, car ce serait scandaleux. Le désaccord est de droit en démocratie, et le débat et les propositions d'amendement sont légitimes, mais le fait de pénaliser ainsi les jeunes et les entreprises serait inacceptable. Je veux que croire que cela ne se produira que très rarement.
L'aide aux apprentis concernera tous les jeunes en apprentissage dans une entreprise de moins de 250 salariés, car nous voulons développer l'apprentissage dans les TPE, les PME et les ETI. Les profils ciblés sont les étudiants en bac professionnel ou en CAP, car c'est effectivement là que nous péchons. L'apprentissage se développe très bien dans l'enseignement supérieur, en BTS comme en DUT, a fortiori en master et en diplôme d'ingénieur, et pour cause : un jeune en BTS apporte davantage à une entreprise, ne serait-ce que grâce aux exonérations de charges et au niveau moindre des salaires, autrement plus qu'un jeune apprenti de seize ans qui débute un CAP après un parcours scolaire mitigé, pour dire le moins. À enveloppe égale, nous avons donc privilégié l'apprentissage des étudiants en CAP et bac professionnel. Étant donné l'argent disponible, nous avons en effet choisi de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires des entreprises.
Il existe tout un réseau d'opérateurs de bilans de compétences qui sont souvent des structures de petite taille, voire unipersonnelles. Le conseil en évolution professionnelle ne renvoie pas au bilan de compétences car il fonctionne très peu mais, dès lors qu'il prendra un poids plus important, il pourra décider d'approfondir – comme le fait Pôle Emploi – telle ou telle compétence en proposant un bilan afin que les formations puissent continuer d'être financées dans le cadre du CPF et par les actions de Pôle Emploi. Les craintes à ce sujet devraient pouvoir être rapidement levées. De manière générale, tout ce qui concourt à renforcer l'autonomie, la confiance en soi et la capacité des salariés et des demandeurs d'emploi à prendre leur vie en main est opportun.
S'agissant de l'adéquation entre les jeunes et les entreprises, nous nous heurtons à trois problèmes : les jeunes qui ne trouvent pas d'entreprise, les entreprises qui ne trouvent pas de jeunes, et les jeunes ou entreprises qui ne trouvent pas les financements des CFA. J'ai déjà abordé longuement le dernier point mais il faut aussi régler les deux premiers. La discrimination existe, c'est un fait. Dans les QPV, ce sera une priorité, y compris dans la dotation aux régions. Un jeune issu d'un quartier prioritaire de la ville a deux fois moins de chances d'accéder à l'apprentissage que les autres, alors que les besoins sont immenses. Pour résoudre ce problème, nous voulons aussi mobiliser les acteurs en les incitant à implanter une section des CFA dans les quartiers prioritaires, quitte à demander aux jeunes de s'éloigner de chez eux en deuxième année ou lors d'un deuxième contrat. Mais en formation initiale, les jeunes doivent rester près de chez eux – en particulier les jeunes filles, moins nombreuses que les garçons en apprentissage. De ce point de vue, la compétence élargie des régions sera utile, en lien avec les établissements scolaires et les professionnels. Certaines régions, par exemple, ont créé avec succès des plateformes en ligne d'offre et de demande entre les jeunes et les entreprises ; mieux vaut que ces initiatives soient prises localement, quitte à ce que l'État vienne au besoin se substituer aux régions défaillantes.
Les centres de formation d'apprentis spécialisés (CFAS) sont des CFA destinés aux apprentis ayant des difficultés particulières d'acquisition des compétences et utilisent une pédagogie très individualisée – donc très précieuse. La réforme préserve intégralement leur financement car ils préparent à des diplômes reconnus, ils sont certifiables et bénéficieront de financements supplémentaires au titre de la préparation à l'apprentissage.
Les exonérations existantes dans certains secteurs d'activité en Alsace-Moselle seront maintenues ; les acteurs ont été prévenus et le Gouvernement déposera un amendement en ce sens avant le débat en commission. Je l'ai dit en préambule : ne cassons pas ce qui fonctionne, mais transformons ce qui ne fonctionne pas assez ou pas du tout.
Je conclurai par les outre-mer, où les CFA consulaires et de branche sont très peu nombreux ; la plupart des CFA sont financés par les collectivités. La réforme prévoit que toute collectivité – commune, département ou région – pourra créer des CFA sans limitation, tout comme une entreprise ; ce sera très utile. Un groupe de travail a été créé avec des députés sur la question, notamment pour examiner les modalités des contrats. La question des collectivités se pose partout mais prend un relief particulier dans les outre-mer, où elle est une condition de réussite de l'apprentissage. Nous proposerons dans les jours qui viennent des aménagements pour assurer le bon fonctionnement du système, étant entendu que les problématiques varient d'un outre-mer à l'autre. Il faut au moins prévoir le cadre légal qui permettra de prendre les dispositions nécessaires pour, dans les outre-mer comme ailleurs, donner aux jeunes davantage de chances d'accéder à un avenir professionnel choisi.
L'ampleur des questions que vous m'avez posées, mesdames et messieurs les députés, augure d'un vaste débat public. Sur toutes les questions relatives à la formation et à l'apprentissage, à l'assurance chômage ou encore à l'égalité salariale et aux travailleurs handicapés, l'opinion publique doit elle aussi se saisir du débat pour donner plus de force à la mise en oeuvre de la loi.